HP Lovecraft, Happy children ?

par Adehoum Arbane  le 12.01.2021  dans la catégorie C'était mieux avant

Il existe bien plus qu’une communauté d’intérêts entre Lovecraft l’écrivain, HP Lovecraft le groupe psychédélique et Michel Houellebecq. On ne présente plus Howard Philip Lovecraft, véritable maître de l’horreur dite cosmique (ou Cosmicisme), selon le genre qu’il inventa. H.P. Lovecraft, le groupe, emprunte au romancier son prestigieux patronyme et avec, tout un pan de son inspiration tourmentée. Les deux albums, sortis successivement en 1967 et 1968, mettent en musique certaines des plus célèbres nouvelles de l’auteur, comme The White Ship et At The Mountain of Madness. Quant à Houellebecq, on lui doit un court mais passionnant essai sur Lovecraft dont il tenta de définir l’œuvre au prisme d’une existence chaotique. Mais quel est au fond les liens invisibles – indicibles même ! – reliant ces trois personnages ou entités ? 

Le premier est avant tout géographique. Lovecraft, le romancier, est né et a vécu une grande partie de sa vie à Providence, dans l’état de Rhode Island. Un fait qui relève de l’anecdote, intervient cependant. En plein voyage d’affaire, son père fait une crise de démence dans la chambre de son hôtel à Chicago. Or, H.P. Lovecraft est un groupe originaire de Chicago. Revenons à Lovecraft, premier du nom. L’enfant se trouve marqué par ce premier coup du sort. Très tôt, il affirme son goût pour la poésie et les récits étranges. Lovecraft grandit en ermite, écrivant sans relâche ce qui constituera les fondations de son œuvre. En 1921, il participe à un congrès de journalistes amateurs (Lovecraft publie ses histoires dans des Pulps) à Boston où il rencontre Sonia Greene. Ils se marient trois ans plus tard à New York et s’installent à Brooklyn. Ce voyage initiatique – Lovecraft adore NYC – renvoie à celui que le fameux groupe fera à San Francisco et qui lui inspirera son deuxième et plus bel album (enregistré cependant aux I.D. Sound Studio à Los Angeles), le sobrement nommé II. Flashback chez l’écrivain dont la vie maritale est un désastre. Il revient à Providence dont il deviendra le reclus, selon la formule consacrée. Et Houellebecq dans tout ça ? Disons que l’écrivain a fait le chemin inverse. Il a choisi de s’installer dans la plus haute tour d’une cité du XIIIème arrondissement de Paris, au cœur du quartier chinois, afin de ne pas être dérangé, de rester un anonyme parmi les anonymes. Un reclus lui aussi. 

Le deuxième fil d’Ariane est plus ténu. Il est purement mental. La mère de Lovecraft était dépressive. Internée, elle meurt des suites d’une opération de la vésicule biliaire. On dit qu’elle souffrait, tout comme son mari, de la syphilis. Son grand-père qui lui a transmis la passion de l’écriture, meurt à son tour. La famille se retrouve presque à la rue. Lovecraft pense alors au suicide. Il y a là matière à nourrir des histoires inquiétantes. Le groupe homonyme se nourrit directement à la mamelle lovecraftienne. Sa musique s’apparente à un psychédélisme certes majestueux (The White Ship) mais tout à la fois indolent et hanté. Une légende urbaine prétend que le deuxième album aurait été enregistré par des musiciens sous acide. On imagine leur état psychique à la fin de ce marathon lysergique. Une rumeur prétend que derrière les initiales de H.P. se cachent celles, volontairement inversées, de Psychiatric Hospital. Michel Houellebecq quant à lui peut prétendre au titre de l’écrivain le plus déprimant, tout du moins celui qui le mieux exploré la mélancolie dans toute sa platitude. Son dernier roman, intitulé Sérotonine, en dit long à ce sujet. 

Le dernier point commun est bien évidement musical. On passera sur la musicalité de la langue lovecraftienne que Houellebecq a magnifiquement mis en lumière dans son essai. On n’insistera pas plus sur la brillante contribution de H.P. Lovecraft au mouvement psychédélique des années soixante, ni sur le fait que les deux albums évoqués furent publier sur le label Philips !!! Posons-nous sur l’une des nouvelles de Lovecraft, celle qui a sa préférence, La musique d’Erich Zann. Cette dernière raconte l’histoire d’un jeune étudiant, sans le sou, contraint de se loger dans l’immeuble presque vide d’un quartier délaissé de sa ville. Là, il fait la rencontre de son unique voisin, Erich Zann, vieillard muet qui joue de la viole la nuit durant. A force de le côtoyer et de discuter, le musicien allemand lui livre un terrible secret. Les mélodies extraordinaires, jamais entendues auparavant – on songe alors à la musique de la formation psychédélique chicagoane –, viennent d’un monde étranger au nôtre. Pire, il joue ces notes afin de tenir éloignées des créatures hideuses, échappées d’une autre dimension. Le parallèle entre l’écrivain et le groupe prend ainsi tout son sens. Pour le cas de Houellebecq qui fut d’abord poète tout comme Lovecraft, ses vers ont été mis en musique par Bertrand Burgalat le temps d’un album qui a fait date : Présence Humaine, sorti en 2000. 

Lovecraft disait, dans une lettre adressée à Frank Belknap Long, le 8 février 1922 : « Je n’essaie jamais d’écrire une histoire, mais j’attends qu’une histoire ait besoin d’être écrite. Quand je me mets délibérément au travail pour écrire un conte, le résultat est plat et de qualité inférieure. » On imagine le groupe du même nom se laissant guider par son inspiration – et par les drogues –, créant ces architectures mélodiques dilatées par la seule loi de l’audace propre au genre, épaulé par un instrumentarium idéal – le duo orgue-guitare – et par une batterie d’effets. On songe de même à Houellebecq attendant qu’une nouvelle idée surgisse, déjouant les pronostics de la critique et l’attente du public. Howard Philip, Michel Houellebecq avec un H. Comme harmonie. 

H.P. Lovecraft, H.P. Lovecraft II (Philips)

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https://www.youtube.com/watch?v=8q_Pii4g_xQ

 

 

 

 

 


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