The Shins, a house is not a motel

par Adehoum Arbane  le 28.03.2017  dans la catégorie A new disque in town

Une maison de vacances où rien n’a bougé, où les souvenirs semblent avoir été coulés dans l’ambre du temps, pour l’éternité. Oui, les Shins sont notre maison de vacances à nous. Une fois retrouvée, on s’y sent bien, à son aise, comme chez soi. Mais à l’écoute du cinquième album, Heartworms, un sentiment particulier envahit l’auditeur. À peine entré, on découvre que tel meuble n’est plus à la place qu’il occupait précédemment, quand un autre aura tout bonnement été remplacé. Et la maison de reparaître sous nos yeux, mais de manière différente. On doit ces évolutions au seul James Mercer. C’est peu dire d’ailleurs que le groupe reste la chose de son leader. En seulement cinq albums, il aura dirigé les Shins en démiurge absolu, en compositeur minutieux, allant jusqu’à renouveler entièrement le line-up après Wincing The Night Away, chef-d’œuvre indépassable. Étrangement, le claviériste Marty Crandall et le guitariste Dave Hernandez apparaissent sur Port Of Morrow. Peine perdue. Sur Heartworms, c’est un nouveau groupe qui officie, sans doute plus docile, permettant de fait à Mercer de mutliplier les étiquettes, de tout contrôler dans le processus de création, depuis l’écriture jusqu’à l’enregistrement, y compris la production, poste jadis partagé sur Chutes Too Narrow et Wincing The Night Away. Groupe et son, ces deux aspects si alchimiques s’agissant des Shins expliquent pourquoi le fan ne retrouve pas ses petits. Certes, on reconnaît le génie de Mercer, celui consistant à prendre une guitare par un beau matin, à gratter quelques secondes les cordes et à ressentir le potentiel immédiat de tel accord, tel motif mélodique. Ces intuitions donneront plus tard corps à de solides chansons portant la marque du maître. Name for You, Fantasy Island, Mildenhall ou encore So Now What sont exemplaires de ce savoir-faire qui a fait des Shins un groupe aimé, puis estimé, puis salué, une formation attachante qui sut un temps échapper à la malédiction des formations « indie pop », condamnés le plus souvent à l’anonymat. Les Shins auront réussi à repousser ce plafond de verre, à tutoyer la célébrité. D’abord au travers du premier long réalisé par Zach Braff, Garden State, qui voit la ballade New Slang passée dans les oreilles de Nathalie Portman pour un scène d’anthologie. New Slang, une chanson qui change la vie. Quelle promesse ! Le succès du film avait donné à Oh, Inverted World un coup de pouce bienvenu, passant de 100 000 copies vendues (au lieu des 10 000 envisagés par le label) à 500 000 ! Enfin par une nomination de Wincing au Grammy Award comme meilleur album alternatif de l’année. Il faut dire que Sub Pop en avait écoulé 100 000 une semaine seulement après sa sortie. Mais après la dissolution du line-up originel, Mercer s’engage dans un projet parallèle avec Danger Mouse, Broken Bell, et met les Shins en pause. Il revient en 2014 pour un nouvel opus qui sonne étrangement comme une œuvre solo. On ressent une impression similaire à la découverte de Heartworms. Même entourés de musiciens, les Shins ont été réduits au concept de formation prête-nom, au service d’un seul homme. On peine à sentir la dynamique de groupe qui avait fait la force des trois premiers albums. Peut-être l’âge de Mercer explique à quel point les morceaux sont devenus scolaires. Dans la « veine », comme il est coutume de dire. Enfin, parce qu’il est seul aux commandes, Mercer tente tout, expérimente, allant jusqu’à appliquer à la pop juvénile des Shins des univers trop sérieux, trop synthétiques qui ne fonctionnent pas toujours. Painting a Hole, Cherry Hearts, Half A Million s’avèrent sans doute les chansons les moins chartes de l’album, trop désincarnées, aventureuses pour séduire. Et c’est précisément quand Mercer revient à ce qu’il sait faire (Rubber Ballz) que notre cœur s’emballe à nouveau. Même constat avec Dead Alive qui commence mal pour reprendre la barre et revenir aux fondamentaux. Faut-il cependant jeter Heartworms aux orties ? Non, bien sûr. Même si l’album semble saturé de paroles, négligeant ainsi la musicalité qui faisait la singularité des Shins de Girl Inform Me, Mine's Not A High Horse, Young Pilgrims, Saint Simon ou Phantom Limb, James Mercer démontre une fois de plus à quel point il est doué dans l’écriture, que son mojo peut encore créer des petits miracles. Peut-être une reformation, cette tromperie des temps nouveaux, permettrait toutefois à Mercer et ses trois anciens compères, Dave Hernandez, Jesse Sandoval et Marty Crandall de renouer avec l’essence et l’énergie des Shins ? Devrons-nous plutôt nous contenter de l’existant, c’est-à-dire le fantôme d’un groupe surdoué réduit à son noyau central, un quadra accompli qui devra peut-être, un jour, tuer les Shins pour renaître, phœnix contemporain, sous son propre nom. Comme Neil Young autrefois ? Seul l’avenir nous le dira.

The Shins, Heartworms (Columbia)

heartwromsart.jpg

http://www.deezer.com/album/15578742

 

 

 

 

 


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