La Luz your religion ?

par Adehoum Arbane  le 17.09.2024  dans la catégorie A new disque in town

Tout commence par un rêve. Dans les bribes qui persistent au moment du réveil, émerge le souvenir d’une rencontre avec La Luz, groupe de pop originaire de Seattle et fondé par Shana Cleveland (ça ne s’invente pas). Elle a lieu dans une maison, on ne sait où. Puis se poursuit, magie du rêve, dans un bus. Le groupe entre et regarde hilare l’assistance qui, elle, se rend compte de la réalité. Il s’agit d’une prise d’otages, une vraie, comme dans les films. Les yeux s’ouvrent. Tout est fini. Là, reprend la chronique. News Of The Universe est le cinquième album du groupe, le premier pour Sub Pop, ce qui est un signe. Qu’il s’agit de leur meilleur ? Impossible de trancher, faute d’avoir écouté les précédents. Mais…

Mais l’on peut dire sans trop de risque que ce disque vous prend immédiatement en otage, comme dans le rêve précité. Ce qui demeure la marque des albums efficaces. Il faut bien dire que la face A s’avère redoutable en la matière, vous attrapant par la manche grâce à son enfilade de tubes, oui, de tubes. Si Reaching Up to the Sun est une porte d’entrée à cappella, les trois chansons suivantes donnent le ton. Strange World d’abord, qui démarre sur un motif tourbillonnant de batterie suivi d’un riff de guitare fuzz. Instant libérateur, une sorte de Moog et des nappes de claviers font passer cette musique du 4/3 au 16/9. Les voix doublées par des chœurs judicieusement placés positionne cet hymne entre pop et krautrock. On sait à quel point ce dernier terme peut sembler galvaudé tant il est repris à toutes les sauces critiques. Cela étant, Strange World porte bien son nom, qui tutoie l’exotisme arabisant sur le pont, comme dans les meilleures chansons psyché nord-californiennes. Dandelions lui emboîte le pas, dans un registre moins moderniste, encore que. La ligne mélodique de Dandelions se voit zébrée de Moog, comme s’il fallait toujours pour ces musiciennes déconstruire ce qu’elles avaient bâti. Après un tel déluge, il était temps de revenir à un mode plus calme, en l’occurrence la ballade. C’est le cas avec le très beau Poppies dont le refrain ne vous quitte plus, malgré les vapeurs du mellotron et les falbalas, vibraphone et clavecin de rigueur. La face A s’achève dans la mélancolie acide de Good Luck With Your Secret et l’acoustique trompeuse de Always in Love qui retrouve quelques accents électriques, tout en conservant son charme torve.

La face B ressemble à toutes les faces B du monde depuis la création de la pop. C’est-à-dire plus ouverte en matière d’expérimentations, de prise de risque. Son entame, Close Your Eyes, est une invitation à l’extase, au décollage vers d’autres univers dont nous n’aurions que très peu de nouvelles, si ce n’est ces six autres titres. I'll Go With You sonne le tocsin autant que le réveil avec son introduction martiale à la fuzz alors que son couplet perpétue l’inexorable et trippante sensation de Close Your Eyes. Ce qui passionne dans l’écoute de News from the Universe est que nos musiciennes partent dans des directions opposées, comme le prouve le répétitif Blue Moth Cloud Shadow où la guitare ose un style plus débridé alors que les claviers hésitent entre le carillon et le feutré, parfois en même temps. Entre temps, on s’est dit que le morceau était sans doute dépourvu de refrain et que la chose était voulue. Le morceau qui donne son titre à l’album renoue avec la simplicité biblique des débuts, plus mélodique bien que toujours psychédélique, le final cassant la structure de la chanson pour dériver vers un abîme sonore. Moon in Reverse qui rime étrangement avec la chanson d’avant, pourrait en être l’heureux prolongement, manière de tirer un peu plus le fil cosmique, comme dans une seconde partie, ici instrumental languide qui s’ébroue jusqu’à cette fin en fade-outBlue Jay est un vrai final d’album sixties, morceau simplement acoustique comme on en trouvait autrefois, retour à la normale, remède à l’errance droguée. 

De cet ensemble réussi et hautement recommandable, on préfèrera la perfection de la première partie à l’opposé d’une seconde plus délayée, moins évidente, même si sa disparité nous fait dire ceci : qu’il est bien rare d’entendre un album comme ça en 2024, un disque maîtrisé mais libre de ses divagations. On en oublierait que ces chansons racontent la vie, la maladie, le fait de passer à côté de la mort, comme lors d’un mauvais trip. Mais avec élégance, c’est la ligne de conduite du groupe, sa religion. La Luz n’est pas la lose. 

La Luz, News of the Universe (Sub Pop)

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https://laluz.bandcamp.com/album/news-of-the-universe-2

 

 

 


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