À la mode, Rod ?

par Adehoum Arbane  le 05.01.2021  dans la catégorie C'était mieux avant

Pauvre joueur de mandoline à jamais tombé dans l’oubli. Car il existe bien deux Rod Stewart. Celui de Sailing et de Da Ya Think I'm Sexy, le plus connu. C’est le Rod de Atlantic Crossing, des succès planétaires mais aussi du Mainstream. Et le Rod adoré par les fans, celui des Faces, bien sûr, et de ses premiers essais en solo, entre 1969 et 1972. Non pas que cette période ne fut pas placée sous les feux croisés de la créativité et de la bonne fortune. N’oublions pas de préciser, avant d’aller plus loin, que Every Picture Tells A Story, puisqu’il s’agit de l’album du jour, fut numéro 1 des charts en Angleterre mais aussi aux États-Unis. Tout comme An Old Raincoat Won’t Ever Let You Down (le titre parle pour son créateur), Gasoline Alley et Never a Dull Moment, Every Picture brille par sa sincérité et la sensibilité qui sera l’une des signatures de Rod Stewart. Derrière sa mine de fêtard invétéré sous une chevelure électrifiée, Stewart cachait un homme de cœur, à la voix de miel millésimé. 

Enregistré entre novembre 1970 et janvier 1971, Every Picture Tells A Story est au fond, malencontreusement si l’on ose dire, resté dans les mémoires pour son morceau titre. En effet, ce dernier emporte et l’adhésion. C’est une chanson épique qui débute dans un bref instant suspendu, presque mélancolique, pour rebondir dans une folle cavalcade, tendue de bout en bout, et dont le final, assuré par les chœurs de Maggie Bell entre autres, lui donne des allures de soul song éternelle. À ce stade, et le détail compte, Stewart est entouré des Faces au grand complet soit le fidèle Ronnie Lane, l’autre Ronnie (Wood), Ian McLagan, Kenny Jones et de nombreux invités de marque. Considéré à juste titre comme son chef-d’œuvre – il y en a d’autres en fait – l’album enchaîne les classiques et autres diamants bruts. Sur la première face, Seems Like A Long Time en est un. Cette reprise trouve son point culminant une fois de plus dans ces chœurs soul portés ici par Madeline Bell. Histoire de ménager son auditoire après tant d’émotion, Rod envoie l’un de ces blues dont lui et ses copains ont le secret : That's All Right. Le traditionnel Amazing Grace assure un pont en douceur vers le morceau de fin de face, Tomorrow Is Such A Long Time. Cette chanson de Bob Dylan, jamais sortie sur un album en propre, trouve admirablement sa place ici. L’interprétation impeccable de Rod, le violon de Dick Powell et la slide de Sam Michell font de cette reprise un classique quasi Stonien qui aurait pu largement figurer sur Sticky Fingers ou Exile on Main Street. 

Face B. C’est le choc. Le fameux joueur de mandoline évoqué en introduction – ici Martin Quittenton – ouvre sur un court madrigal bouleversant qui constitue le prélude au chef-d’œuvre Maggie May, chanson d’une rare intensité, de celles qui vous mettent, pardonnez l’expression, les poils. Coécrite par le duo télépathique Stewart/Quittenton, Maggie May est d’une tendreté, jamais lacrymale mais toujours touchante. Tout y est merveilleux et ce jusqu’à la fin où la mandoline achève le titre et l’auditeur avec. Quelle beauté ! Non content de nous avoir quasi fendu le cœur une fois Maggie May terminée que Rod remet ça avec le splendide Mandolin Wind. Il s’impose comme un fantastique soul singer – on ne le répétera jamais assez – mais aussi comme un formidable conteur. Que dire du texte sinon qu’il frappe juste et fort : « If the mandolin wind couldn't change a thing/Then I know I love ya. » (I Know) I'm Losing You nous ramène vers les Faces, rock efficace qui prouve – en doutions-nous – que notre chanteur est à son aise dans tous les registres. Comme s’il fallait une apothéose après tant de splendeurs, Rod le crooner fait son entrée avec Reason To Believe de Tim Hardin. L’orgue bouillonnant de McLagan est l’un des ingrédients indispensables pour créer cette alchimie si particulière que l’on retrouve d’un bout à l’autre de l’album. La très belle pochette dans un pur style vintage mentionne Classic Edition. Comme pour enfoncer le clou. 

Every Picture Tells A Story est l’un de ces albums parfaits pour les îles désertes, de ceux que l’on ne cède sous aucun prétexte, quand bien même on ferait l’objet de menaces. De ces disques dont on se plairait, écoute après écoute, à rebaptiser leur auteur en Rod Island. 

Rod Stewart, Every Picture Tells A Story (Mercury)

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https://www.deezer.com/fr/album/70198672

 

 

 

 

 


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