Les Monkees, ce phénomène médiatique avant l’heure. Les Monkees, premiers héros de la télé-réalité. Groupe né d’abord au travers d’un show qui lui fut entièrement dédié, puis, enfin sur disques. Pour autant jamais le combo n’exista d’un point de vue purement discographique, cantonné à quelques – superbes – singles et autres albums concepts toujours reliés à des formats filmés. Et ce bien qu’il constituât la réponse américaine aux Beatles. Cinquante après leurs premiers succès, deux décennies après la précédente livraison, les Monkees reviennent avec un nouvel album. Good Times claironne-t-il fièrement, point d’exclamation à l’appui. Le bon temps rimant souvent avec le bon vieux temps, les trois rescapés Peter Tork, Michael Nesmith et Micky Dolenz – Davy Jones est tombé entre temps – décident de convoquer, en plus de songwriters reconnus à l’image des duos Goffin/King, Barry/Levine et Boyce/Hart, Harry Nilsson ou Neil Diamond, des plumes moins décaties. Paul Weller, Noel Gallagher, Rivers Cuomo de Weezer, Andy Partridge de XTC mais aussi des figures plus récentes comme Adam Schlesinger et Ben Gibbard sont de l’aventure. Voilà pour la caution moderniste ! Ces singes-là, malgré leur âge avancé, ont encore un sacré culot. Pour le reste et malgré ce sang neuf, leur musique reste toujours aussi insouciante. C’est sans doute la leçon à retenir. Personne n’aime vieillir et, sans sombrer dans le jeunisme falot, il est important, pour ne pas dire essentiel de ne rien perdre de son énergie primale, de sa fraîcheur d’esprit. Leçon qui plus est édifiante qu’elle s’applique à la pop, ce genre dont les sacro-saintes règles n’auront pas bougé d’un cil depuis des lustres : sur une courte durée, couplets engageants et refrains fédérateurs s’amusent de nous entraîner dans leur fanfare joyeuse et limpide. Ce n’est pas tant une leçon de musique que nous offrent les Monkees, mais bien une leçon de vie. Déjouer l’œuvre du temps, enjamber les années sans se laisser corrompre, voir sa vision se rabougrir. Car en plus de proposer quelques singles en puissance – Good Times, You Bring the Summer, She Makes Me Laugh, Whatever's Right –, le trio nous bouscule aussi avec des titres plus déroutants, allons plus loin des compositions plus consistantes. Certaines ont le bon goût, le piquant même de titiller la société contemporaine comme le fait Birth of an Accidental Hipster. D’autres renouent avec une certaine grandeur baroque que les Monkees avaient d’ailleurs pratiquée tout au long des années 67-68 avec leurs albums les plus ouvertement psychédéliques, Pisces, Aquarius, Capricorn & Jones Ltd, The Birds, The Bees & The Monkees et Head. Our Own World et l’étrange, mais non moins magnifique Wasn't Born to Follow – immortalisé par les Byrds – sont à citer. Mais lorsque nos vieux singes cessent de faire la grimace, ces derniers surprennent un public conquis d’avance – les fans des sixties – avec des chansons pour certaines plus rock, comme le Lennonien I Was There (And I'm Told I Had a Good Time) ou des compositions plus intemporelles dans leur interprétation. C’est le cas du merveilleux Me & Magdalena aux tonalités indie que l’on aurait pu retrouver dans n’importe quel album de folkeux à barbe. Quant à Love To Love, c’est le seul titre où l’on entend la voix si particulière de Davy Jones, d’où une certaine émotion. Mais le chef-d’œuvre dans le chef-d’œuvre – car cet album en est un pour les raisons citées plus haut – est bel et bien I Know What I Know. Signé Micheal Nesmith, il bouleverse par la simplicité de sa mélodie, en vérité très écrite, et par la beauté des mots aux inflexions socratiennes – il s’agit d’une chanson d’amour. La voix vieillie, ombragée de Nesmith ajoute au sublime, quant au Chamberlain, déclinaison du Mellotron que les Moody Blues utilisèrent en 1972 sur Seventh Sojourn, il confère à la chanson une puissance égalant celle de Porpoise Song, LE plus grand titre des Monkees à ce jour. Et quel plaisir de revoir encore une fois leur logo, dans sa perfection graphique, et cette pochette pastiche, entre After Bathing at Baxter’s du Jefferson Airplane et Austin Powers. Pied de nez aux conventions, à l’air du temps, au progressisme à tout crin. Les Monkees n’ont voulu que s’amuser, comme à l’époque de leur série, et cela s’entend. Il plane sur ces treize morceaux d’été, au sens le plus littéral, une ardeur, une allégresse, un plaisir qu’on aurait tort de ne pas entendre en ces temps où les stars se résument à des RIP intempestifs, où les populismes donnent des coudes pour s’imposer. Les Monkees n’ont fait que singer leur jeunesse passée, mais en passant, nous font oublier leur maturité installée. Pour les trois chanteurs, « vieillir ensemble, ce n’est pas ajouter des années à la vie, mais de la vie aux années ».
The Monkees, Good Times ! (Rhino)
http://www.deezer.com/album/13119428
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