La fin d’une décennie est souvent l’occasion d’un bref regard en arrière, afin de juger de ce qui fut accompli et ce que l’horizon étendu nous réserve. Surtout dans le domaine de la musique et plus précisément celui de la pop. Inutile à ce propos de se compromettre dans l’exercice risqué des meilleurs groupes et disques des dix dernières années. La tâche, herculéenne, serait vaine. En revanche, on peut largement affirmer qu’un groupe né dans la décennie précédente – en 2002 puis discographiquement en 2007 – aura marqué la pop de son empreinte. Il s’agit du duo poupin de MGMT. Nos petits gars, maintenant trentenaires, finissent l’année 2019 par un single annonciateur d’un retour embrayant le pas du précédent album qui appelait en nos cœurs une suite, sans trop y croire. Ce fut d’ailleurs une heureuse surprise. In The Afternoon montre un groupe en forme. Leur futur album sera-t-il à la hauteur des promesses de Little Dark Age ? Nous verrons bien.
Revenons un instant sur la chanson. Celle-ci explore le psychédélisme sous la forme d’un tunnel à rebours, menant des années 2010 vers ces années 80s qui furent synthétiques à bien des égards. Andrew VanWyngarden et Ben Goldwasser le font sans trop afficher de références qui auraient nuit à cette chanson de bonne tenue, qui vous attrape pour ne plus vous lâcher. Ils retrouvent ainsi les accents sombres de leur chanson titre de 2018, Ce Petit Âge Sombre qu’on pourrait comprendre de plusieurs façons tant il esquisse l’époque dans laquelle nous sommes plongés et dans laquelle nous risquons à tout moment de nous noyer, engloutis sous des vagues d’indignations, grand sport supranational d’un Occident à bout de souffle. In The Afternoon propose des paroles labyrinthiques comme souvent chez nos amis, le tout enrobé dans des tonalités acidulées. La chanson se termine par cette lancinante et interminable incantation, Like a kid in a Candy Store. Andrew et Ben apparaissent tels deux gosses dans un magasin de bonbons. Ils sont bien plus que cela en vérité.
MGMT est avant tout le groupe du grand retour de l’Amérique dans le jeu de la pop, au grand dam de l’Angleterre. Et ils le sont dès 2007, dans un habillage électro de surcroît. Malgré le faux pas expérimental de son troisième Lp, trop invertébré et languide pour séduire, le groupe n’aura jamais quitté les rivages de la pop. C’est sa grande qualité, cette faculté à écrire 1/des chansons mémorisables et 2/des chansons iconiques. Time to Pretend et Kids sur Oracular Spectacular, Little Dark Age, When You Die et le grandiose Me and Michael sur leur dernier album. Congratulations (2010) n’a pas était capable de résoudre l’équation exigeante de la chanson torve mais universelle à l’image de When You Die dont le refrain arrive quasi au pont et ne sera chanté qu’une seule fois. Mais il aura permis de montrer l’ambition affichée par le groupe dans le domaine de la pop. C’est son deuxième atout dans la manche.
En préambule, il n’est pas inutile de préciser que nos deux têtes chercheuses ont fait leurs armes à la Wesleyan University, Art School où ils se sont rencontrés et où le projet de monter un groupe, d’écrire et d’enregistrer des chansons a pris source. C’est dans ce contexte que Andrew et Ben se sont mutuellement initiés à la pop et à l’esprit d’avant-garde – Beatlesien – qui en est le prolongement naturel. Et lorsqu’on écoute leurs disques, on est frappés de stupeur devant la richesse de leurs compositions, la minutie dont ils font preuve pour les assembler, et transformer ces matériaux de bric et de broc en chansons lisibles et radiodiffusables. On pourrait toutes les citer. Contentons-nous d’extraire de leur discographie l’impressionnant Siberian Breaks, assemblage savant de thèmes et de mélodies dont peu de groupes peuvent s’enorgueillir. Même délire mais en plus court avec Tslamp et When You're Small, morceau un peu éclipsé par les classiques de la face A de LDA.
In The Afternoon trouve naturellement sa place dans cette lignée. Seul bémol, et il concerne malheureusement toutes les formations contemporaines, l’attente entre chaque livraison. Détail frustrant lorsque l’on songe que les Beatles sortirent pas moins de sept albums – révolutionnaires – entre 1964 et 1967, soit en seulement trois ans. Du coup, avec cette bonne nouvelle, on se plait à rêver à une suite prochaine qui ferait de MGMT, groupe déjà vieux, le fleuron frais et pimpant de la production musicale actuelle.
MGMT, In The Afternoon (MGMT Records)
https://www.youtube.com/watch?v=ABtQrFn7zQs
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