Marie Flore, my baby just wrote you a letter

par Adehoum Arbane  le 15.09.2014  dans la catégorie A new disque in town

Chère Marie Flore,

Lorsque mon papa a posé ton album pour la première fois sur la platine, je dois bien te l’avouer, j’ai lâché un "Ouah" de jubilation. Car malgré les deux ou trois borborygmes constituant la base de mon vocabulaire de petite fille de dix neuf mois, je suis quand même capable d’aligner des concepts assez poussés. Ainsi, je peux le dire aujourd’hui, By The Dozen est sans doute, à l’heure où nous parlons, le dernier vrai album de rock’n’roll. Il y a dans les dix plages – on dit comme ça ? – qui forment la trame de ce premier disque très réussi de bien belles parties de guitares. Velvetiennes – j’ai emprunté l’expression à mon papa – comme sur All Mine qui arracherait des frissons de tendresse à l’ogre de Charles Perrault. Je sais, ce sont un peu mes références du moment. À ce propos, je trouve la production très soignée, celle-ci confère à ton album une réelle modernité là où tant de groupes de rock jouent la carte d’un revivalisme pantouflard. Les quelques touches d’orgue ou de piano, les discrètes interventions de cuivre comme sur le morceau final, Nikolaj The Second, ajoutent même une couleur pop qui ne dénote en rien avec les options plus urbaines de chansons comme, allez, Number Them ou Shifting Sand. Les guitares, j’y reviens, ne sont jamais bien loin même quand des synthés tentent une percée. Low Dark Crowd demeure à mon humble avis couche culotté un titre emblématique de cette quête d’un son disons, sans causer pompeusement, contemporain. Chez toi, la six-cordes se décline sous toutes ses formes, sautillante et enlevée sur Empty Walls, dénudée sur le très pénétrant morceau éponyme. Quand je disais que le rock était mort, n’y vois pas un sombre présage, une prédiction arrachée à je ne sais quel calendrier Maya. Les miens sont plutôt peuplés d’abeilles et de scarabées, grâce à mon papa. J’entendais par là que tu réhabilites un esprit qui parfois a tendance à se perdre lorsque l’on se penche sur la production actuelle, trop eighties à mon goût. Il y a dans ta musique une incarnation, une chair frissonnante comme celle, potelée, de mes bras. Mieux ! Tu choisis aussi de t’exprimer dans la langue de Dylan, Bowie et Joey Ramone, cet anglais qui est en train de se faire doubler par la langue de Christophe et de Jacno. Elle reste cependant la voix sacrée d’un rock indémodable, indéboulonnable même. Tu t’y installes pour raconter des histoires d’amour universelles qui crèchent – ah ah ah – pour longtemps dans nos petites têtes blondes, rousse pour ma part. Et ton timbre, parlons-en, de ton timbre ! Enveloppant comme une couverture, doux, doux, si réconfortant qu’il éloigne loin de vous ces cieux chargés de cauchemars qui sont un peu la hantise des petits enfants. Cette association me fait ainsi songer à cette tradition de la meilleure pop anglaise, ces comptines dont on retrouve l’esprit dans certains disques de papa, Pink Moon, Joy Of A Toy ou le très beau 1969 de Julie Driscoll pour ne citer que ces œuvres. Mais pour en revenir à la théorie développée plus haut, oui, et c’est mon papa qui le dit, nous assistons sans doute à la mort programmée du rock. Il m’a souvent parlé de Lou et j’ai longtemps cru que ce type était grand et méchant avant de découvrir ses sucreries bananées sur pochette. Il nous a apparemment quitté cette année. J’étais trop petite pour m’en souvenir. D’autres viendront, hélas. Le rock expire et toi, impériale, tu ressuscites une dernière fois son fantôme, tu remets le mythe sur le devant de la scène et avec quel souffle ! Vivant, turbulent même. Marie Flore, tu es un peu ma Mary Pop In à moi. Franchement, ton premier album a fière allure ! Juré, il va remplacer mon best of d’Annie Cordy sur l’étagère clairsemée de ma bibliothèque rose. Allez, pour rester sérieuse deux minutes, je résumerai les choses ainsi : By The Dozen c’est dix morceaux, trente deux minutes à l’ancienne. Bref, la classe.

Bisou,

Apolline. 

Marie Flore, By The Dozen (Naïve)

Marie-Flore-By-The-Dozen-600x600.jpg

http://www.deezer.com/album/8273456

 

 

 

 

 


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