Becoming Led Zeppelin, bien dirigé

par Adehoum Arbane  le 15.04.2025  dans la catégorie C'était mieux avant

On le sait. Inutile de le répéter. Et pourtant, il faut l’écrire : Led Zeppelin est un monument. Volant certes. Mais un monument. Un dirigeable qui a su trouver le chemin d’une carrière sans trop de fausses notes, nous parlons de quelques albums en dessous des chefs-d’œuvre et le Dieu du Métal sait à quel point ils en ont au compteur. Avec Pink Floyd et quelques autres grandes figures anglaises et américaines, Led Zep figure parmi les groupes les plus importants, les formations les meilleures, les légendes du rock. Une fois avoir ressassé l’évidence jusqu’à la lie, que penser d’un documentaire qui leur serait (enfin) consacré et qui, comble de la promesse, sortirait dans nos salles obscures paré des arguments les plus vendeurs : archives inédites, témoignages des seuls intéressés, son énorme, expérience quasi immersive, excusez c’est l’époque qui veut ça… 

Il y a tout ça dans Becoming Led Zeppelin de Bernard MacMahon et bien plus encore. Il y a surtout des partis-pris, choses que l’on observe que trop rarement dans le genre. Nous l’avons dit, l’auteur et réalisateur s’est concentré sur les récits de Jimmy Page, Robert Plant, John Paul Jones et de John Bonham, parvenant à exhumer une interview inédite du batteur qui permet à la voix d’un mort d’accompagner celle des vivants. Le deuxième parti-pris et de loin le plus fort est de recentré son film sur l’avant Led Zep et les deux premières années du succès. Oh, on n’échappe pas à la contextualisation de rigueur qui nous montre la naissance des futures et flamboyantes années 60 sur les cendres encore fumantes de l’Angleterre de l’après-guerre. Sans s’appesantir sur l’Histoire avec un grand H, MacMahon enchaîne sur la petite, celle de nos quatre jeunes musiciens en devenir. Sans tout révéler car on sait l’essentiel, l’amitié Plant-Bonham et les débuts de Page et de Jones en tant que musiciens de sessions et arrangeurs de talent, on découvre les premiers pas maladroits, les opportunités qui apparaissent pour le spectateur comme des moments rêvés (nous n’avons pas vécu la même époque qui fut un âge d’or), les formations d’apprentissage avec, pour Plant et Bonham, le plaisir d’entendre des singles psyché du meilleur effet. On a surtout le bonheur de voir Page au sein des Yardbirds qui fut, doit-on le rappeler, un groupe fondateur ; les héros du psyché américains leur doivent tout. On comprend qu’en ces poignées d’années, la révolution s’accélère, tout allant très vite pour les groupes désireux de percer. On perçoit aussi la chance dont a profité Led Zep quand les deux blocs, Page-Jones d’un côté, Plant-Bonham de l’autre, se rejoignent et fusionnent. En quelques jours, l’alchimie a surgi comme par magie, les qualités de chacun créant la force de ce grand tout qu’est déjà Led Zeppelin, avant de s’appeler ainsi, merci Keith Moon. 

Et là, en un peu moins de deux heures, le documentaire retrace cette grosse année et demi qui débordera jusqu’au 9 janvier 1970 où Led Zeppelin, parti pour la première fois en tournée dans son propre pays, posera ses valises d’instruments et d’amplis au Royal Albert Hall, temple de la musique à Londres. Les quinze précédents mois l’auront vu enregistrer son premier album dans l’indépendance la plus totale, lui offrant une liberté inimaginable aujourd’hui, puis franchir l’Atlantique et signer, grâce au flair de Peter Grant, avec Atlantics Records. Il entame alors une tournée US à la fois formatrice et stratégique, constituant ainsi la meilleure des campagnes publicitaires. Sur la route, les musiciens composent les morceaux de Led Zeppelin II qu’ils graveront dans de nombreux studios anglais et américains, et même à Vancouver, épaulés alors par l’ingénieur son de Hendrix, Eddy Kramer. Entre temps, succès est immédiat et ça, le filme prend le temps de le montrer merveilleusement bien. On a plaisir à y écouter des chansons mythiques, jouées en entier pour notre seul plaisir de fans. On comprend alors la force de frappe de sa musique et à quel point Led Zeppelin posa, bien avant Black Sabbath, les bases du métal plus que du hard. 

Bien sûr, on pourra reprocher au réalisateur, avec une déconcertante facilité doublée d’une mauvaise foi abyssale, de ne pas montrer, après ce début de carrière forgé à la force de la main par quatre jeunes nourris d’ambitions, les excès, la drogue, le star-system. Le film semble en effet fossilisé dans un moment heureux, positif, presque naïf. Comme si nous étions en train de contempler une fable hollywoodienne. Mais c’est un choix assumé et qui fonctionne à merveille. Pourquoi radoter sur ce qui est connu et que Page aborde d’ailleurs sans honte ? Et puis quelle émotion de voir les trois musiciens entendre la voix de leur ami parti trop vite, trop tôt. C’est l’une des nombreuses et excellentes idées de ce film à aller voir de toute urgence, urgent comme une fin de sixties étincelantes. Avec une formation à son apogée et qui allait pourtant sortir maints classiques absolus et définitifs.

Becoming Led Zeppelin, de Bernard MacMahon et Allison McGourty

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