Arnaud Fleurent-Didier et Lana Del Rey en sont jaloux. La rencontre du son et du sens, et en français. La mélancolie de tous les Baudelaire péri-urbains synthétisée dans ces trois minutes et dix-sept secondes. Progression ascensionnelle de violon en tornades : Arnaud en avait rêvé. « Non, l’Amérique c’est plus l’Amérique », Lana ne s’en est pas vraiment remise. Évidemment, ce don, celui de Charles-Baptiste, ne date pas d’hier, distillé comme un cognac sur quelques albums, de nombreuses chansons qu’un petit cercle s’échange depuis des lustres comme un roman interdit. Tout droit sorti de l’Enfer. Les sachants se toiseront avec malice.
Revenons à ces Dimanches. La chanson, et ce n’est pas commun, arbore deux statuts à la fois. Celui de manifeste d’abord. Pour et par ses mots simples, enfin pas si simples puisqu’ils sont l’assemblage d’idées, de formulations savamment pesées au trébuchet de la culture classique, mais dans lesquelles chacun trouve son compte, pour ne pas dire que l’on s’y retrouve. Des scènes de vie, dit-on. Lifestyle dans les banques d’images de nos mémoires familiales. Pour et par ses choix musicaux : mélodie, arrangements, production, mot plus froid qui ne rend pas vraiment justice à la force émotionnelle, comme un orage de sentiments, une dépression s’imposant sur le pays des cœurs en déroute. Ce dernier aspect est le fruit, bien plus qu’une collaboration, une rencontre musicalo-amicale, une sorte de bromance en mode mineur (musicalement parlant, s’entend) : entre Charles-Baptiste et Alexandre Chatelard (n'oublions pas Emmanuel d'Orlando aux arrangements). Charles-Baptiste, c’est un peu cet élève frondeur qui monte sur la table pour soutenir Robin Williams/monsieur Keating, pygmalion sacrifié par l’autorité. Charles-Baptiste a vécu intensément la poésie de la création, Chatelard l’a épaulé. Ce dernier vit peut-être la création par procuration. Ce qui ne veut pas dire qu’il manque de carburant pop. Sa carrière en zigzags fulgurants en atteste. Comparaison n’est pas raison, certes, mais ici, elle trouve une signification, mieux, une incarnation. Charles-Baptiste a mis dans ces Dimanches, ses Dimanches, tous ses souvenirs, ses rêves, ses fantasmes de jeune prodige, de Novalis béarnais. Car celui-ci, fort d’un parcours plus qu’initiatique, n’est pas cet énième ersatz formaté, de Rastignac instagramé. Le jeune homme a vécu moult péripéties, a ressenti jusque dans sa chair des blessures, du moins des épreuves qui ont tanné son cuir. Il a survécu à tout tel un saint Sébastien moderne, comme si les flèches l’ayant transpercé lui avaient montré le chemin. Le chemin n’est plus un sentier pyrénéen mais une autoroute plus immatérielle, bien que réelle. Celle du succès, que l’on espère pour lui rapide. Il le mérite tant.
Enfin, Dimanches, la chanson, s’avère telle une Vierge Marie une forme d’annonciation. C’est l’annonce d’une suite d’accords. D’autres chansons à venir et qui constituent la belle matière, noble comme la glaise, d’un futur album, son troisième. Déjà écouté. Déjà aimé. Onze titres, onze histoires, onze démonstrations de force mélodique, homotextuelle pour faire une petite concession à l’époque ; allez, tu la mérites un peu, mais pas trop, hein.
Charles-Baptiste, Dimanches (Robert Records)
https://www.youtube.com/watch?v=la-qx7CR2Ig
Photo : ©DR
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