Lindisfarne, Fog on the Folk ?

par Adehoum Arbane  le 23.11.2021  dans la catégorie C'était mieux avant

Le terme folk – on ne sait plus s’il doit être employé au féminin ou au masculin – est devenu une tarte à la crème. Musique folk ou simple chanson de singer-songwriter, le débat semble sans fin, chacun – fans, critiques, experts de salon – fourbissant ses arguments, souvent à raison d’ailleurs. Car personne ne se trompe. Fairport ou Lindisfarne, tout cela n’est que de la musique d’auteur utilisant les codes folk (tradition, récit, instrumentarium) pour raconter leurs petites histoires personnelles. Les "folk singers" en parangons de vertu ? Et si on ajoute que loin des boursouflures prog, ces chanteurs de l’âme jouent, en dramaturges des faubourgs et des campagnes, leur pièce en trente minutes, la chose est alors définitivement entendue. 

Lindisfarne, puisqu’il figure en bonne place au frontispice, se situe sans doute entre-deux. Bien sûr, on retrouvera sur leurs deux premiers albums, et surtout « Fog On The Tyne » sorti en 1971, des éléments les rattachant à cette tradition ancestrale, puisant notamment dans la culture celtique. Un son, acoustique d’abord, un peu réactionnaire, ensuite des harmonicas rouillés de fond de wagon, des violons élimés, Steinbeckiens, des mandolines lacrymales comme une rosée – c’est déjà ça ! –, des complaintes du temps jadis. Rien que leur nom, Lindisfarne : une île située dans le nord de l’Angleterre, abritant un château et un monastère en ruine. Tout semble dit. Et dans le détail ? Bien que plus court de quatorze minutes que leur premier Lp (Nicely Out Of Tune), ce Brouillard sur le fleuve Tyne pourrait embrumer notre jugement. Si l’on se décide à le classer dans les deux catégories citées plus haut, on pourra ainsi ranger dans la case traditionnelle « Alright On The Night », « Together Forever », « Train In G Major » aux accents très blues et qui empruntent au rock américain très en vogue en ces années 70 du côté de la Perfide Albion et le morceau titre à la bonhommie évidente. Pour le reste l’impression est plus diffuse car si des chansons comme « Meet Me On The Corner » jouent avec une belle aisance la carte folk, versant rural, la pop n’est jamais loin comme on le constate dans le refrain joué au piano. Chose étrange car cette composition judicieusement placée en ouverture, est signée Rod Cléments. En effet, au sein de Lindisfarne, le singer-songwriter le plus cité et le plus remarquable reste Alan Hull. Pourtant, « Meet Me On The Corner » charme aussitôt et l’on comprend pourquoi le groupe s’est taillé une si belle réputation et un joli chemin dans le cœur des fans et dans les charts ! 

Après « Alright On The Night » dû à la plume de Hull, « Uncle Sam », écrite par Simon Cowe démarre sur des accords délicats et la voix doucereuse du mandoliniste Ray Jackson. Alors, oui, le morceau en son mitant prend des accents blues plus fédérateurs mais sans jamais se départir d’un sens mélodique, ce qui lui donne des accents pop indiscutables. « Together Forever » préfigure le Neil Young de Harvest mais le meilleur est encore à venir. À cheval sur deux faces, Lindisfarne – Alan Hull surtout – abat sur la table le carré parfait. Qui commence avec l’émouvant, son titre le laissait présager, « January Song ». Alan Hull n’a jamais aussi bien écrit et chanté que dans cette longue chanson au timbre épique et dont le final tout en fade out continuera de vous hanter. S’en suit « « Peter Brophy Don't Care », chanson déchirante comme un vieux chiffon qui ne fait plus son office. Même quand Hull se veut mélancolique, il ne peut se départir d’une certaine jovialité, de celle qui aide à faire face aux pires événements. Ici, il est nu. Sans rien d’autre que ses mots, murs sur lesquels sa voix fragile, poussée dans les hauteurs, vient se briser.  « City Song » retrouve la trempe de « January Song ». C’est une chanson que l’on entonne la poitrine gonflée. « Passing Ghosts » enfin au cœur brisé en son début et vainqueur sur le refrain. 

Lindisfarne ne rentre pas dans la catégorie des groupes virtuoses mais fait montre de qualités évidentes. L’écriture, nous l’avons déjà dit. Chaque membre du groupe se fend de sa composition, arrivant à même rivaliser avec Alan Hull qui n’apparait jamais, de manière assumée, comme le leader. La logique collective tourne à plein. Et d’autant plus que Lindisfarne propose trois chanteurs et que ces derniers n’ont aucun problème à chanter sur les titres de leurs amis. Cette cohésion se sent, s’entend. Elle donne à Lindisfarne un caractère touchant et sincère, quelque chose de folk au fond. Une confrérie musicale animée par des musiciens qui passèrent parfois de groupe en groupe, comme les musiciens de Fairport pour ne citer qu’eux. Une fraternité, non pas au sens masculin d’un terme qui ne l’est pas d’ailleurs, un esprit de corps où l’amitié est autant un pivot qu’une philosophie, baba comme l’époque l’exigeait alors. Des rencontres. Souvenez-vous de ces paroles qui résonnaient encore il y a peu à l’écoute de Fog On The Tyne : « Meet me on the corner/When the lights are coming on/And I’ll be there/I promise I’ll. Be there. »

Lindisfarne, Fog On The Tyne (Charisma)

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https://www.deezer.com/en/album/299445

 

 

 

 

 


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