Alice Cooper, hell et lui

par Adehoum Arbane  le 12.04.2016  dans la catégorie C'était mieux avant

Les apparences sont trompeuses et, par prudence, il ne faut jamais s’y fier. Pour le commun des mortels adepte du métal le plus sommaire, Alice Cooper c’est l’homme à la peau parcheminée, regard fardé-zébré et commissures d’où s’écoule un sang noir, un corps de pantin tout en perfecto clouté et pantalon de cuir, parfois accompagné d’un python, voire plus inquiétant d’une hache. Âme damnée souvent annonciatrice d’un tonnerre de décibels. Pour quelques-uns, les 30% les plus érudits, Alice alias Vincent Furnier est surtout cette ancienne gloire des sixties-seventies, grand amoureux – qui l’eut cru – des Beatles et, plus globalement des fines mélodies. En témoigne une discographie riche de huit classiques à géométrie variable, alternant le parfait, le très bon et le légèrement plus faible (mais cependant très cool). Moins inspiré que Welcome To My Nightmare dont il est le prolongement stylistique, Alice Cooper Goes To Hell montre en 1976 un homme miné par ses problèmes d’alcool – qui trouveront un écho plus important sur les albums suivants, Lace And Whiskey et From The Inside – dont la pochette relativement hideuse reste un triste avant-goût. Soit dit en passant, cet album conserve encore de beaux restes, et des chansons prouvant à quel point il semblait fait pour chanter couplets et refrains à l’image de ses postures scéniques, bien gaulés. Derrière la goule, il y a une gueule de crooner – on a affaire à un fan de Morrison Jim –, mais plus encore, un homme qui a su se livrer d’albums en albums. Ici, délesté de son Alice Cooper Band, après deux années passées en « solo » bien qu’épaulé de l’indispensable Bob Ezrin, Alice Furnier ou Vincent Cooper – c’est selon – se présente sous un jour nouveau, enfin, sous une enveloppe plus proche de sa véritable incarnation. Dans ses chansons, on y perçoit l’homme avec ses faiblesses – addictions diverses, succès métastatique – mais également l’être tendre qui entonne non sans justesse, avec une honnêteté rare – sous le vernis des arrangements – des compostions en vérité touchantes. Tombant le costume de rockeur, l’artiste se met littéralement à nu, jetant sur la place publique l’âme d’un type revenu de tout et qui poursuit l’élan de sincérité, initié sur le très beau Only Woman Bleed. Mieux, fendant ainsi l’armure, il en profite pour ouvrir sa poitrine et poser son cœur encore palpitant sur la table, dévoilant une sensibilité presque féminine – durant sa prime jeunesse l’homme souffrit longtemps de son physique malingre. De cette faiblesse, il tire une force : Alice le chanteur manie l’émotion comme personne. D’aucuns diront sentimental en songeant à lui et ils auront raison. Écoutez ces monuments lacrymaux mais pas trop que sont Didn't We Meet et I Never Cry, entre Harrison pour les guitares et Lennon pour la science du texte. Si l’on poursuit l’écoute, entre les rocks nerveux – mais toujours vacillants, comme Give The Kid A Break – et le hard assumé sur Guilty, on retrouve ces moments de douceur, une musique ambrée, mélodie de miel, tel le surprenant et splendide Wake Me Gently. Comme une réponse à son enfer à lui, qui fut surtout celui des autres, des nombreux tentateurs, de la vénalité d’une société, d’un milieu, des affres qui rudoient l’édifice fragile d’une personnalité. Voilà pourquoi Goes To Hell a été écrit, conçu comme un baume. À ce titre, la production fait partie intégrante de l’alchimie et la musique en est imprégnée à chaque seconde. Il ne faut jamais sous-estimer la culture : avant de donner dans le hard rock clinquant, Vincent Furnier fut – et reste à ce jour –tout comme Lemmy Kilmister d’ailleurs, amateur de beau son qui est la suite logique de la pop adroite. Un partisan du bel ouvrage, du raffinement sur disque. D’où ce sens de la collaboration, ce besoin de se fondre dans un esprit collectif pour pousser plus loin des chansons déjà parfaites. Pour explorer des directions parfois contradictoires, car il faut le charme – et le culot – de Cooper pour pouvoir enchaîner après Wish You Were Here et son funk métallique I'm Always Chasing Rainbows, cette vignette en forme d’opérette. Puis fondu dans le morceau suivant, tout aussi poignant, Going Home, avec ses orchestrations fastueuses, ses percussions spectoriennes, son petit côté hollywoodien, magique et tragique à la fois. Finalement, Alice Cooper Goes To Hell se révèle un album moins décevant qu’il n’y paraît où que son artwork ne le laissait pourtant entrevoir. Un ensemble plus que satisfaisant d’autant que les compositions passées sous silence mériteraient un dernier hommage, le magistral et tourbillonnant You Gotta Dance, le nonchalant I'm The Coolest où Alice Cooper chante comme Iggy à Berlin, les synthés en moins. I Never Cry prétend l’un des titres, la chronique fut rédigée la larme à l’œil. Rimmelé, ok…

Alice Cooper, Goes To Hell (Warner Bros. Records)

alice_cooper_goes.jpg

http://www.deezer.com/album/88612

https://www.youtube.com/watch?v=RciPGnWWzig&nohtml5=False

 

 

 

 

 

 


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