Best drummers

par Adehoum Arbane  le 10.12.2024  dans la catégorie C'était mieux avant

Quand on vous interroge sur vos musiciens préférés, on pense solistes, auteurs-interprètes ou groupes. 

On ne songe pas “musicien” au sens de technicien, et si l’on avait ce filtre, le choix du batteur ne viendrait pas forcément à l’esprit. 

Voici donc une liste de batteurs que j’affectionne tout particulièrement.  Celle-ci dépasse le cadre bien trop restrictif du top 10, c’est aussi une sélection qui laissera des batteurs mythiques sur le bord de la route. 

Non que je ne les tienne pas en haute estime, mais je me suis borné à ne retenir que les batteurs qui, pour résumer les choses, me font tendre l’oreille. Des musiciens qui, par leur technique, leur style, se mettent au même rang que les solistes, guitaristes, organistes et même flûtistes (je ne citerai personne), au point de rivaliser en matière de popularité. Enfin, et ce n’est pas anecdotique, je n’ai retenu aucun batteur de jazz. Ce qui ne veut pas dire que je ne les apprécie pas, bien au contraire. Ils mériteraient eux aussi une liste, même si le batteur jazz qui m’a le plus marqué pour l’avoir vu en live demeure Elvin Jones, inamovible du haut de son Olympe Éternelle. 

Débutons ce classement pop et rock par… 

Robert Wyatt. Il est de loin le premier pour de nombreuses raisons qui déjouent les règles édictées ci-dessus. Wyatt est un artiste total : batteur, chanteur, pianiste, compositeur singulier. Mais si l’on ne considère que le technicien à proprement parler, on appréciera tout comme moi son jeu virevoltant, tout en cliquetis et breaks. Les batteurs professionnels excuseront au passage mes approximations langagières en la matière. C’est bien simple, Wyatt a le jeu de sa voix, aiguë, haut perchée, flûtée, oscillante. C’est un oiseau qui saute de branche en branche, une sorte de colibri de la batterie. 

Christian Vander se détache de Wyatt, même si, à l’image de Robert, il est lui aussi un créateur accompli. Batteur, pianiste, chanteur à la voix soul, compositeur à part, il aura poussé le vice artistique jusqu’à créer sa propre langue, véhicule idéal pour "dérouler" le mythe qu’il a façonné et appelé Magma. En tant que musicien, il est de loin le batteur le plus puissant, le plus technique, au jeu extrêmement varié, capable de lever des tempêtes comme de faire surgir la paisible lueur d’une accalmie. Il est par définition un maître du temps et un chef d’orchestre aux deux baguettes. 

Mitch Mitchell tient une place particulière dans mon cœur puisqu’il est le tout premier batteur de Jimi Hendrix, ce dernier y occupant une place encore plus importante. Mitch Mitchell ne possède pas un drum kit impressionnant, l’instrument semble visuellement réduit à sa plus simple incarnation, mais le musicien qui s’y installe rivalise de puissance et d’élasticité. Ce n’est pas un hasard si Mitchell trouva en Elvin Jones une inépuisable source d’inspiration. Il n’en demeure pas moins le batteur le mieux à même d’accompagner Jimi, ce qu’il fit à merveille. Réécoutez donc Axis Bold As Love pour en prendre la juste mesure. 

Les trois qui vont suivre ont plus d’un point commun et ce n’est pas celui d’appartenir au genre progressif que je retiendrai même si ce dernier ne relève pas du pur hasard s’agissant de votre serviteur. Le premier est Pip Pyle. Issu de la fameuse école de Canterbury qui a dû réconcilier plus d’un amateur de pop avec le prog, Pip Pyle a eu l’honneur de figurer dans deux super groupes canterburiens, Hatfield & The North et National Health. Lui aussi a choisi une batterie de dimension modérée et le jeu qu’il déploie s’en ressent. Aérien, resserré, véloce, canterburien. Écoutez donc Binoculars sur le deuxième album de National Health. En plus d’en être le compositeur, sa partition de batterie enrobée par la flûte rebondissante de l’indispensable Jimmy Hastings et la basse noueuse de John Greaves figure parmi les moments qui me mettent, pardonnez cette familiarité, les poils ! 

Dans un style tout en cliquetis secs et coups mats, voici Michael Giles, le batteur de King Crimson sur In The Court of The Crimson King et In The Wake of Poseidon. Il est le musicien qui gère le mieux frappe entre caisse claire, toms, tom basse et cymbales dont il use avec parcimonie. On a le plaisir de le retrouver sur son très bel album "solo", McDonald And Giles en 1971, véritable Abbey Road du prog ! 

Chris Cutler, enfin ! Ami de Wyatt et batteur du groupe de jazz expérimental Henry Cow, entité à la lisière de l’école de Canterbury. Impassible derrière ses fûts, Cutler adopte pourtant un jeu magnétique, versatile et peu avare de ses cymbales tout en restant relativement sobre, ce qui apparaît comme une gageure. Entouré de musiciens surdoués, il s’impose comme l’un des maillons essentiels du groupe, portant les différentes parties au sein d’un même morceau jusqu’à l’apothéose. 

Passons à une autre catégorie que j’avais évoquée : les maîtres du temps. Les trois batteurs qui vont suivre en font partie et pourtant, ne se ressemblent guère, du moins leur groupe. Nick Mason d’abord. Je l’aime tout particulièrement. D’abord, il a produit Rock Bottom, ce qui n’est pas rien ! Au sein de Pink Floyd, il incarne le rôle de maître des horloges par son approche ralentie et son utilisation systématique des cymbales, tant et si bien que l’auditeur aura l’impression de retrouver les mêmes tics, les mêmes phrases d’un morceau à l’autre. Il demeure l’un des architectes du son Pink Floyd. Alors qu’il n’est pas un batteur virtuose. Aucun musicien du groupe ne l’est vraiment au sein premier du terme. Pour autant, Pink Floyd s’est imposé, grâce notamment à Mason, comme un groupe fondamental de décennies 60 et 70.

Ginger Baker l’est un peu plus. Virtuose. Il est surtout un batteur en apesanteur. Lui aussi a façonné le son Cream au même titre que la wah-wah de Clapton ou la voix de Jack Bruce. Que seraient World Of PainTales Of Brave UlyssesWe're Going WrongWhite Room ou Those Were The Days sans son jeu impérial, exotique et roboratif ? Si l’on prend en compte sa personnalité de marginal psychotique, sa longue silhouette squelettique, son visage osseux et marmoréen qu’illumine une courte tignasse rousse, Ginger Baker est assurément l’un des batteurs qui m’a le plus impressionné. 

B.J. Wilson pour clore cette sous-catégorie. Il ne s’agit pas là d’un sous-batteur. B.J. Wilson n’est jamais cité à sa juste valeur, isn’t it a pity ? Car il incarne mieux que quiconque l’idée de classe, de style au sens le plus noble du terme. Ce n’est pas un virtuose lui non plus. Pour lui, l’élégance consiste à ralentir le geste, à faire durer le temps. Il y a une saveur antique dans ce moderato et A Whiter Shade of Pale en est bien évidemment le plus bel ambassadeur, mais on pourrait également l’entrée majestueuse qu’il fait sur A Salty DogGrand Hotel ou la souplesse dont il fait preuve sur Homburg

Keith Moon fait figure de totem. Comme John Bonham que j’adore aussi mais que je n’ai pas retenu. Pourquoi Keith ? Parce qu’il picolait ? Qu’il défonçait des chambres d’hôtel ? Moon est une boule de nerfs, une déflagration contenue mais dont la frappe a changé la face de chansons, pourtant géniales, comme I Can't ExplainMy GenerationThe Kids Are Alright, Anyway, Anyhow, Anywhere, Substitute, Boris The Spider et I Can See For Miles. A la fois sec, efficace, tout en roulements guerriers, son jeu admirable en a fait le meilleur batteur anglais des mid-sixties alors que l’époque en compte déjà pas mal. 

Entre deux, accordons une place à un batteur moins invoqué mais tout aussi méritant : Jon Hiseman. Il fit partie avec d’autres camarades des Bluesbreakers de Mayall et forma le groupe de blues et jazz rock, Colosseum. De tous les batteurs figurant dans cette liste, il correspond le mieux à l’idée que l’on se fait d’un frappeur. Batterie énorme, style de jeu qui en impose, virtuosité débridée pour ne pas dire surjouée. Il n’en demeure pas moins un musicien inspiré que l’on découvre, non sans émotion, à travers deux morceaux, Valentyne Suite (version studio) en 1969 et Lost Angeles sur Colosseum Live en 71. Hiseman se montre capable de s’adapter, de réagir avec justesse aux intuitions de ses solistes, en l’occurrence les deux guitaristes talentueux que sont James Litherland et Dave ‘Clem’ Clempson. 

Je viens de parler des batteurs anglais et on en oublierait presque la suprématie que ces derniers exercent sur ce classement malgré tout très personnel et donc spontané. On ne choisit pas d’aimer tel ou tel batteur, la chose s’impose à vous, comme l’amour. S’il fallait faire une place et non des moindres aux percussionnistes d’outre-Atlantique, Ed Cassidy en serait ! Peut-être d’abord pour des critères purement subjectifs mais délicieux : au sein de Spirit, c’est un déjà un vieux. De plus, il vient du jazz, est chauve et possède l’étonnant statut de beau-père du guitariste Randy California. Et pourtant, il a contribué à forger le style de son groupe, pas tout à fait psyché, ni jazz, presque pop et tout cela à la fois ! 

Revenons en Europe, mais en Allemagne avec Jaki Liebezeit, le formidable batteur de Can. S’il ne fallait écouter qu’un titre pour se rendre compte du talent du jeune batteur, il faudrait écouter Oh Yeah, sur Tago Mago. Et en boucle. Oh bien sûr, Paperhouse ne démérite pas, bien au contraire. C’est aussi un modèle du genre en matière de percussions car c’est ce terme qui définit le mieux le style Liebezeit. 

Finissons ce panthéon personnel par deux batteurs à cheval sur deux décennies. Le premier qui cite Phil Collins est fan de Phil Collins et c’est bien sûr le cas. Derrière le frontman du trio Genesis, il y a le jeune batteur qui inaugure sa fructueuse collaboration avec la Genèse dès 71, figurant au casting de Nursery Cryme. On oublie que le chanteur et le compositeur de singles pop par trop sucrés fut aussi un batteur talentueux. À la fois subtil et puissant, Phil ne lâche rien, tient le tempo de morceaux s’étalant en longueur. Écoutez son remarquable ouvrage sur Fountain Of Salmacis ou encore Get 'Em out by Friday.

On considère à tort Stewart Copeland comme une personnalité imbuvable, il n’en est rien. Américain au sein d’un groupe anglais, son engagement au sein de The Police a su déjouer ce que l’on dit communément au sujet des trios en amitié : cela ne fonctionne pas. Là, si. Le style Copeland c’est un savant dosage entre rythmique reggae et virtuosité jazz sans jamais renier la force inhérente à l’idée même de musique rock. Mais la frappe du batteur n’est jamais massive, lourde, de plomb, mais au contraire précise et tranchante. Si l’on ajoute à cela sa contribution significative en matière de composition, Copeland ne répond absolument pas au cliché du batteur anonyme, au fond du studio, à qui l’on a attribué cette fonction à défaut d’une autre. Pour le dire autrement, Stewart Copeland est l’un des meilleurs batteurs de sa génération et nombreux furent les prétendants au titre. 

Et vous alors, quels sont vos batteurs favoris si vous en avez ?

 

 

 

 


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