On le sait, les années 60 furent LE moment pour l’industrie du disque, qui connut une expansion sans précédent (ou presque). Tirés par la locomotive Beatles, les labels, grands et petits, virent dans le succès du groupe des raisons d’espérer, voire de trouver leurs Beatles à eux. Cette forme de compétition (pour ne pas dire concurrence) fructueuse porta sur les podiums de la gloire des formations au moins aussi méritantes. Dans le lot des signatures en pagaille, nombreux furent les groupes de moindre importance à rejoindre des écuries aussi prestigieuses que DECCA-DERAM, Columbia, Warner, Elektra, etc. Les sorties abondent, la créativité devient la norme et un enjeu commercial.
Parmi les idées qui naissent alors, on retrouve souvent, entre les années 67 et 68, ce que l’on appellera les “albums de producteurs”. Surfant sur la vague d’un genre à la mode, un ou plusieurs producteurs réunissent alors un groupe de circonstance – des requins de studio – pour enregistrer les chansons qu’ils ont entièrement écrites, pensées et qu’ils souhaitent arranger d’une certaine manière. Ces projets de démiurge n’ont pas tous donné de grands disques, au contraire. Aussi mineurs soient-ils, certains méritent que l’on se penche sur eux, quelques décennies plus tard. Celui qui nous intéresse aujourd’hui possède quelques atouts. Là encore, pour ne pas déroger à la règle, le disque en question crée l’illusion qu’il est le fruit d’un travail de groupe. Ce dernier s’est choisi le judicieux patronyme de The Zodiac qui donne clairement une indication quant à son contenu. Si l’on précise l’année de sortie, mai 1967, et son titre, Cosmic Sounds, on conviendra qu’il appartient au style psychédélique alors en vigueur. Mais qui se cache derrière le Zodiac ? Trois noms, qui ont leur importance dans l’histoire de la pop. Tout d’abord Mort Garson. Musicien et producteur canadien, il est le compositeur de l’album bien connu des amateurs d’électronique, Mother Earth’s Phantasia, publié en 1976. Le second c’est Paul Beaver, claviériste tout aussi renommé au sein de Beaver & Krause et qui rivalise d’ingéniosité avec Garson dans le même domaine musical. Enfin, Cyrus Faryar, le moins connu. Ce musicien américain d’origine iranienne n’en demeure pas moins l’un des acteurs de la scène folk new-yorkaise et a œuvré au sein du Modern Folk Quartet et aux côtés de Judy Henske et Jerry Yester. Son apport n’est pas anecdotique, nous le verrons plus bas. Un quatrième nom peut être ajouté, celui de Jac Holzman, le patron d’Elektra qui a eu le nez creux en signant les Doors.
Tout ce petit monde se réunit donc en studio pour y graver les douze chansons, enfin morceaux qui, par ailleurs, se basent sur les signes du zodiaque comme le pressentait le nom du groupe. Sur un format relativement calibré, de deux à trois minutes et plus, la musique tout comme la voix se veulent des guides pour mener sans doute l’auditeur vers un état de conscience élargi, comme le voulait la mode à l’époque. Les compositions s’avèrent homogènes en termes d’ossature, les rythmes, ambiances, climats évoluant de façon variée sans troubler la quiétude de l’écoute ni dénaturer l’ensemble. L’idée d’un fil conducteur spirituel vient immédiatement à l’esprit lorsque l’on se plonge dans la musique. Si vous venez chercher des chansons pop à la structure conventionnelle, aux mélodies saillantes, passez votre chemin. Si au contraire votre curiosité vous pousse à explorer d’autres voies musicales, cette écoute peut répondre à votre souhait. L’album commence efficacement avec Aries - The Fire-Fighter et poursuit son voyage mystique d’un signe à l’autre, sans revendiquer une quelconque virtuosité. Chaque Signe fait l’objet d’un traitement, d’un assemblage sonore fascinant d’emblée. La voix rompt la linéarité des parties instrumentales, dans une sorte de pause bienvenue. On ne peut s’empêcher de penser au chant de Morrison quand on découvre celui de Cyrus Faryar. Mais la question surgit, restant sans réelle réponse : qui des deux à influencé l’autre ? Les passages purement instrumentaux bénéficient de tout l’attelage classique de l’époque, clavecin, claviers acides, flûte, guitare fuzz, basse et batterie auxquels s’ajoutent des synthés, mini-Moog et autres appareils électroniques. L’assemblage se veut efficace et finit par laisser une trace mélodique dans les mémoires. On sent immédiatement le savoir-faire évident des musiciens, la cohésion qu’ils font régner avec comme objectif la réussite d’un projet murement réfléchi et écrit.
Alors, qu’en penser réellement ? Cosmic Sounds n’est pas le chef-d’œuvre oublié qu’il ne prétend pas être. Il s’agit d’un album témoin. Mais de quoi ? De l’extrême liberté dont bénéficiait à l’époque les artistes sans se soucier du succès de l’ensemble. Mais que voulez-vous, dans la foulée des Beatles et de leur Sgt. Pepper’s, tous les espoirs étaient permis. Les rêves n’en étaient plus vraiment et la consécration pouvait frapper à la porte de n’importe quel studio ou label. Surtout, on constatera qu’à la fin du disque, le souvenir qu’il en restera créera une connexion avec le présent musical. Du moins un passé pas si lointain. Dans ses meilleurs moments, The Zodiac semble avoir été une source d’inspiration pour Broadcast (The Noise Made By People) si l’on fait abstraction du propos mystique. Pas si mal au fond pour un album de producteurs.
The Zodiac, Cosmic Sounds (Elektra)
https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=9sbm4-3Ef3c