Combien de féministes hystériques nous les ont brisées menues en voulant imposer aux forceps ces balivernes sémantico-technocratiques que sont la parité à tous les étages et l’égalité dans la dissolution des genres. L’objet du scandale : le rock serait affaire d’hommes, le riff ne serait que la mâle expression d’une supériorité patriarcale ou maritale (c’est selon) ? Mesdames les frangines, autant vous le dire tout net, vous faites fausse route ! Nombreux sont les exemples de femmes ayant investi le monde certes cloisonné de la pop culture. Et s’il fallait se pencher sur la question ne serait-ce qu’une seconde, deux noms évidents viendraient illico à l’esprit : celui de Janis Joplin, d’abord, qui fut et restera pour l’éternité la grande prêtresse hurleuse – pasteur au féminin – du néo blues américain ; citons également Carole King qui, avant de se lancer dans une brillante carrière solo, se révéla aux côtés de Gerry Goffin comme l’une des songwriters les plus prisées par la crème du nouveau rock californien. Si l’on pousse le vice – oups – de la réflexion un peu plus loin, notre choix ne se portera pas sur ces deux femmes des années soixante, soixante-dix. Mais plutôt vers Heart, formation américaine installée à Vancouver, qui emporte à l’évidence la partie. Au moins pour plusieurs raisons irréfutables. La première tient à une réalité peu courante dans le microcosme rock’n’rollien mais pas antinomique avec la thèse, au contraire. Derrière Heart se cachent deux sœurs, âmes inspiratrices du groupe, et trois musiciens masculins faisant quasi office de backing band. Ici donc, les rôles sont inversés. Détail non négligeable à ce stade de la démonstration, les sœurs Wilson – Nancy & Ann – officient à des postes fondamentaux s’agissant d’un groupe de rock : guitare et voix. Cela étant dit, les unes et les autres peuvent se détendre. Deuxième objection à nos "Femen" du rock : malgré un patronyme emprunt de niaiserie apparente, un logo et un artwork à la limite du sirupeux, Heart délivre sur son premier effort –Dreamboat Annie – un hard rock FM efficace teinté de pop, alternant riffs graisseux et balades folk cotonneuses. Ainsi, nos deux consœurs enchaînent non sans facilité les exercices raffinés – typiquement féminins – et les démonstrations de force habituellement dévolues à la gent masculine. En témoignent le fauve Sing Child et l’enfiévré White Lightning and Wine ainsi que les cajoleurs Soul Of Sea, tout en majesté, et le fort bien nommé (Love Me Like Music) I’ll Be Your Song. Dernier motif de réconciliation entre ovaires et spermatozoïdes, les tubes. Non contentes de produire des compositions plus que décentes, voire totalement fascinantes, Nancy et Ann Wilson bombardent l’auditeur de singles en cascade : Magic Man en ouverture – déjà on défaille – puis Crazy On You, tour à tour romantique et fulminant, sans parler du magnifique morceau titre décliné en trois thèmes ; royal ! Avec ce panégyrique, il ne faudrait pas oublier un personnage central dans l’édifice de ce premier album aux allures de classique immédiat : certes c’est un homme et il s’appelle Mike Flicker. Cependant, sa science de la production et de la pop magnifiquement calibrée aura à n’en point douter donné corps aux idées déjà bien avancées des deux paires de chromosomes X. Les dix morceaux font preuve d’une grande variété d’instruments et d’une richesse de climats qui n’ont fort heureusement pas nui au succès du disque. On y trouve pour notre plus grand bonheur des guitares bien sûr mais également des pianos accompagnés de synthés, des flûtes tulliennes en diable, des cordes parfois ourlées d’orientalisme rêveur, des percussions aux tintements d’Eden. Tous ces efforts portèrent leurs fruits qui virent Dreamboat Annie occuper la septième position dans les charts américains, placer trois hits dans le Billboard Hot 100 et s’écouler à plus d’un million d’exemplaires. Ce que l’on appelle dans le métier un disque de platine. Blond platine mais pas que. Mesdames, vous pouvez ranger vos bréviaires pétris de novlangue ainsi que vos savants appareils à émasculation. La main sur le Cœur, votre honneur est sauf.
Heart, Dreamboat Annie (Mushroom Records)
https://www.youtube.com/watch?v=fW34QQuL2gU
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