Alexia Gredy, évanescent paradis

par Adehoum Arbane  le 21.03.2017  dans la catégorie A new disque in town

C’est stupide, mais ce sont souvent les mauvaises images qui nous viennent à l’esprit lorsque l’on se plonge dans la pop au féminin. Françoise Hardy nous laissant un message personnel, Adjani dans son joli pull marine au fond d’une piscine ou encore les fautes de prononciations et d’accords, en vérité charmantes, de Jane Birkin. Avant de découvrir la musique d’Alexia Gredy, il convient d’abord de fermer les yeux. Puis d’ouvrir grand son cœur, enfin son esprit. On pense alors étrangement à un homme, Michel Lang qui filma ces amours adolescentes auxquelles la jeune artiste fait ici involontairement allusion. Mais il faut bien dire les choses ainsi, une chanson est un tout. Paroles et musiques, arrangements qui s’arrangent avec les sentiments. C’est alors que l’on songe très vite, à Sofia Coppola. Pas tant la jeune femme, mais surtout l’œuvre derrière la réalisatrice. Paradis et l’Habitude, qui referment ce premier et prometteur EP, distillent une forme de mélancolie tramée, une passion triste comme le dirait très justement Deleuze. Sur ces nappes tendres, Alexia Gredy plaque sa voix comme on appose un baume. Le refrain quant à lui fait mouche : « On n'est pas très loin d'ici, on en a presque vendu nos vies/un seul geste perdu et c'est le paradis de nos vies. »  On objectera qu’il s’agit là d’une interprétation, d’un ressenti. Certes c’est le cas mais l’impression est bien réelle, pour ne pas dire sincère. L’adolescence qui précède l’âge adulte – hélas de raison – est donc le temps d’une innocence que nous aimerions retrouver. Celle qui nous conduisait à espérer l’amour sans trop y compter. Ce laps de temps fugace, fragile, où l’on pouvait noircir des cahiers, non pas de calculs – quoique –, mais de poèmes maladroits que nous destinions aux plus belles filles de la classe. Parfois nous allions jusqu’à enregistrer une sélection de morceaux qui tuent sur K7 audio, face 1 montée-crescendo, face 2 atterrissage tout en en douceurs pop et chœurs top. En l’espace de 90 minutes, on revisitait l’histoire du rock, du Thank You de Led Zep au November Rain des Guns en passant par la trinité Femme Fatale-Candy Says- Who Loves The Sun du Velvet. Même avec ça, on n’emballait pas. Ou peu. On se faisait cramer, les filles se moquaient de nous. Mais revenons à Alexia dont le prénom résonne en mille échos mémoriels. Il nous rattache à ce passé merveilleux, on avait tous une Alexia dont nous étions follement amoureux. Ici, la compositrice a pris et la guitare et la plume pour nous décocher quelques savants refrains le temps d’une ébauche. Dans ces quatre vignettes qui ont le mérite de compiler tout ce que le rock a fait de mieux – pop sucrée-new wave-rock fiévreux –, elle raconte des choses doucereuses mais pas que. Paradis (co-écrit avec Aline), nous l’avons déjà dit, c’est la pop ligne claire tout en éclairs et mélodie. Diabolo menthe (piqué à Yves Simon) démarre dans un bruit métallique qui n’est pas un battement de cœur, encore que, mais une pulsation de vie comme si notre jeune destin en dépendait. Mon rêveur s’égare délicatement, entre Vu de l’extérieur et Banana Boat, voire Kawasaki. Ligne de basse rondelette et cordes à l’appui ! L'habitude, c’est le rock à l’os, à nu, parfois en tentatives spatiales pour nous emporter dans son tourbillon d’émotions, toboggan de sentiments. C’est toujours beau, et grand : « ami, fidèle amant. » Et c’est là que nous revient à l’esprit ce sublime long métrage qu’est et restera Virgin Suicides. Ce n’est pas que la musique qui en bat le rappel, mais aussi les paroles, tristement acides, dramatiquement gracieuses. C’est un tout. Alexia Gredy écrit des chansons imaginées, des instantanés qui semblent s’être arrachés de nos livres d’histoires, les petites donc les plus jolies. Ce n’est pas un hasard si le Diabolo menthe illustra les scènes du film éponyme signé Diane Kurys, qui est un peu la grande sœur de Sofia, puis d’Alexia. La tendresse y est la règle, quand bien même cette dernière se fait parfois cruelle. La musique s’est maintenant arrêtée, la chambre se trouve à nouveau prisonnière du silence. Nous attendrons ainsi, impatients et fougueux, l’album à venir. En repassant en boucle ce Paradis fait EP, mais en songeant aussi avant de nous endormir aux sœurs Lisbon, à leur innocente et solaire beauté. On revivra les parties de billards entre copains ou celles de flipper en solitaire, sous les yeux pétillants des filles de nos seize ans égarés… Puis retrouvés ! Depuis le temps, on a l’habitude.

Alexia Gredy, L’Habitude EP (Disques Debut)

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http://www.deezer.com/album/14961615

https://www.youtube.com/watch?v=d-jTINtAIX8

Crédit photo : Virgile Guinard 

 

 

 

 

 


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