Souvenons-nous de la fameuse plaisanterie, d’un goût fort douteux il est vrai, mais pleine de vérité. Savez-vous ce que dit un rasta redevenu clean ? « C’est quoi cette musique de merde ? » Désopilant, n’est-il pas ! Il est de bon temps d’appliquer le même dédain à l’endroit de la musique Country. Car le stetson, les santiags et la danse sont à la country ce que les cheveux sales, le sarouel et le manque de discernement sont au reggae : des clichés. D’autant qu’il existe différentes formes de musiques Country de telle sorte que l’amateur, ainsi guidé, pourra se faire un avis, se bâtir une conviction. Genres, sous-genres sans parler des tentatives de greffes, pour le coup, réussies avec la musique rock dans son acceptation traditionnelle, du moins classique. Les Byrds sont ainsi l’exemple le plus cité qui réussirent à amalgamer country avec la Folk, le Rock et même le Psychédélisme. Dans une configuration autre et avec des subtilités, le trio de CS&N, devenu un album plus tard, quatuor avec Neil Young, offre une vision hybride intéressante. Autre exemple en deçà mais très significatif, America. Eux mêlèrent habilement influences country et pop.
Plus loin, du moins, si on accepte de nouer son baluchon et de marcher vers le Missouri, de faire une halte à Springfield avant de s’aventurer dans la région de Monts Ozark, on trouve un groupe appelé fort légitimement The Ozark Mountain Daredevils : Les Casse-cou des Monts Ozark. Les quelques photos du coin vous prouveront que leur surnom n’était pas usurpé. Quant à la musique ? Celle-ci n’a rien de tapageuse et se déploie sur une douzaine d’albums, de live et de compilations officielles, certains publiés sur des labels d’envergure – A&M, Columbia –, d’autres sortis dans la confidentialité, le tout s’étalant sur quatre décennies. Ce n’est pas avec ça que le groupe va tutoyer les sommets, même si l’on entend régulièrement « Jackie Blue » sur les ondes américaines. Cependant, il a acquis dans le cœur des fans de Country une jolie réputation, en aucun cas usurpée. Leur meilleur période allant fort logiquement de leurs débuts en 1973 jusqu’à l’année 80 avec, dans ce laps de temps, une série d’albums absolument parfaits : « The Ozark Mountain Daredevils » (1973), « It’ll Shine When It Shines » (1974), « The Car Over The Lake Album » (1975), « Men From Earth » (1976). La force du groupe dans ces années magiques est de pimenter une musique authentiquement country d’accent pop, voire FM sur la fin. Ne vous laissez pas abuser par ce terme, devenu péjoratif avec les années. Dites-vous bien que l’Amérique des stations FM a toujours consacré une part importante de sa programmation à tout un pan du Classic Rock, à ces chansons inusables qui, malgré les stigmates de leur époque, ont conservé un charme, mieux une efficacité. Elles ont ainsi passé sans s’altérer, jusqu’à conquérir tous les cœurs, toutes générations confondues.
Sans faire le point sur chacune de ces galettes car elles mériteraient leur propre recension, notons qu’elles sont toutes d’égale qualité, montrant un groupe s’épanouissant d’un enregistrement à l’autre. Sur leur premier essai très réussi, on découvre à quel point ce groupe minoré déjoue les pronostics : on y trouve tout à la fois et dans un joyeux bordel des titres à l’énergie rock (« Country Girl », « If You Wanna Get To Heaven », « Black Sky »), des morceaux plus tradi, à la réelle patine (« Chicken Train », « Standin' On The Rock », « Beauty In The River ») et au milieu ce que fait le groupe de mieux, des pop songs et des ballades. Ainsi et selon cet axiome rêvé, « Spaceship Orion » s’avère de toute beauté, tout comme le très Manasassien « Colorado Song » ou le Neil Youngesque « Road To Glory » ou le plus simplement délicat « Within Without ». Larry Lee s’impose sur ce titre et ses autres compositions, car tous les membres contribuent à l’écriture, en chanteur merveilleux. Sur le LP suivant, le groupe conserve cette formule qui lui réussit si bien sur un plan artistique. Seule petite différence, l’album adopte une tonalité plus laid-back. De plus, la diversité des voix explore l’inconscient des artistes qui se livrent ainsi à l’introspection comme sur l’émouvant « It Couldn't Be Better », avec ses bruits de grillons, le poppy « What's Happened Along My Life » et le morceau titre « It'll Shine When It Shines ». Enfin, avec « Jackie Blue », Larry Lee invente le style TOTO quatre ans avant. Le groupe ne s’y est pas trompé qui a fait de cette chanson séduisante le single de son album. Troisième disque, on ne change pas une équipe qui gagne même si, là encore, le groupe s’autorise à innover. En témoignent le clavecin sur « Mr. Powell », le sax et les flûtes sur le céleste « If I Only Knew ». Nos petits gars du Missouri se rêvent en californiens de studios et cette mue fonctionne à merveille. C’est de cette manière qu’ils arrivent à faire oublier le crottin de la musique Country, considération qui ne se veut snob d’aucune manière.
Nos musiciens vont continuer leur petit bonhomme de chemin discographique avec des succès et une signature chez Columbia en 1980 qui donnera naissance à leur deuxième album éponyme, reprenant le nom du groupe privé du "The". Cet enregistrement plus conventionnel – l’époque voulait ça – enfonce le clou de leurs amours pop, notamment sur le très beau et Supertrampien « Oh Darlin' » qui ne s’interdit pas un chorus de guitare, manière de montrer que la délicatesse ne s’oppose en rien à une certaine virilité rock. Tout ça avec des cheveux longs, des barbes hirsutes et des chemises à carreaux. Avouez que vous l’aviez oublié !
The Ozark Mountain Daredevils, It’ll Shine When It Shines, The Car Over The Lake Album, Men From Earth (A&M)
https://www.deezer.com/fr/artist/110727
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