Gypsy, le contretemps des gitans

par Adehoum Arbane  le 03.08.2015  dans la catégorie C'était mieux avant

On a tout à craindre lorsqu’un groupe ayant débuté dans les affres du psychédélisme mordoré vire aussitôt mainstream. Gypsy est l’une de ces formations mineures qui fleurissent à la toute fin des glorieuses sixties et s’épanouissent tout de go durant les abondantes seventies pour ensuite disparaître. La décennie qui voit l’industrie s’imposer, est cruelle. Après deux excellents Lp en 70 et en 71 baignant dans un prog rock limpide aux morceaux étirés– mais toujours lisibles –, Gypsy simplifie sa formule tout en conservant son charme primal. Et sort en 1972 son troisième opus, Antithesis, clin d’œil sémantique comme pour assumer cette évolution stylistique. Avec en filigrane une tracklist conséquente qui arbore cependant des morceaux plus courts, visant clairement les ondes. Alors que beaucoup de ses contemporains se perdent en route, embrassant le plus souvent les atours de la mièvrerie, Gypsy négocie admirablement bien ce virage. Si le quintet de Minneapolis propose toujours des titres nerveux, à la lisière du hard alors en vigueur des deux côtés de l’Atlantique, il donne à ses nouvelles chansons une couleur plus pop. Les tempos sont variés, les inclinations pour le groove savamment distillées et les refrains séduisants. Antithesis ne déçoit pas, bien au contraire ! Sans jamais atteindre le perfectionnisme formel de Steely Dan ou même son inspiration, il démontre malgré tout un savoir-faire certain dans son aptitude à accrocher l’auditeur, car c’est bien de cela dont il s’agit. L’objectif, le crédo absolu de tous les groupes rêvant à un avenir qui passe irrémédiablement par la case "charts". Dès l’entame – l’irréprochable  Crusader –, la magie opère. Sans relâcher la pression, les musiciens, confiants, enchaînent sur Day After Day et ses quelques notes de fender obsédantes, soul en diable. Tout est parfaitement en place dans ces trois minutes quinze de pure pop admirablement bien ficelée, l’âme en plus. Si The Creeper s’apparente au rock le plus conventionnel, non sans qualité, c’est du côté du trio final qu’il faut aller chercher quelque satisfaction – quel bel euphémisme ! Facing The Time, d’abord. Avec son introduction folle à batterie, ourlée de basse, débouchant sur un mini solo de guitare des plus ravageurs. Le morceau brille par son sens du rebondissement permanent, sa tension palpable et son électricité libératrice. Puis vient Lean On Me, la ballade. Début sobrement joué au piano, doublé d’orgue, la voix arrive, caressante. La mélodie, elle, balance ses accords avec élégance et retenue. À ce moment précis, Gypsy rivalise avec le meilleur de la scène de Laurel Canyon grâce à une parfaite chanson de singer-songwriter. La face A se termine sur le vrombissant Young Gypsy, morceau-écho au Gypsy Queen du premier album. Les riffs sont lourds, presque deep purpleiens. La face b quant à elle démarre sur un mid-tempo des plus convaincants, Don’t Bother Men, dont les chœurs et la voix, dans un style qui doit beaucoup à Rod Stewart, en font un morceau d’ouverture idéal. On retrouve ce feeling lamé de piano et de claviers funky en tous genre. Si les morceaux ne sont pas tous des classiques, loin s’en faut, on découvre dans cet acte II de Antithesis d’autres motifs de joie indicible. So Many Promises, sans mauvais jeu de mots, tient largement ses promesses, quant au morceau titre, on tient là la deuxième plus belle ballade du disque. Une fois n’est pas coutume l’orgue domine, classieux et roboratif. Gypsy n’oublie jamais la formule que les musiciens ont trouvé, à savoir une pop sentimentale et virile, east coast quoiqu’enluminée de soleils californiens. Les deux dernières chansons, Edgar (Don’t Hoover Over Me) et Money, possèdent moins de force et de subtilité bien que d’une redoutable efficacité, surtout cet Argent déployant tout du long ses climats mélodramatiques. Bien évidemment, et c’est avec tristesse, que ces mots-là sont pesés : le groupe ne connut pas le succès qu’il aurait dû amplement mériter bien qu’il fut signé sur RCA Victor. Après les choses vont se gâter et Gyspsy de migrer vers un son proche de Chicago, tous cuivres dehors. Loin de ce Antithesis à l’équilibre remarquable, à la confondante clarté. Et qui pourrait hélas se résumer ainsi : thèse, antithèse, parenthèse.

Gypsy, Antithesis (RCA Victor)

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https://www.youtube.com/watch?v=8qplF8Wk4Vc

 

 

 

 

 

 


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