St. John Green, Kim Folie

par Adehoum Arbane  le 04.09.2018  dans la catégorie C'était mieux avant

Sur le papier, psychédélisme égale folie. À peu d’occasions, ce contrat tacite aura été honoré. En Angleterre, avec la toute première et syd barrettienne incarnation de Pink Floyd. Au pays de l’oncle Sam, avec une bande de hippies cramés, produits par le non moins cramé Kim Fowley – Kim Folie ? –, St. John Green. C’est peu dire que leur unique album est un ovni. Il pourrait même sembler, pour les oreilles chastes, parfaitement inaudibles. Constat étonnant quand on sait que le groupe vient de la très professionnelle scène de Los Angeles. Autour d’une formule rodée – guitare, orgue, basse, batterie –, le groupe propose douze titres, ambassadeurs de l’étrange. Sans en avoir pourtant les atours, il pourrait s’agir d’un album concept entremêlant avec un certain savoir-faire les thèmes de la science-fiction, la guerre nucléaire, le diable, la mort, l’amour, les zombies… La singularité de ce disque typique de digger, tient à plusieurs points. Si Kim Fowley s’incruste et offre au groupe quatre chansons, deux psyché – Canyon Women, One Room Cemetery – et deux plus classiques mais tout aussi réussies – St John Green et le final drolatique de Shivers Of Pleasure, manière de rendre hommage à tous ceux qui ont influencé le disque – le reste de la tracklist est entièrement composé par le groupe. Le bassiste Ed Bissot, l’organiste Mike Baxter et le chanteur Vic Sabino en sont les principaux pourvoyeurs. Deuxième aspect, et non des moindres. Nombreuses sont les chansons interprétées en spoken words. Parti-pris servant à merveille la dimension la plus psychédélique du disque et dont la logique incantatoire plonge immédiatement l’auditeur dans l’ambiance. Si l’on fait exception de Do You Believe, très Country Joe & The Fish dans l’esprit, des morceaux comme 7th Generation Mutation, Help Me Close The Door-Messages From The Dead, Goddess Of Death, Love Of Hate et One Room Cemetery permettent à St. John Green de se distinguer de ses contemporains. Ainsi pourrait-on qualifier ces quelques titres fondamentaux de Hammer Psychedelic Pop, par leur aspect profondément cinématographique, renvoyant aux séries B d’horreur, gothiques ou non, qui firent les grandes heures des drive-in américains. Il faut bien dire que ces chansons, pour anti-conventionnelles qu’elles soient, sont parfaitement exécutées, les silences et relances fort bien gérées, sans parler des vocaux qui jouent à fond la carte de la grandiloquence théâtrale. Également arrangeur, Mike Baxter s’impose comme le principal contributeur du groupe. Omniprésent, son orgue décline habilement toutes les couleurs, toutes les tessitures, passant de nappes inquiétantes aux interventions plus classiques – très proches du blues. Sur Messages From The Dead, l’orgue permet de recréer symboliquement le passage des différents paliers conduisant au royaume de l’enfer. De même, la guitare se contente de quelques apparitions fantomatiques, en contrepoint de l’orgue, mais en restant toujours à la place qui lui est dévolue. Sur Spirit Of Now, elle s’autorise un court solo bien évidemment passé à la moulinette de la fuzz. Pour autant, les morceaux plus pop montrent un groupe très en verve comme le prouve le sublime morceau titre St John Green aux accents presque divin ! Comme il en est fait mention sur Shivers Of Pleasure, l’album a été enregistré dans les méandres isolés de Topanga Canyon, en communauté, dans le dénuement et la diète, y compris sexuelle. On ne sait comment prendre ces révélations, quels crédits leur accorder, toujours est-il que cet état semble avoir profiter au groupe, conférant à sa musique une logique propre, une cohésion inspirationnelle remarquable. S’il fallait oser la comparaison, on pourrait rapprocher ces joyeux freaks de ceux de Frank Zappa, les Mothers Of Invention, à la différence que ces derniers évoluent dans un registre autre, entre doo-wop, pop et musique contemporaine. Il n’en est rien pour St. John Green dont l’œuvre unique pourrait s’apparenter à une traduction musicale de l’Enfer de Dante, où le poète accompagné de Virgile erre dans les cercles infernaux. Tout comme ce disque pas ne connaîtra hélas pas de suite et restera le seul témoin d’un point de non-retour dans l’histoire de la musique pop et du psychédélisme bis. 

St. John Green, s/t (Flick-Disc)

st-john-green-cover1.jpeg

https://www.youtube.com/watch?v=kLtcBb9eMcc

 

 

 

 

 

 

 


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