S’il y a une tradition dans laquelle la France ne brille guère, c’est celle du concert de reprises dans un bar. On ne sait si la faute en revient à la Fête de la musique, mais on a trop souvent assisté à de médiocres performances données par des musiciens de quatrième division, il est vrai desservis par un répertoire mauvais, usé, pour ne pas dire adipeux. Et la comparaison avec nos homologues musicaux n’arrange rien. Ainsi, les anglais ont vu naître rien moins que les Beatles au Cavern Club. Quant aux américains – enfin les new-yorkais –, les plus vieux d’entre eux eurent le privilège de voir dans les clubs folks de Greenwich Village, Fred Neil, Dylan et bien d’autres. Pour nous, ce fut hélas du Rhum, des femmes et… Non, n’allons pas loin dans la torture.
Un duo anonyme du grand public – mais bien connu de certains réseaux – a pourtant redonné à ce genre, ici meurtri, ses lettres de noblesse : Sylvia H. & Basile, une paire de rock critiques, tous deux musiciens transis. Sylvia H(anschenckenbühl) a déjà un passé de singer-songwriter. Basile (Farkas), quant à lui, officie chez Rock&Folk depuis la nuit des temps. Ces deux-là n’en sont pas à leur premier galop d’essai. Ils ont fait la route, celles des bars où l’on peut poser platines et vinyles, et enchaîner de ces Dj-sets qui font swinguer la belle jeunesse de France ! Mais ici, la formule se trouve revitalisée. Petit un, nous sommes dans un restaurant de Montreuil. Les gens venant dîner, moins grande est donc la pression (sauf au bar). Mais plus forte est la surprise ! Et on en vient logiquement au petit deux. Le répertoire. Là où le quidam apprenti musicien verserait dans la facilité, Sylvia et Basile exhument le meilleur, toutes époques confondues. Mais ils ne s’arrêtent pas en si bon chemin. Non contents de jouer les Stones, ils vont préférer Mother’s Little Helper à Start Me Up. Nos deux camarades vont même jusqu’à revisiter des chansons plus pointues, comme le très beau Beechwood Park des Zombies à qui le dépouillement des seules guitares va à merveille. Ainsi, défilent sous leurs doigts experts Don’t Worry Baby des Beach Boys, Afterhours du Velvet, In My Life des Beatles… Les Breeders sont extrêmement bien lotis, Sylvia et Basile étant des fans absolus. Idem pour Nancy, avec et sans Lee Hazlewood. Les Kinks sont aussi à l’honneur. Quel bonheur de réécouter le moins connu Wonderboy et Village Green, vision bouleversante de l’Angleterre provinciale, des petites gens dont Ray Davies s’était rapproché (par le truchement de ses chansons) alors que les groupes les plus en vogue donnaient dans le psychédélisme, alors au faîte de la tendance. En parlant de culture psyché, la Californie fut elle aussi dignement représentée, avec Love (Andmoreagain) et l’Airplane dont le White Rabbit continuera de hanter les générations futures. À ce propos, on a eu plaisir à entendre les entrelacs hispanisants, ici parfaitement restitués par Sylvia. Car c’est une autre surprise du show. Quand sonne le moment de la deuxième partie, après une courte pause, les deux compères s’échangent leurs instruments. Complémentarité et singularité sont les crédos de Sylvia et Basile, qui les amènent à reprendre au passage l’iconique Porque Te Vas de Jeanette, de toute beauté dans ses nouveaux habits. Bien sûr, l’audience est conquise. Certes, des amis ont fait le déplacement, mais les habitués du lieu se sont laissé bercer par la magie ambiante. Au comptoir, on pouvait ainsi voir les têtes se balancer dans un mouvement d’adhésion gracieux. Jusqu’à ces petits accidents propres au live, comme un joyeux anniversaire chanté à la cantonade en plein Sound of Silence !!! Courtois, sachant s’adapté à chaque situation, aussi cocasse soit-elle, le duo a enchaîné, avec un prophétique Here No More des Breeders.
On ne le souhaite pas, bien évidemment. On sait d’ores et déjà que d’autres dates viendront, avec leur lot de classiques et de petits nouveaux. L’habitude, la complicité entre ces deux-là contribueront à perfectionner leur interprétation sans jamais nuire à la spontanéité de ces concerts rituels. La fête de la musique est bel et bien morte, vive Sylvia H. & Basile on the road again and again and again…
La Grosse Mignonne, 9 novembre 2018
Setlist :
Première partie :
Pixies, Here Comes Your Man
The Beach Boys, Don’t Worry Baby
The Kinks, Village Green
The Rolling Stones, Mother’s Little Helper
The Zombies, Beechwood Park
The Pixies – Ana dEUS, Instant Street
Radiohead, No Surprises
Roy Orbison, Pretty Woman
The Kinks, Wonderboy
The Velvet Underground, Afterhours
Deuxième partie :
Nancy Sinatra, The Boots Are Made for Walkin’
The Beatles, In My Life
The Velvet Underground, Who Loves the Sun
The Breeders, Fortunatly Gone
Love, Andmoreagain
Jefferson Airplane, White Rabbit
Nancy & Lee, Summer Wine
Jeanette, Porque Te Vas
The Breeders, Drivin’ on 9
Neil Young, Winterlong
Simon & Garfunkel, Sounds of Silence
The Breeders, Here No More
Crédit photo : Joachim Robert.
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