No one is Les Innocents ?

par Adehoum Arbane  le 02.11.2015  dans la catégorie A new disque in town

On dit souvent que seule la chanson prime. Par chanson il faut entendre le canevas de notes, d’harmonies et de mots qui forment ce que l’on appelle doctement une partition. Souvent, il suffit d’écouter une démo pour se rendre compte de son potentiel, son pouvoir d’attraction. La production n’est, à ce stade-là, qu’un vernis apporté – ultime étape – à l’œuvre en question. Le fond surpassant donc la forme. Certes, cette réalité demeure, mais il ne faudrait pas réduire une chanson à son être intime, son squelette primal. Ainsi, combien de titres gâchés par une production malhabile. Les années 80-90 en firent l’implacable démonstration. De l’autre côté de l’atlantique mais aussi en France avec, notamment, Les innocents dont les premiers succès, de par leurs choix esthétiques, furent trop rapidement classés dans le rock alternatif naissant aux accordéons omniprésents. C’est sans doute pour ces raisons-là – tenaces – qu’ils avaient été remisés un peu vite dans les tiroirs du mépris contemporain. Et voilà qu’ils en ressortent, frais comme des jouvencelles, dans leurs beaux habits pop à l’occasion d’un album – le dernier en quinze ans –, le fort joli Mandarine. Réduits au noyau atomique constitué de JP Nataf et de Jean-Christophe Urbain, Les innocents reviennent donc, les mains pleines de belles compositions, des tubes même, comme ils en ont le secret depuis leurs débuts. À ceci près, et la précision compte, que les dix nouvelles chansons arborent les subtiles enluminures de la pop anglo-saxonne, ce qui fera dire au rock critique avisé : « Mandarine sonne comme du Macca ». Et c’est vrai que Les philharmonies martiennes, Love qui peut ou Harry Nilsson ont ce petit quelque chose qui vous replonge avec délice, qui dans un Ram qui dans un Wild Life. Tout en conservant l’âme profonde du groupe qui avait su toucher son public en plein cœur. À quoi attribuer cette évolution stylistique ? Sans doute faudrait-il le leur demander mais il est possible d’apporter une réponse ou tout du moins, plusieurs axes de réflexion. À commencer par cette idée – un brin empruntée – de la maturité. Avec les années, l’expérience, l’écoute approfondie de l’ensemble des musiques populaires – d’hier et d’aujourd’hui – des songwriters du calibre de Nataf & Urbain ont choisi l’universalité pour que vivent leurs chansons. Mais pour ces créateurs aguerris, le besoin de se positionner par rapport à la nouvelle scène – ultra référencée dans ses codes – s’est-il fait sentir avec en plus, l’argument massue du « Hé, on était là avant ». D’où cette belle modernité de chaque instant. Il y a sans doute aussi et surtout chez ces fans transis des Beatles l’envie de retrouver le son de leurs premiers émois. Simple et légitime aspiration lorsqu’on souhaite léguer un magnum opus, même si Mandarine par sa simplicité ne prétend jamais l’être. La sagesse va souvent avec la plénitude de l’âge. Dans le détail, le nouveau matériel, comme disent les anciens possède un charme indéniable qui va au-delà de la production bien que celle-ci s’imposât d’emblée, dès la sortie de l’album. C’est il vrai la première chose que l’on salua. Aujourd’hui, à force d’écoutes patientes, savantes, on perçoit bien plus. Derrière le raffinement des arrangements, la beauté intrinsèque des mélodies. Mais aussi la force du texte ciselé comme il faut sans en faire trop. D’ailleurs, la comparaison avec les compositions anglo-saxonnes reste pertinente. Les mots y sont ajoutés au même titre qu’un instrument, sans rompre la logique musicale, même s’ils prétendent toujours, et à juste titre, raconter des histoires. Cette logique ouvragée trouve son point d’équilibre entre l’art de la formule qui fait mouche, de l’association iconoclastes des termes – Les philharmonies martiennes, Love qui peut –  et les vraies paroles – Harry Nilsson, Oublier Waterloo, Sherpa – dont les récits se déplient en même temps que les notes dans une symétrie parfaite. C’est un petit miracle qui ferait presque passer le Français pour la langue maternelle de la pop. C’est aussi le talent de nos deux compères, si peu innocents en la matière. L’alchimie qu’ils ont su trouver, les chansons qu’ils ont faites jaillir ont rassuré les fans de la première heure comme ils ont touché les derniers convertis, heureux de voir à quel point Mandarine fonctionne d’un bout à l’autre, que l’on peut siffloter chacun de ses refrains et dieu sait que l’album en compte. On aurait d’ailleurs presque oublié ce détail : Les innocents ont la science des chansons sincères et éternelles, efficaces et jouissives dans leur dimension chorale, et qui vous habitent longtemps après les avoir découvertes. Ces cœurs d’artichaut de la pop bien faite ont viré mandarine. Allez, pas de quartier : écoutez !

Les Innocents, Mandarine (Jive Epic – Sony Music)

les_innocents_mandarine-1erjuin.jpg

https://www.youtube.com/watch?v=t8NaESwHAh0

 

 

 

 

 

 


Commentaires

Il n'y pas de commentaires

Envoyez un commentaire


Top