Ce soir, La Boule Noire a des airs de Cavern liverpuldienne. La foule qui est venue encourager Useless Minds – jeune formation de l’est Parisien –, lors de cette 17ème saison du Fallenfest, se compose d’un bataillon de fans, garçons, filles, toute une jeunesse prête à en découdre. Alors que les groupes se passent le relais, branchant leurs instruments, la pression monte d’un cran. Jusqu’à littéralement exploser lorsque débute le set. L’assistance s’enflamme. Et pour cause. Malgré quelques scories dues à l’inexpérience relative du groupe, les chansons sont là, les refrains aussi. Useless Minds c’est la rage adolescente servie par la science du riff et un sens évident de la mélodie. C’est que le quintet a acquis au fil des mois et des répétitions ce qu’il faut de confiance pour emporter un auditoire vers des sommets d’enthousiasme débridé. Car d’un titre à l’autre, c’est bien l’électricité qui domine, qui séduit et transporte. À ce propos, notons le talent naissant du lead guitariste qui tronçonne des soli sans jamais rien perdre de sa calme présence ni de son élégance, véritable aimant à groupies ! Mais nous y reviendrons. S’y ajoute le large spectre de compositions naviguant habillement entre punk méchant et hard mélodique, dont les envolées et les climats tutoient parfois les rivages du progressif – mention spéciale à Jean-Baptiste Authier-Carcelen qui arrive à tirer de sa machinerie moderne des sonorités antiques de moog ermersonien. Puisqu’il est ainsi question du line-up, poursuivons les présentations. Leader, donc pilier du groupe, Rémy Rousselle occupe une place à part. D’abord en tant que guitariste rythmique compétent puis comme singer-songwriter bien que la composition relève du travail collégial. De son côté, Raoul Cappe n’a pas son pareil pour libérer au moment clé ces protubérances électriques qui déclenchent à coup sur les vivats. À la basse, Antonin Bellanger n’est bien évidemment pas en reste. Son jeu souple et élastique enrobe chaque note, sa présence noueuse et concentrée perpétue la grande tradition des bassistes patibulaires mais géniaux que sont Bill Wyman, John Entwsitle, Roger Glover, John Paul-Jones ou Pete Quaife. Quant à Yann Sanchez, son approche minérale de la batterie apporte ce liant qui contribue d’évidence à la cohésion scénique d’un groupe. Parlons des chansons. Certes, Useless Minds n’a pas encore écrit – je dis bien pas encore – son You Really Got Me, son No Fun à lui. Il n’en demeure pas moins que des titres du calibre de Take A Look ou She’s Mine possèdent un impact immédiat, une maturité qui pourrait surprendre s’agissant de musiciens aussi jeunes – attention, moyenne d’âge 17 ans ! Chose assez inédite, ces Esprits Inutiles – pas tant que cela au fond – osent la chanson en français dans le texte sur Tu manques à ma nation. Mais à chaque fois, ils privilégient le temps long pour installer leurs compositions, exigence atteignant son paroxysme sur Hate qui, fort de ses cinq minutes live, arrive à varier les tempos jusqu’à ralentir le pouls de la chanson au moment du refrain, criard et libérateur. Il y a là une compréhension la Musique dans ses moindres aspects et une certaine idée de la performance telle qu’on la vivait lors les grandes messes seventies. Étonnant de constater aussi que chaque musicien arbore sur son t-shirt sa filiation rock, Led Zep pour le claviériste, les Clash pour le lead singer et un Death Metal aux sinistres augures sur celui du bassiste. C’est la force de cette génération mp3 qui a découvert, comme on siffle un bourbon d’un trait, tout le corpus des musiques populaires dont le rock, le punk et le métal font évidemment partie. Découverte frontale qui leur permet de tout assimiler sans le moindre apriori. Curiosité béante enfin qui les autorise à toutes les intégrations possibles, à contraster leurs morceaux, enrichissant leur palette de couleurs inédites qui sauront, à n’en point douter, toucher un auditoire certes juvénile mais toujours avide de nouveaux sons, prêt à vivre des expériences que la transcendance vient dès lors légitimer. Pour qu’un simple moog, un chœur ou une échappée à la guitare les éloigne durablement de la musique mainstream, cible des 10-14 ans. En la matière, ces kids sont d’ores et déjà des chefs.
Useless Minds au Fallenfest, demi-finale de novembre à décembre (Petit Bain & Divan du monde)
Commentaires
Adeline
21.10.2015
Bel hommage, ciselé et poétique, pour ces jeunes bourrés de talent et d'énergie. Ils seront en demi finale du Fallenfest le vendredi 11décembre, au Petit Bain dans le 13e.