Human League, les bons ça ose tout

par Adehoum Arbane  le 31.10.2017  dans la catégorie C'était mieux avant

En 1981, le mythe d’une synthpop morose et poseuse a vécu. Lasse de la déprime institutionnalisée par Joy Division, une formation au patronyme peu amène décide d’insuffler au genre une énergie presque joyeuse. D’abord all-male synthesizer group situé à l’avant-garde, Human League va rapidement, au fil des productions et des remaniements, s’ouvrir et embrasser une toute autre esthétique. Paru le 16 octobre 1981, Dare – Oser – aligne pas moins de cinq tubes définitifs et constelle le reste du Lp de chansons savoureuses et pénétrantes. Hâtivement taxé de commercial – l’album sera certifié triple disque de platine –, Dare a tout du disque étalon, œuvre parfaite de bout en bout. Il n’offre aucun temps mort, de l’entame fantastique de The Things That Dreams Are Made Of au grand final de Don't You Want Me. Quelque peu climatique, ce premier titre réussit pourtant le tour de force d’imposer le sextet comme l’incarnation du cool. La chanson y parle des simples plaisirs de la vie et des grandes ambitions, ce qui sonne comme un avertissement à la concurrence. Sur cet album, Human League sera grand ou ne sera pas. Second single tiré de l’album, Open Your Heart parle d’infidélité mais reste fidèle au maître mot de Oakey : produire une musique synthétique de chair et de sang. Et ce ne sont pas les sons flûtés des claviers qui le contrediront. Taquin, le leader en profite pour classer les 45t extraits de l’album : "Red" pour les fans de Spandau Ballet, "Blue" pour les fans de Abba. Open Your Heart portera le label "Blue". Si The Sound Of The Crowd préfigure de loin le travail de James Murphy au sein de LCD Soundsystem, Darkness embrasse la majesté des ballades en demi-teintes. Signée Philip Adrian Wright, elle évoque avec force d’images ce moment où la peur vous saisit au bord du sommeil, après avoir refermé la page d’un récit horrifique. En résulte l’un des grands moments du disque, puissant, sombre mais en aucun cas plombant comme les Cure. Ironie du sort, eux-aussi consentiront à délaisser le pessimisme pour l’euphorie (In Between Days). La première face s’achève sur le martial Do Or Die, à l’exotisme quasi africain. Une réussite de plus ! Human League s’efforce d’offrir un son neuf et systématiquement dansant. La face b démarre avec l’instrumental Get Carter, petite pause heureuse et bienvenue. Interlude d’autant plus idéal qu’il marque un enchaînement parfait avec I Am The Law. Inspiré par le personnage de Comic Judge Dredd, le titre dénote par son ambiance solennelle mais droite. Sans hiatus, le groupe continue avec Seconds, plus rapide mais toujours aussi nébuleux. Ce trio presque contemplatif prépare le terrain au deux dernières chansons, deux classiques. Love Action (I Believe In Love) d’abord. Mixant habilement guitare et clavier, porté par la voix de caverneuse de Oakey – proche de celle de Iggy Pop sur The Idiot – Love Action titille l’auditeur. Puis sans crier gare, Oakey tente le coup de génie. Là où bien des groupes finiraient sur un morceau ouvert, plus calme, Human League décoche son méga tube, Don’t You Want Me (Baby). Tendre et déchirant, il étonne par sa modernité et n’a pas – trop – souffert des ravages du temps (on parle d’une chanson de synthpop tout de même). Sa force, il la puise dans sa mélodie évidente et dans son interprétation partagée entre Phil Oakey et Susan Sulley. À ce propos, si Human League peut prétendre au titre de groupe new wave le plus solaire, c’est en partie pour la présence et les talents de ses deux voix féminines, Susan Sulley donc et Joanne Catherell. En aucun cas faire-valoir, elles complètent le dispositif, préfigurant avec vingt ans d’avance le Metronomy période English Riviera. Enfin et ce n’est pas un détail anecdotique, Dare se pare d’une pochette ultra esthétisante, angulaire mais avenante, avec ses portraits recadrés et son blanc tournant, son bleu et son rose cinglants. À l’intérieur, on retrouve la même logique graphique où chaque musicien se voit portraitisé jusqu’à l’intime, bouche close, rouge pour les femmes, et regard magnétique. Une vision plastique qui sera déclinée sur les photos officielles, stylisées sans toutefois paraître compassées. Malgré ces partis-pris, jamais le groupe ne cède à la tentation du glacial et dans ses chansons, à celle des passions tristes. L’acte de création de Human League, incarné si magnifiquement par Dare, pourrait au fond se résumer ainsi : traduire synthpop par Sainte Pop.

The Human League, Dare (Virgin)

THE-HUMAN-LEAGUE---DARE-2014-EU-LP-1 2.jpg

https://www.youtube.com/watch?v=u59pUq7by-E

 

 

 

 

 

 


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