Alors que sonne le refrain de La mélancolie française, la production hexagonale très paradoxalement ne s’est jamais aussi bien portée. Bien qu’un belge et un canadien se soient immiscés dans ce classement, le reste renvoie à la promesse du made in France, une réalité plus que flatteuse. En vérité, la tendance ne date pas d’hier et n’est pas prête de s’arrêter aux dernières heures de l’année 2016, pourtant peu avare en RIP. N’en déplaise aux pessimistes comme aux zélateurs d’un sans-frontiérisme falot, la production pop d’ici n’est pas perdu son rang. Non seulement elle le maintient, mais elle fait mieux en s’élevant. Dans tous les domaines, sachez-le, nous brillons ! Dans la chanson pop, le psychédélisme à la française, dans le rock garage, la surf-music, mais aussi la french touch ou la poésie musicale, jusqu’à la synthpop ! C’est le signe que nos artistes connaissent et maîtrisent les codes, ont la carte. Mieux, c’est aussi la preuve qu’ils ont su couler les sacro-saintes règles de la pop anglo-saxonne dans le moule d’une écriture sophistiquée, approfondie. Car la France n’a pas à rougir d’exceller dans tous ces domaines, mais là n’est pas l’essentiel. Lorsque l’on jette un regard rétrospectif sur le cru de l’année, ce qui frappe c’est davantage la richesse des propositions que toute autre considération esthétique. Même si le classement s’est ouvert à la francophonie, accueillant Benjamin Schoos et Chocolat, l’année 2016 aura vu une multiplication de projets et d’albums. Hommes, femmes, groupes, confirmation ou premiers pas, nos lauréats – Dustin Hoffmaniens en diable – concrétisent enfin le rêve d’une création moderne et féconde. Il y a là de quoi être enthousiaste. Au premier rang de ce top, l’élégant Lafayette avec Les dessous féminins. Numéro un parce que son premier album s’avère une réussite totale, de la première à la dernière seconde. Sans temps mort ni fausse note, sans céder au remplissage. Inspiration, textes, esthétique, tout sonne parfaitement. Derrière arrive le batteur d’Aquaserge et de Tame Impala, Julien Barbagallo avec un deuxième album absolument magnifique, personnel, où le psychédélisme se fait moins artificiel qu’il n’y paraît avec l’ambition d’explorer une forme de tendresse, de douceur : l’émotion déclinée dans des atours électriques. Daisy Lambert était un outsider, il est aujourd’hui le troisième homme et quel homme ! Celui qui signe avec Les cœurs célestes le disque le plus court et sans doute, aussi, le plus intense. Merci à lui ! Benjamin Schoos avait été le premier à briller, dès le mois de janvier. Son Night Music, Love Songs est un sommet de gravité légère, de beauté planante sans le falbala qui trop souvent plombe les disques contemporains. Dernier nom de cette première face du top 2016, Alister. Qui nous revient avec son troisième album venant clore sa trilogie pop où derrière le rock rêche, le cynisme publicitaire de compositeurs comme Gainsbourg point la belle acidité de chansons aussi folles que Mercurochrome ou La fin du monde. Face B, La Femme qui ne fait plus mystère de ses intentions, soit continuer de surprendre, de remuer ce microcosme musical en mêlant à sa rock attitude une forme de transe qui finit toujours par convaincre. Voilà pourquoi ces jeunes musiciens finissent ici, dans ce top. The Limiñanas et Chocolat apportent la caution rock band. Les premiers – Lionel et Marie Limiñana – repoussant les frontières garage pour approcher une élégance velvetienne, tant musicale que poétique. Les seconds assumant une forme de punk attitude matinée de grandes giclées space rock, ménageant aussi un espace pour la très belle voix du leader, Jimmy Hunt. "O" alias Olivier Marguerit, ancien de Syd Matters, a décidé de se lancer sous sa propre lettre, et grand bien lui en a pris. Un torrent, la boue est un album si gracieux qu’il fera oublier la proximité stylistique avec Syd Matters, notamment sur le magnifique Bebi. Surtout, le singer songwriter prouve que cette musique de chambre, pour électrique qu’elle soit, avec ses claviers et synthés par millier, s’exprime à merveille dans notre langue même si elle trouve aussi une expression plus classique au travers de l’anglais. Le joli bout de voix de Marguerit et la qualité de ses chansons devraient le convaincre de sauter le pas du français intégral. Finissons avec Alexandre Chatelard, esthète du son qui se mua cette année en virtuose du timbre et la jeune Cléa Vincent, forte de son premier album Retiens mon désir, démontre à quel point il faudra désormais compter avec elle : Achète Le Moi, Electricité, Soulevant, Clair-Obscur en sont les magnifiques figures de proue. Au fond la plus belle promesse de 2016 se résumera sans doute en un seul mot et nombre : 2017. Juliette Armanet, Charles-Baptiste, Corine, Mägnum, Klô Pelgag et tant d’autres nous donnent ainsi des raisons d’espérer. Qu’ils continuent avec foi, si ce mot peut encore avoir un sens.
Le meilleur de 2016 :
Lafayette, Les dessous féminins
Barbagallo, Grand chien
Daisy Lambert, Les cœurs célestes
Benjamin Schoos, Night Music, Love Songs
Alister, Mouvement Perpétuel
La Femme, Mystère
The Limiñanas, Malamore
Chocolat, Rencontrer Looloo
O, Un torrent, la boue
Alexandre Chatelard, Elle était une fois
Cléa Vincent, Retiens mon désir
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