Magma, danse sur le fil

par Adehoum Arbane  le 23.02.2015  dans la catégorie A new disque in town

Le poète Pierre Reverdy affirmait : « le cœur n’est jamais si bien en équilibre que sur un tranchant d’acier. » Ces mots, cette quête ardente autant que permanente – l’équilibre donc – semblent correspondre en tout point à la musique de Magma. Au premier abord, un équilibre entre un passé – livré et assumé – et un présent en construction. Équilibre aussi entre les forces en présence qui structurent le répertoire du mythique groupe de Christian Vander. Ici, Slag Tanz. Morceau qui existait déjà dans les premiers âges magmaïens sous une forme inachevée, le plus souvent joué sur scène, et qui voit le jour quatre décennies après. Malicieux, Vander se plait ainsi à revisiter l’intarissable matériau musical dont le corps grandit en parallèle de la formation, se fortifiant année après année. Rien que le nom de cette danse-là suggère l’idée d’architecture ou de diptyque. Slag renvoie par sa sonorité en couperet à la geste vanderienne, ce coup de cymbale seul capable, aux dires du batteur, de tuer tout un auditoire. Tanz, quant à lui, fait immédiatement songer au Tanz Der Lemminge de Amon Düül II et rappelle quelque chose de plus caressant, d’égyptien même. Place maintenant à la musique ! Pour compléter le thème d’origine, Vander a réalisé un important travail d’écriture, s’attelant aux parties vocales qui donnent habituellement à Magma sa couleur si particulière. Complexité renforcée – l’exigence d’équilibre devenant dès lors primordiale – par le mariage étonnant mais harmonieux entre le kobaïen et le français. Vander avait déjà tenté cette incursion de sa langue natale, notamment à l’époque des concerts de Bobino mais aussi à travers divers projets parallèles, comme les voix de Magma. Cette confrontation sert incroyablement le propos d’autant que Slag Tanz balance entre deux tonalités, la dimension martiale du thème vocal principal, magistralement harangué par Hervé Aknin, et les parties plus doucereuses, leadées par l’incontournable Stella Vander. Les deux langues s’entremêlent au gré de l’inspiration, jusqu’à se fondre dans un ensemble harmonique des plus homogènes. Et la musique de suivre une logique identique : des passages inquiétants où la section rythmique Vander-Bussonnet fait merveille et d’autres, ruisselant de fender rhodes et de vibraphone, tapissés ensuite de lignes subtiles de guitare. Équilibre enfin qui touche à l’équation humaine. C’est dans la formation qu’il faut trouver cette ultime clé de compréhension de l’univers magmaïen : cette association tacite entre le masculin et le féminin. Dans sa toute première incarnation, Magma était un groupe exclusivement constitué d’hommes. Non qu’il fallait y voir une quelconque forme de sexiste. Les circonstances en avaient décidé autrement. Puis, il y eut la rencontre avec la jeune chanteuse Stella. Parce qu’elle avait déjà goûté au succès sans jamais céder à ses sirènes, celle-ci souhaita réorienter sa carrière. Son intégration au collectif Magma scellera son destin. Jusqu’à aujourd’hui, donc. Ajoutons au passage que Magma a également trouvé un équilibre solide entre ancienne et nouvelle garde qui insuffle, tant sur scène qu’en studio, une énergie musicale rare de nos jours. On pourrait cependant objecter à Vander que sa dernière proposition, bien qu’intense, touche les limites de son format mais c’était sans préciser qu’avec Slag Tanz, le compositeur réitère la même démarche que sur Rïah Sahïltaahk, soit réarranger et enregistrer selon les canons actuels du groupe des pièces, non des albums à part entière, venant ainsi naturellement s’ajouter au répertoire officiel du groupe. Comme s’il s’agissait du minuscule morceau d’un puzzle bien trop grand qu’il faudrait prendre du recul pour en contempler toute la majestueuse splendeur. Ceci, certainement, au prix d’une toute relative frustration, jusqu’à ce que Magma nous revienne avec un nouveau projet discographique qui fera couler beaucoup d’encre en même temps qu’il déversera son éternel ressac de notes et chœurs. En attendant – l’avenir étant par définition ouvert –, jetons-nous en pâture, corps, cœur et âme tout entier, aux musiciens et entrons avec eux dans la danse ; celle-ci n’a pas fini d’exercer sur nous son éternel pouvoir de fascination. 

Magma, Slag Tanz (Seventh Record)

slag tanz.jpg

http://www.deezer.com/album/9476236

 

 

 

 


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