MC5, kick out the gem ?

par Adehoum Arbane  le 09.03.2021  dans la catégorie C'était mieux avant

On le sait, l’adolescence est une épreuve. Et nourrit de potentiels traumas pour le moins irréversibles. Comment plaire aux filles quand on ne dépasse pas le mètre soixante-six (l’année de Revolver, pourtant), quand on n’est pas le capitaine de l’équipe de foot, ou plus modestement une baraque sculptée de muscles. Dur, dur d’être gringalet. Souvenez-vous de cette publicité pour un forfait téléphonique. Un pauvre hère dénommé Paul, ne pouvant répondre à l’invitation envoyée par deux jeunes beautés en scooter, lance, dans un cri de désespoir masquant à peine une voix de puceau mal dégrossi, cette réplique à jamais célèbre, je cite : « hé, le portable, y fait pas mail ! ». Alors que faire lorsqu’on n’a ni le physique ne le charme ni la mobylette ? Oui toi, là-bas, au fond, qui n’a pas encore perdu ta gourme, il existe bien une alternative au déshonneur.  

Cette alternative, c’est un album, plus précisément un premier long et, détail au combien crucial, un enregistrement live. Il s’agit de Kick Out The Jams de MC5. On objectera « pourquoi un disque ? », qui plus est une œuvre rock et antédiluvienne, à l’heure où la jeunesse n’a d’yeux que pour les rappeurs. Pour les effets qu’il provoque immanquablement. En effet, il te revient de le diffuser à un instant opportun, par exemple lorsque la copine de ta grande sœur viendra lui rendre visite, tu sais, celle que tu dévisages ostensiblement depuis quelque temps, celle dont tu rêves toutes les nuits et qui rend tes draps humides au petit matin. Malgré les interdits parentaux, ce live devra être joué le plus fort possible. Pour le reste, on dénombre au moins trois excellentes raisons.

Violent, ce disque peut s’enorgueillir d’avoir posé les bases du métal sans en posséder les odieux stigmates sataniques et peroxydés. Même nanti d’un physique ingrat, il te permettra de montrer qu’à toi, on ne la fait pas, que tu n’es pas le dernier à la bagarre. Bref, de faire le coq. Écoute donc au préalable cette œuvre fascinante. Ramblin' Rose en constitue une entame efficace, bien qu’il s’agisse d’une reprise. Entre les mains des guitaristes Wayne Kramer et Fred ‘Sonic’ Smith – futur mari de Patti Smith, mentionne -le, cela fait bien –, ce classique signé Fred Burch et Marijohn Wilkin se trouve littéralement transcendé et prépare le terrain – en mode Attila – au brûlot qui donne son nom à l’album. Pousse le volume à fond afin que ta belle soit frappée de stupeur à l’écoute de l’introduction déclamant dans un anglais si peu shakespearien « Kick out the jams, Motherfucker ! ». Dans l’ensemble, excepté Motor City Is Burning (excellent blues au demeurant) la pression ne redescend jamais tout au long des huit pistes, les vumètres de l’ingénieur du son d’Elektra virant constamment au rouge. 

Politique, il l’est bien plus que l’hymne stupide de Bénabar, Politiquement correct. Les harangues au vitriol social de John Sinclair, leader des White Phanters, adressées à la foule sont idéales pour qui veut briller en société et clamer ses convictions. Elles te feront passer, mieux qu’un nuit-deboutiste, pour un Ange de l’Enfer à la française, de ceux dont les poing américain et cran d’arrêt ont très vite remplacé les compas et double décimètre. Par ailleurs, l’intro mitraillée par Rob Tyner, le chanteur afro, de Rocket Reducer N. 62 (Rama Lama Fa Fa Fa) saura toucher, à coup sûr hahaha, le cœur de ta belle, et dans le mille.

Cool enfin, il l’est définitivement. Il s’agit d’abord, et comme mentionné plus haut, du premier disque du groupe, et un concert ! En revanche, tu pourras arguer que Kick Out The Jams a fait date pour avoir bousculé – Kick Out = coup de pieds – dès 68 le joli rêve californien de la jeunesse hippie. Mais sa coolitude ne tient pas qu’à cet élément de contexte historique, non. Il est gorgé – c’est le cas de le dire – de chansons façon « Parental ADVISORY – explicit lyric » si tu vois ce que je veux dire. Prenons, I Want You Right Now. Démarrant sur la trame de Wild Thing, tout riff dehors, le titre parle de lui-même. Et Come Together. Je te laisse traduire « Nipples stiffen ». Quant à Borderline, on est loin de Philippe Katerine : « I'm at my borderline/Love you girl, but I just don't know why ». Et si d’aventure la belle te traite de futur mâle blanc dominant, envoie-lui poliment en pleine face que MC5 achève ce disque et le public avec Starship, phénoménale reprise de Sun Ra, jazzman afro-américain au combien respecté. Ce morceau dantesque préfigure ce que feront les petits anglais de Hawkwind, soit un Space Rock chauffé à blanc – normal ils l’étaient. 

Si elle ne fond pas comme une glace au soleil, ce sera pour la prochaine fois et tu pourras à cette occasion enchaîner fissa le premier Stooges suivi de House of Fun, en guise de promesse des plaisirs moites et rock’n’roll qui l’attendent entre tes bras finalement câlins, comme chantait Brassens. Ne cite pas cette dernière référence, tu anéantirais stupidement toute chance de conclure. Rassure-toi, si tu désires pousser plus loin l’expérience, sache qu’en matière de bruit, le sixties-seventies offrirent de prestigieux témoignages et contributions : Monster de Steppenwolf, In Rock de Deep Purple, Paranoid de Black Sabbath, liste non exhaustive à laquelle tu peux ajouter tout le Alice Cooper de la période 70-73, la dimension pop en plus. Dis-toi bien que Kicks Out The Jams est de loin l’album le plus nihiliste qui soit. Ceci vaut pour avertissement. Je pense à ton flirt. 

MC5, Kick Out The Jams

91m4o6ytwwl._sl1418__.jpg

https://www.youtube.com/watch?v=OXxsyhpTeJQ

 

 

 

 

 

 


Commentaires

Il n'y pas de commentaires

Envoyez un commentaire


Top