Les rituels du combat social sont nombreux, et nous sommes bien placés en France pour le savoir. Il ne s’agit pas, pour le coup, de ces grandes conférences censées préparer le terrain des futures réformes dites nécessaires. Ce ne sont pas non plus les oppositions qui attendent en embuscade, dans les travées du Parlement, les élus de la majorité. Encore moins ces lobbys qui œuvrent bien souvent dans le secret et le velours des allées du pouvoir. Ce sont les formations syndicales préparant les braséros. Avant les grèves, avant la manif. Quand la violence couve, celle-ci est annonciatrice de révolutions tonitruantes.
Du côté de Detroit, Michigan, les braséros, on connait. Rapport à la fameuse Motor City, ville industrielle aux nombreux stigmates sociaux, pauvreté, chômage, violence. En ces dernières années de la décennie 60, un vent de révolte souffle sur l’Amérique. Vous songiez à MC5 dont le premier album – live – a été mis en boîte en octobre 68 pour sortir tout chaud en février 69. Ou au premier brûlot des Stooges, gravé en avril et publié le 5 août ? Raté ! Nous parlons ici du premier album de SRC, The Scot Richard Case, réalisé en novembre 68. Morceau d’ouverture, Black Sheep s’écoule comme du plomb en fusion, orgue hammond lugubre et guitare fuzz aussi acérée qu’un coutelas. La mélodie a beau être simple, elle n’en demeure pas moins efficace, redoutable même. Disons-le avant de passer à autre chose, SRC c’est Scott Richardson au micro, Gary Quackenbush à la lead guitar, son frère Glenn à l’orgue, Steve Lyman à la guitare rythmique, Robin Dale à la basse et E.G. Clawson derrière les fûts. La magie du son SRC tient à ce duo mirifique orgue/guitare fuzz comme bien souvent avec les formations psyché ricaines mais là, on tient quelque chose d’autre. Une furie que la voix angélique de Scott Richardson peine à contrebalancer. Daystar arrive à point pour calmer le jeu, on a affaire à une excellente chanson, plus pop ; les chœurs y font pour beaucoup, et ce refrain très californien ! Cependant la fuzz tronçonne ce bel assemblage, elle le fait méthodiquement, de façon quasi masochiste. Rappelons le point de départ, nous sommes à Detroit. Le rock de SRC, bien que psyché, reste hautement inflammable et ferait passer la fête de l’Huma, au choix pour une réunion Tupperware ou pour une sortie bucolique entre boy-scouts.
Exile déboule pour refroidir les ardeurs. On est dans une sorte de morceau à la Bela Lugosi : ça parle de magicien nucléaire, ambiance ! Et pourtant, les voix tentent une percée. Mais la fuzz écrase tout ça, aidée par la frappe martiale du batteur, sans doute manchot, mais à la technique addictive. Grandiose, on vous dit ! Les Stooges peuvent aller se rhabiller. Et en plus, SRC a les chansons, pas un détail, si vous voyez le topo. Jusqu’au grand final magistral ! La face A s’achève avec le joli et enfantin Marionette. Plus limpide que ses prédécesseurs. L’accalmie possède bien évidemment son charme tant elle est exécutée avec savoir-faire. Face B, on ne rigole pas ou plus. Onesimpletask, en une traite. Comme le dernier verre avant que le bourreau ne décolle votre tête du reste du corps. Le morceau, pardonnez l’enchaînement, métronomique à souhait, préfigure Can, le post machin chose. C’est la fête du slip guitaristique et c’est ce que l’on aime, voire adore, chez SRC. Leur folie, les brasiers qu’ils allument dans les ténèbres nord-américaines, flammèches électriques dans la nuit noire « d’encre et d’ennui » comme disait Manset. Le titre se finit en messe avant que la guitare ne stoppe tout. Paragon Council est une nouvelle tentative – réussie – de proposer un format plus pop, plus proche de la chanson classique. Bien sûr, la fuzz reste prédominante, ne déconnons pas ! Refugeve déroule un motif plus traditionnellement blues mais les chœurs lui donnent un charme aérien après un tel déluge de décibels. Repos provisoire, la guitare fuzz venant saccager ce jardin français si bien ordonnancé. L’album se referme sur le plus sautillant Interval, six-cordes toujours devant ! Derrière les cisaillements sonores auxquels nous nous sommes habitués, il y a chez SRC une certaine habilité raphaélique qu’illustre fort bien la pochette éminemment droguée.
À la fin, huit titres, trente-cinq minutes au compteur. L’urgence, ça vous dit quelque chose ? Le groupe va continuer l’aventure avec un second disque, Milestones, tout aussi réussi bien que plus long et qui démarre dans une tourmente furieuse, une tempête d’orgue saharien (No Secret Destination). Puis viendront les changements logiques de line-up, avec le départ du guitariste en furie Gary Quackenbush, remplacé ici par Ray Goodman et un dernier album, Traveler’s Tale, pas dégueu et à la pochette splendide. Une courte carrière, comme souvent avec les formations du psychédélisme bis mais quelle trajectoire ! Le tout sur une Major, détail apparemment anecdotique. N’en déplaise à Philippe Martinez, la révolution vient toujours du capitalisme.
SRC, SRC (Capitol)
https://www.youtube.com/watch?v=BiG_1J05b2Y
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