The Musical Box, show must go one

par Adehoum Arbane  le 24.01.2023  dans la catégorie Interviews & reportages de Shebam

Tribute band officiel de Genesis originaire de Montréal, The Musical Box donnait ce mardi 10 janvier 2023 une représentation exceptionnelle, soit le décalque de la tournée The Lamb Lies Down On Broadway démarrant à Chicago le 20 novembre de 1974 et se terminant en France, à Besançon, le 22 mai 1975. Exceptionnelle parce que le concert avait été décalé d’une année suite à la pandémie qui s’abattit telle la main de Dieu sur le monde entier, en 2019. Alors qu’en penser ? Les Tribute Bands sont-ils des exécuteurs testamentaires opportunistes, des prête-noms ou tout bonnement des marques ? 

Pour y répondre, il faut céder à leurs sirènes. Ce fut donc chose faite. Quant au verdict, il est franc, ferme et définitif. The Musical Box a offert – et doit offrir à chaque tournée hommage – une performance hallucinante. Millimétrée, c’est un fait mais non dénuée de sincérité ce qui pourrait surprendre s’agissant d’un Tribute Band. Plus tard, on apprendra que Peter Gabriel emmène ses enfants à leurs concerts afin de leur montrer que ce que leur digne père produisait à l’époque, devant un parterre d’étudiants – Genesis écumait à ses débuts le circuit des salles universitaires comme nombre de ses contemporains – puis, plus tard, devant une audience plus large, le succès populaire aidant. Une révélation ne venant jamais seule, on lira aussi que le claviériste Tony Banks conseille The musical Box sur un plan technique et musical. Bref, adoubement avéré, la crédibilité du projet ne fait plus débat. D’autant que The Musical Box a de l’expérience et compte au sein de la formation de véritables musiciens virtuoses. Ce soir-là, le groupe rejoue donc l’intégralité du double album concept mettant en scène le personnage de Rael et finit le concert dignement par “Musical Box” (la chanson ouvrant Nursery Cryme) et le morceau d’ouverture de son chef-d’œuvre Foxtrot, “Watcher of the Skies”. Deux heures et dix minutes intenses, passionnantes, émouvantes mêmes. Mais là n’est pas le propos. Au-delà de la beauté du show, la musique mais aussi toute la théâtralité retrouvée que pratiquait la Genèse en son temps, les costumes de Peter Gabriel, les lumières, les visuels illustrant leurs morceaux sur grands écrans, au-delà du décorum, ce concert comme tous les autres, on imagine, signifie plus. 

Il dit quelque chose des musiciens qui donnent corps à The Musical Box. Voilà des hommes qui ont décidé sciemment de rejouer, depuis leur formation en 1993, à l’exact les concerts (et les albums) de Genesis. Jusqu’au mimétisme instrumental, vocal et même (quasi) physique (le guitariste jouant assis comme Hackett). Ce qui veut dire qu’ils acceptent de s’effacer derrière les figures légendaires de Gabriel, Hackett, Banks, Rutherford et Collins. Ils savent très bien que ce projet ambitieux les condamne à ce statut, et donc, à ne rien faire d’autre qui ne s’échappe du chemin genesien. Il faut de l’humilité, mieux un dévouement total pour renoncer ainsi à toute forme d’égo qui est la nature même des musiciens en général et des pop stars en particulier. Les cinq hommes de Musical Box ne seront jamais que des ombres. Pourtant, ils se donnent en intégralité, c’est-à-dire qu’ils mobilisent sur scène, non sur disques d’ailleurs, en plus de leur talent de techniciens, toute leur sensibilité, leur indéfectible foi en Genesis pour restituer au mieux l’esprit, sinon l’équivalente nature des prestations de leurs parrains. Ils n’hésitent pas à pousser la réplique jusqu’à reprendre l’instrumentarium originel. La guitare de Hackett, la double basse de Rutherford, les Hammond, Mellotron et Moog de Bank sont ainsi conviés. Même le chanteur pousse le détail jusqu’à jouer de la flûte, quant au batteur, il assure comme Phil Collins les chœurs en contre-point du chant. La logique voudrait que l’on ne les nomme jamais, l’entité ayant fait d’ailleurs l’objet de multiples changements de line-up. Pourtant il paraitrait honnête, au vu de l’investissement personnel de chacun, de faire ici une exception. Des vivats pour Denis Gagné au chant, François Gagnon à la six-cordes, Sébastien Lamothe à la basse, Ian Benhamou aux claviers et Bob St-Laurent à la batterie et aux percussions. 

Mais nous n’en avons pas fini là. Car au-delà de la fatalité évoquée, celle de n’être qu’un reproducteur et non un créateur, The Musical Box tient une promesse inattendue. Fans de Genesis, nous savons que nous ne verrons pas le groupe comme à ses débuts – nous n’étions pas né ou trop jeunes –, même s’il daignait se reformer pour l’occasion. Peter Gabriel a vieilli, grossi même, il ne pourrait plus enfiler ses incroyables costumes. Phil Collins n’a plus la capacité d’assurer les parties de batterie, c’est son fils qui en a la charge. Il se contente de chanter, assis sur une chaise. Quant aux trois autres, s’ils sont peut-être encore vaillants, qui ne dit pas que nous serions déçus par un Tony Banks jouant cette formidable musique sur des synthés ? The Musical Box nous exonère de cette pénible obligation. Il évite aux anciens de retourner au charbon pour un résultat incertain. La formation de réserve quitte ainsi les bancs de touche pour monter sur scène et se transformer en capsule temporelle, prenant aussi sa part de gloire, ici amplement méritée. Et de nous donner ce que nous pouvions recevoir, ces performances mémorables relevant de ce que nous appelons aujourd’hui le spectacle vivant. Quelle leçon, sans cynisme ni ironie. Ressusciter ce qui avait disparu ou n’était plus qu’un vague souvenir pour certains en moment réel, palpable, en émotion pure. À ce stade, il n’y a pas tromperie, mensonge ou arnaque. 

Ce mardi 10 janvier 2023, Peter Gabriel, Steve Hackett, Tony Banks, Mike Rutherford et Phil Collins jouaient bien – dans tous les sens du terme – “The Lamb Lies Down On Broadway”, “Cuckoo Cocoon”, “In The Cage”, “Counting Out Time”, “Carpet Crawlers”, “Lilywhite Lilith”, “Anyway”, “The Lamia”, “It”, bref leur mythique double album, même si Peter devait quitter le navire, cédant la place de capitaine au fortuné Phillip Collins. Et nous étions là, projetés comme par magie en 1974, petits et grands, jeunes et anciens. Nous étions des fans de Genesis, fidèles, émus et comblés. “In The Cage”. Mais que la cage était large et belle. 

The Musical Box, Genesis – The Lamb Lies Down On Broadway (L’Olympia)

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