Les marchands de Temples

par Adehoum Arbane  le 14.03.2017  dans la catégorie A new disque in town

On nous chante à longueur d’antenne que l’Industrie est morte, que la Moselle sombre, que la Lorraine ne vaut guère mieux. Certes, le chômage de masse est là qui en atteste. Mais soyons sérieux, comment affirmer une telle sottise alors que le dernier né de Temples est une usine à tubes ! Volcano grondait déjà, lorsque le groupe avait décidé de jeter en pâture à l’Internet tout ébaubi son monstrueux single Strange or Be Forgotten. C’était sans savoir que le reste, c’est-à-dire les onze morceaux qui le précédaient, était à l’avenant ! Il y aurait beaucoup à dire sur Volcano, aussi allons-nous tenter de rassembler nos esprits, disséminés en myriades de constellations après plusieurs écoutes. D’abord et quitte à se répéter, disons les choses ainsi : ce deuxième effort qui mérite son qualificatif, est un long tunnel mélodique, insidieux, diablement efficace. De l’entame massive de Certainty – sa basse grondante, presque électro et son petit motif mélodique vous collant aux basques – à Stranger or Be Forgotten, c’est un sans-faute absolu. Tout juste les pauses atmospéhriques que représentent Born Into the Sunset et How Would You Like To Go? Nous préparent-elles pour la suite du voyage, de l’autre côté de la face – lunaire – des musiciens de Temples. Dans cette constellation de refrains parfaits, on retiendra davantage ceux de (I Want to Be Your) Mirror, Oh the Saviour, In My Pocket ou encore Celebration. Non pas que les autres ne valent pas le détour, bien au contraire, mais ces chansons impeccables ont ceci qu’elles vous scotchent d’emblée, et ne vous lâchent plus. C’est la dure loi de la pop que de rester à jamais dans les esprits, de rebondir dans nos mémoires extasiées. Deuxième réussite de Volcano, le son. Ici les claviers sont aux commandes, si l’on ose dire. D’une rare homogénéité, ils donnent à Volcano une puissance incroyable tout en cochant la case modernité dans le cahier des charges de tout album sortant en cet an de grâce 2017 ! Mieux, Temples réussit la gageure de sonner comme le MGMT de Oracular Spectacular ou encore à l’image du Tame Impala de Currents. Ce qui n’est pas faire insulte à ce jeune groupe anglais, décidément fort doué. L’équation s’avère d’autant plus résolue que les chansons nous apparaissent immédiates, furieuses voire dansantes – ce qui est comble pour un groupe d’inspiration psychédélique – tout en conservant une certaine exigence dans l’esthétique comme dans la dimension lysergique. Ainsi, Temples a créé un continuum entre les sixties et aujourd’hui, mais aussi un paradoxe temporel que Barjavel décrivait dans Le voyageur imprudent. Jamais le groupe ne convoque l’habituel décorum exotique de formations tutélaires telles Traffic. Jamais il ne grime ses morceaux d’un fard trop orientalisant à la manière d’Iron Butterfly. Temples se cantonne à l’instrumentarium nucléaire, et recherche des idées ailleurs. Et on y croit ! La somme des précédents atouts nous conduit droit vers le troisième. À force de chercher la ritournette évidente, voire confondante, et de l’associer à la production adéquate, Temples est en passe de réaliser le fantasme ultime : soit conquérir les charts et à travers, le cœur du monde entier. Certes d’aucuns diront que leur démarche se révèle des plus froidement commerciales, mais qu’importe. C’est bien l’enjeu du moment. À l’heure où l’industrie du disque vacille, où les goûts semblent de plus en plus uniformes, où le mainstream triomphe. Et si Temples était à l’origine d’un mainstream de qualité ? Et si nos quatre musiciens devenaient les habiles marchands d’un temple en pleine érection ? Au fond, les Beatles y sont bien parvenus, sans rien trahir de leur art, sans se fourvoyer à grands coups de petites compromissions. Parvenir à séduire, en plus d’une génération nostalgique des riches heures de la pop ancestrale, une jeunesse désabusée qui préfère se jeter dans les bras des rappeurs et des stars pouponnes à bon marché. Atteindre l’universel tout en maintenant un certain niveau d’écriture. Voilà l’horizon que les jeunes formations devraient observer. Si les Temples poursuivent dans cette voie, tout comme Kevin Parker, l’avenir s’annonce radieux. Et le psychédélisme de se transformer alors, ô ironie du sort et par le seul mystère de la pop, en ambassadeur définitif de la musique du futur.

Temples, Volcano (Heavenly Recordings)

temples-volcano.jpg

http://www.deezer.com/album/15237239

 

 

 

 

 

 


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