Avez-vous déjà entendu parler du Voyager Golden Record ? Pour être plus précis il s’agit d’un objet banal de par sa forme mais au combien crucial faisant partie du vrai programme spatial Voyager lancé en 1977 par la Nasa dont le but était d’étudier les planètes extérieures du Système Solaire. Véritable bouteille à la mer interstellaire destinée à une éventuelle vie extraterrestre, Le disque du Voyageur est un vinyle – un 30 cm pour être exact – contenant tout un ensemble d’informations. Des photographies de la Terre, de ses habitants, de la nature, mais également des enregistrements sonores divers, bruit du vent, du tonnerre, d’animaux et même d’un nourrisson ! Plus intéressant encore, il renfermait des extraits de textes littéraires, de musiques classique et moderne. Un document historique pour le futur de l’humanité. Imaginez un seul instant que la Nasa ait envoyé parmi ces œuvres magistrales le premier album autoproduit du duo français Walter & Lavergne ? Hypothèse un brin farfelue mais dont on conviendra de l’extrême pertinence en poussant plus loin dans le texte. On peut poursuivre ?
Très bien. Pourquoi cet album peu connu, au succès encore incertain – on le leur souhaite malgré tout – plus qu’un autre (on pense à l’armada des chefs-d’œuvre pop) ? Certes, en 77 et les américains n’auraient pu inclure des morceaux de Walter & Lavergne, composé entre 2016 et 2017 entre la France et l’Amérique –tiens encore elle – mais il se trouve que symboliquement, ce choix peut paraitre malgré tout crédible. Tout simplement parce que ledit album s’avère emblématique. Et à plus d’un titre que nous allons passer en revue. Sans balayer le spectre de leurs références, ce que nos chers confrères ont déjà fait pour nous, disons plus globalement que leur style dresse un pont dessus l’abîme, entre les 60s – les carillonnantes guitares des Byrds – et la toute fin des années 80-90, en France et partout où le mouvement Indie faisait des émules. Ajoutons à cela une écriture racée, aux mélodies immédiates, captivantes et agréables ; quand on la prétention de parler aux extraterrestres, il faut un langage clair et accueillant. Ambassadrices de la meilleure pop, ces douze chansons le sont assurément ! Dans le détail et sans trop s’appesantir sur toutes les chansons, les belles six-cordes de Philippe Lavergne et la voix de porcelaine de Grégory Walter alias Jarvis Platini font des merveilles. Pardonnez le jeu de mot, mais les chansons ont aussi ce luxe d’éviter la gravité, celle de l’espace et de la tonalité. C’est là tout le sel de ce disque pénétrant et éternel. Deuxième point, le texte est tout à fait révélateur d’une singularité bien française, une forme d’humour chic et parfois grossier – jamais vulgaire – dont Walter se fait le meilleur zélateur. Là où on pourrait à la rigueur le rattacher au Gainsbourg de 73, notre ménestrel pop n’a pas son pareil pour arracher plus que des sourires, de ces illuminations extatiques qui traversent un visage satisfait. Comme dans le joli monologue de Avec ma voix et mon couteau où notre chanteur ose « Ma voix est une bite, ma bite est une voie ». Tout le monde déteste Jarvis Platini serait une pause plombante s’il n’avait la légèreté et la séduction avec lui, ce qui est le cas (dixit la cohabitation géniale entre claviers et harmonica). Et il y a en a pour tout le monde au rayon des peuplades galactiques. Les fonctionnels (La chambre de notre fille reste en désordre), les guerriers (J’aime vos coups, c’que vous faites), les chineurs de planètes (Vide-grenier) et les rouleurs de farine (Tout ça pour une machine à pain). Que l’on se rassure, derrière ces titres gouailleurs, on trouve des petits classiques en puissance, des tubes parfois, de très belles choses comme sur Autodéfense où la voix de Walter tremble d’une émotion sourde et retenue. Ici, on donne dans la chronique presque sociale ce qui aurait pour charme de renseigner nos futurs envahisseurs sur la folie de notre monde, sa beauté aussi. Enfin, pour prétendre parler avec les fils d’E.T., il faut sortir du lourd et du suave, le genre de morceau long comme ma…, dirait l’autre, qui en impose, qui pose une Homme, une Humanité, toute une planète si bleue qu’on le ressent jusque dans sa pop. C’est bien évidemment le cas de Robert Smith à la Bourboule. Sept minutes lorgnant vers la folk westernienne des films de Leone mais dont les paroles tristement drôles, joliment cocasses vous emportent ailleurs, et ce n’est pas rien quand on a passé des années lumières dans un putain de vaisseau à se regarder dans le noir des yeux globuleux, posés grotesquement au milieu d’une énorme tête conique par exemple. Telle une poupée gigogne, une boîte de Pandore, Robert Smith à la Bourboulecache aussi Morrissey à Magaluf. Et on jouit, et on pleure, et on rit d’un rire sonore ricochant d’Uranus à Mars, de Jupiter à Pluton. Toujours plus fort, toujours plus haut, le duo récidive avec Mais nous flottons quand même qui est au moins aussi grand que son devancier.
Quel bouquet final ! Merci à nos deux artificiers qui de la grande pop ont le feu sacré. Ainsi, après Simon & Garfunkel, Sonny & Cher, Brewler & Shipley, Elie & Dieudonné, voici donc que surgissent Walter & Lavergne, Héraults de la Grande Musique Populaire de Chez Nous. Prenez ça dans vos gueules impavides, les petits hommes verts ! De la part de deux grands hommes bleu blanc rouge.
Walter & Lavergne, same title (Autoproduction)
https://walterlavergne.bandcamp.com
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