Joel Jerome, presque un nom

par Adehoum Arbane  le 23.12.2014  dans la catégorie A new disque in town

Quand il n’est pas le déversoir de la médiocrité humaine, l’Internet peut parfois réserver d’heureuses surprises. Oubliez vos lol cats falots et autres statuts de Narcisses contemporains. Il ne s’agit pas plus de disserter en boucle sur des gifs animés. Joel Jerome est le sujet qu’il faut aborder, explorer, pousser sans à priori ni fantasme. Pas vraiment EP, pas encore LP, Babies On Acid, le premier effort du monsieur livré il y a quelques mois, possédait déjà la vertu – somme toute réjouissante – d’éveiller la curiosité. Car tout adepte du système D qu’il soit, Joel Jerome reste un talent en devenir. Son presque album sonnait comme une promesse. Ses chansons avaient le bon goût de faire saliver. Pour paraphraser le rockeur et homme de presse Alister, Jerome donne dans « la power pop généreuse, harmonique, courte. » Il y a dans ces sept titres – le huitième est une reprise des Beatles – une évidence, une empreinte directe. Comme si nous avions déjà entendu mille fois ces chansons passées sur les transistors de nos salles de bains embuées, de nos voitures autoroutisées. Joel Jerome a le mojo en lui, d’abord une culture certaine qui l’a amené à digérer l’ensemble du corpus pop des quarante dernières années. Il possède également, et ce n’est pas rien, le savoir-faire de l’interprète, du musicien débrouillard qui adore plus que tout passer des heures en studio à bidouiller ses chansons, changer un branchement, oser un réglage qui enverra sa compo dans les cieux. Tant qu’il y met le prix, ce lieu devient son temple. Aujourd’hui par nécessité, le home studio sous mansardes a remplacé tous les Abbey Road de la terre. Revenons un peu aux chansons, attardons-nous comme des ados attardés, amoureux fervents de refrains immédiats, sur ces courtes vignettes insolentes de vivacité, de culot et de perfection. Certes, l’homme pourrait subir l’écueil dans lequel patauge Mayer Hawthorne ou Raphael Saadiq, celui d’un revivalisme grégaire, mais sa paisible décontraction et son envie de faire plaisir avec des refrains classieux emportent vite l’adhésion. Le charme, voilà le mot magique ! L’énergie qui se dégage de cet enregistrement aura sans doute laissé plus d’un concurrent sur le bord de la route, rageant de n’avoir pu dénicher pareille martingale mélodique. De ces titres d’égale qualité on peut toutefois mentionner Slumber Party Mass, Grrrl ou encore Everyday qui témoignent du talent naturel de notre ours pop dont le physique, massif, et la barbe, broussailleuse, font aussitôt songer à Bob Hite de Canned Heat. Au total, vingt minutes nécessairement frustrantes mais qui constituent le formidable teaser de son premier album, sorti lui à la rentrée. Et de retrouver ainsi Joel Jerome pas tout à fait tel que nous l’avions laissé. Le voilà dorénavant accompagné de Psychedelic Thriftstore Folk – quarante deux minutes et huit secondes au compteur – pour lequel il a repris certaines de ses récentes compositions nanties pour l’occasion d’arrangements nouveaux. Si le son s’est considérablement étoffé, reste un art consommé de l’écriture et cette impression plaisante de se sentir en terrain connu. Il en va ainsi de I Know It's Wrong, My Face On Your Head ou Stay In Bed. Même si l’ensemble a perdu de sa spontanéité, on ne peut s’empêcher d’aimer et de valider l’entreprise « psychédélique » de Joel Jerome qui, contre vents et marrés, poursuit son gros bonhomme de chemin. La confiance qui née de la signature d’un vrai contrat – même s’il rejoint un petit label – ouvre par définition une brèche – en langage marketing des perspectives – dans laquelle Joel Jerome ne manquera pas de s’engouffrer. Trop souvent l’isolement de l’artiste l’empêche de s’émanciper. Désireux de tout contrôler, ce dernier s’interdit toute délégation – un producteur – et collaboration – un groupe –, apportant leur lot de surprises et de moments de grâce créative. Personnage infiniment généreux, Jerome saura à n’en point douter faire bon usage de ces nouvelles possibilités pour reproduire ce pour quoi il est fait : écrire, jouer et enregistrer de bonnes chansons. 

Joel Jerome, Psychedelic Thriftstore Folk (Manimal Group LLC)

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http://www.deezer.com/album/8668613

 

 

 

 

 

 


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