Comme toujours, je suis en avance. 30 minutes pour être exact. Je prends mon mal en patience dans la douceur qu’exhale déjà mars, bien que la nuit soit tombée. Je suis devant le 44 de la rue Letellier. Comme le nom du commissaire incarné par Belmondo dans Peur sur la ville. J’en frissonne. Bientôt 20 heures. Un coup de fil à Laura, l’attachée de presse d’Erwann Corré, grand leader timide du collectif pop De La Jolie Musique. Elle me donne le signal tant attendu. J’ouvre la grande porte cochère, traverse la cour muette mais éclairée puis passe la porte du bâtiment niché dans le fond. Trois étages à gravir. Une peccadille. Saisi par l’émotion d’une rencontre dans l’antre, donc dans l’intimité de l’artiste, j’en oublie le palier – de décompression – où j’atterris. C’est alors qu’une douce musique serpente jusqu’à mes oreilles, quelques motifs de guitare acoustique. Je me mets à les suivre un peu comme on piste le fumet délicat et alléchant d’un bœuf bourguignon dans une cage d’escalier. Une poignée de minutes et de mains après, me voilà avec l’homme, enfin ! Ce dernier vit dans une sorte de garçonnière adolescente, joli fatras d’objets, d’instruments, matériel hi-fi, vinyles, CD et autres trésors que l’on a l’habitude de chérir précieusement. Laura finit par nous rejoindre, nous discutons de choses et d’autres. Je sors les instruments de torture, Caroline mon dictaphone et ma longue liste de questions à tiroirs. En battant le rappel de ces longs points d’interrogation dont la fonction est d’ouvrir les portes du cerveau d’Erwann Corré, je songe à l’album, au concert du motel, à mes souvenirs musicaux et autres madeleines pop. Le fait de confronter ces impressions avec les films et vinyles du bonhomme me conforte dans chacune de mes intuitions. La pop culture ne se résume pas seulement aux Beatles, elle englobe un amoncèlement de références que les poussières n’ont pas fait toutes disparaître. Je distingue en balayant l’espace du regard un Spielberg par ci, un Ridley Scott par là, des galettes françaises et pointues, Jacno, Taxi Girl, Bijou que nous passerons plus tard. Pour l’heure, Erwann Corré en fan absolu est en train d’écouter le dernier Beck. Nous l’évoquons sans fard avec force précisions, notamment celle du format vinyle qui donne il est vrai au disque une amplitude assez incroyable. La musique occupe littéralement les lieux. Dans tous les sens du terme. Pas un centimètre carré qui n’échappe à ces arpèges alors qu’un mini clavier se repose, éteint, sur une pile bringuebalante. C’est aussi cela De La Jolie Musique. Un côté "dévolu à la pop" qui n’est pas pour me déplaire. On se croirait dans la cellule d’un moine enlumineur. Façon Nom de la rose. Sans esbroufe, Erwann Corré mène une vie entièrement consacrée à son projet et cela se ressent ; il respire ici un doux parfum de travail et de contemplation. De méditation et de mélodies heureuses quand les doigts agrippés aux cordes de la guitare ont l’intime conviction d’avoir trouvé LA pop song ou tout du moins son point de départ. Ce qui est déjà beaucoup quand de nombreux apprentis popeux courent après ce graal éternel. Celles d’Erwann ont cette magie un brin alambiquée, cette honnêteté du hasard, corolaire de ses nombreuses rencontres au sein de son groupe ou dans sa tête. Pour percer ce mystère, partager ses moindres secrets, rien de plus simple : il suffit de le lui demander.
Shebam : Tu sors ton premier album après de longues années de production home made. Crois-tu en ces vers de Nicolas Boileau : « Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage, vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage » ?
Erwann Corré : Oui j’y crois. Je développe. C’était un projet auquel je croyais depuis le début : c’était ancré. Cela ne servait à rien d’abandonner en cours de route. Au moment où j’aurais pu abandonner pour plein de raisons, c’était devenu très concret. J’avais tout le disque. Je n’avais plus qu’à trouver les gens pour le sortir. Donc oui. Quand on a une idée que l’on estime bonne, il ne faut pas la lâcher. C’était bien cela la question ?
Shebam : Oui. Et en plus le projet n’a pas changé de nom. C’était déjà De La Jolie Musique depuis les prémices…
Erwann Corré : Oui. Avant, je faisais de la musique pour moi. De La Jolie Musique c’était le concept de départ. Très vite je me suis dit que cela s’appellerait De La Jolie Musique, que ça irait vers ça – même si cela a changé avec les années –, et que ça sonnerait comme le dernier album de Blur. C’était ça l’idée originelle. Maintenant que l’album est sorti, je le penserais bien autrement. En restant dans la formule De La Jolie Musique mais en faisant quelque chose de différent.
Shebam : Dès les débuts donc, tu as accepté, puis privilégié le français au détriment de l’anglais et de son potentiel mondialisé. Quelle en est la raison ?
Erwann Corré : C’est vrai qu’au moment où j’ai lancé De La Jolie Musique avec tout le monde, où le concept a germé, pas les compos, mais bien cette idée de collectif, de produire de la pop sautillante, changeante, chorale, de la vraie pop en français, il n’y avait pas vraiment de groupes français comme ça. Certes, il y avait des collectifs comme FFF mais on ne trouvait pas de choses à l’instar de Petit Fantôme, Frànçois and The Atlas Mountains. Enfin, ils étaient là mais au même stade que moi. On avait Dionysos ! Avec eux, tu prenais une petite claque. Et encore Dionysos commençait à tourner gros mastodonte. Alors que ses premiers concerts… Ça a été un déclic, Dionysos. J’ai beaucoup envié leur musique car c’est ce que j’essayais de faire à la même période. Sauf qu’eux étaient vraiment beaucoup plus avancés dans leur réflexion que moi. Tu sentais que les mecs étaient fans de Beck [Son dernier album continue de passer sur la platine au moment où il répond – NDLR]. À un moment donné, il n’y a que ces mecs-là : Dionysos, des phénomènes comme Dominique A. C’était quoi la question ?
Shebam : Le français…
Erwann Corré : Ah oui ! Pourquoi ? Bah, j’aime bien. Et puis je ne me sentirais pas de débouler et de parler anglais pendant un concert. Ça ne serait pas du tout logique. C’est aussi pour parler aux gens. C’est pour ça que je fais de la musique. Moi je suis français. Ça ne me dérangerait pas de chanter en anglais. Mais par rapport à mon projet je serais mal à l’aise.
Shebam : Du coup on évoquait cette scène pop qui est en train de s’installer, voire de s’imposer. Des groupes comme Aline, Granville s’exprimant dans leur langue natale et qui commencent à faire parler d’eux. Était-ce inéluctable ? Et comment arrives-tu à te situer toi qui est arrivé un petit peu avant et encore…
Erwann Corré : Encore Aline avant c’était Dondolo. Moi j’étais super fan ! Romain Guerret m’avait dit une fois en off « la folk c’est de la merde ». Et je lui avais dit « t’es con, Dondolo c’était génial ». Pour répondre à ta question, tout le monde était vachement frustré. Il manquait plein de couleurs. Il y avait déjà beaucoup de choses nouvelles mais tout le monde chantait en anglais ! Moi ça me frustrait vachement. D’où le fait d’avoir un groupe et un album en français qui tiennent la route. Il se passait plein de trucs super mais avec des formations anglophiles. Tous mes potes, quoi ! Il paraissait évident que le français prenne le dessus. De nombreux groupes ont fait avancer le schmilblick, même ceux que les gens méprisaient comme les Naast, les Shades. C’est des mecs qui ont amené des trucs super importants. Mine de rien, ça ne paraît pas comme ça. Moi j’avais les boules, car ces musiciens étaient plus jeunes…
Shebam : Peut-être un peu inexpérimentés aussi…
Erwan Corré : Mais au final, c’était des bêtes de scène ! Les chansons étaient super bien écrites. Ils ont débloqué beaucoup de choses. Mais tout le monde était en train de réfléchir dans son coin à la possibilité d’un projet en français. Ces artistes ont aussi accepté le fait que pendant les années 80 il se passait des choses intéressantes. Il y a eu ce revival Jacno, Taxi Girl. Tout cela a guidé les groupes vers une autre idée de la composition, d’envisager les textes d’une autre manière, de se dire que Marc & Robert des Rita Mitsouko était en définitive un album génial. D’ailleurs il n’y a pas beaucoup de gens qui citent les Rita dans toute cette nouvelle vague. Leur contribution a été essentielle.
Shebam : Tu parlais du français comme un moyen de toucher le public. Quand on écrit en français, y-a-t-il une obligation de faire sens ? Quand tu écoutes La Femme, ils ne racontent pas forcément une histoire, les paroles participent à l’esprit expérimental de la musique et ça fait très bien son job. Préfères-tu entrer dans une logique narrative, littéraire ou la parole serait, j’allais dire, un instrument parmi tant d’autres ? [Erwann change de face – NDLR]
Erwann Corré : Oui. En plus la Femme, c’est un concept album : Mémoire Tropical Berlin, euh Psycho Tropical Berlin (Rires). Cela me fait beaucoup penser à ce que j’essaye de faire dans la narration. Dans mes dernières compositions, il n’y a plus cette logique de savoir quel est le texte, quel est la musique. C’était vraiment un entremêlement des deux. J’ai pas mal d’idées sur les textes mais je suis musicien avant tout. Je suis content d’avoir trouvé un processus qui fait que textes et musique fonctionnent. Je ne suis pas persuadé que les paroles seules soient intéressantes. J’aime bien mais je ne dirais pas que c’est très écrit. Il y a vraiment, vraiment…
Shebam : Une bonne harmonie ?!
Erwann Corré : Oui. J’ai mis beaucoup de temps à faire ça. En ce moment, pour tout le monde, il y a un feeling ente la musique et les textes en français qu’on n’a pas vu pendant longtemps et que l’on trouvait un peu durant les années 80. Voire dans les années 70. Et puis il est arrivé un moment où ça s’est un peu perdu.
Shebam : Écriture, production : es-tu le Belmondo de la pop, un solitaire, ou un Zidane, c’est-à-dire un capitaine amoureux du collectif ?
Erwann Corré : (Rires) Je ne sais pas. Il est pas un peu solo, Zidane ?
Shebam : Le coup de boule était sans doute un peu trop perso (rires) !
Erwann Corré : Je serais plutôt un solitaire mais j’aime bien être entouré. Pareil, Belmondo il est super bien entouré…
Shebam : C’est vrai !
Erwann Corré : … Sinon il ne ferait pas grand chose. Peut-être a-t-il un ego surdimensionné comme Zidane. Zidane il fait quoi maintenant, des pubs ? (Rires). Moi j’ai toujours fait de la musique pour faire participer les gens. Évidemment, il y a de l’ego dans tout ça, quelque chose de très solitaire. Et puis cela me permet de ne pas être isolé à certains moments. Surtout lorsque les gens sont là, que c’est la teuf ! C’est là qu’il se passe musicalement plein de trucs.
Shebam : C’est cet esprit collectif que tu évoquais tout à l’heure et qui et la colonne vertébrale de ton projet…
Erwann Corré : Ouais mais à un moment donné, tu es obligatoirement seul face à tes démons. Frànçois de Frànçois and the Atlas Mountain a livré cette jolie phrase dans Magic. Sa mère lui avait dit : « Tu as trouvé la musique, tu ne seras plus jamais seul ». Ben, ce n’est pas faux.
Shebam : C’est vrai… C’est une très belle citation.
Erwann Corré : J’ai trouvé ça très juste. Il a dit de belles choses dans Magic.
Shebam : Comment commence une chanson de Erwann Corré ? [Alors que commence une nouvelle chanson de Beck – NDLR]
Erwann Corré : La création ? Ça se passe en deux temps. Ça commence toujours par une idée de production. À force de faire de la musique, j’ai des mélodies qui arrivent tout le temps, en permanence. Après est-ce que je les enregistre ou pas, c’est toujours le dilemme. Je choisis de ne rien enregistrer. Avant que les mélodies n’arrivent non stop, que je me dise « ça, ça marchera super bien », c’est surtout des idées de production qui me permettent de composer. Parce qu’au départ, tu fais des compos et c’est nul. Puis tu aimerais bien que cela ressemble à Robert Wyatt. Et le fait de se dire cela te fait composer différemment. Après, il y a une deuxième étape : dès que je trouve une phrase un peu forte ou qui me plait, je la note ou pas. Quand elle revient c’est qu’elle devait revenir. Mais je prends des notes quasiment tout le temps. Cela me permet de partir sur un texte. Peut-être cela ne débouchera jamais sur rien. En fait, je peux prendre des phrases qui me plaisent vraiment et les échanger contre des phrases moins bonnes à l’intérieur même d’un texte. Brassens bossait comme ça en fait. Il avait son petit carnet dans lequel il inscrivait toutes ses belles phrases, toutes ses idées. Puis après il partait sur une phase plus narrative puis il venait faire du jump cut. Mes textes relèvent parfois du jump cut. Parfois il n’y a pas de logique. Mais il y a toujours un thème de base, ce n’est jamais abstrait. Chaque chanson de Mémoire Tropicale veut dire quelque chose de bien précis. Après, chacun est libre d’essayer de trouver. Mais cela n’a pas ni queue ni tête ! Quand le texte est à plat, tout est très clair.
Shebam : As-tu un instrument, une marque ou un modèle de prédilection ? Dans l’absolu ou au moment où le processus d’écriture se met en place.
Erwann Corré : Hum… C’est surtout la guitare car je l’aie toujours sous la main. Mais je n’aime pas trop en jouer, étonnement ! J’aime bien le piano mais je n’en ai pas. L’instrument de prédilection qui s’est en fait imposé, ça a été l’ordinateur. C’est surtout le moyen qui m’a permis d’arrêter de faire de la chanson française couplet-refrain, tu vois. Ça m’a vachement ouvert. Ça a été le gros instrument ! Le fait de pouvoir couper, de n’utiliser qu’un thème. La première fois que j’ai eu un ordinateur entre les mains, ça a complètement changé la donne. Ça sera ça !
Shebam : Les possibilités infinies…
Erwann Corré : Ouais et puis la possibilité de déconstruire ! Ça amène une logique de travail : maintenant je ne compose plus du tout de la même manière et je n’ai plus besoin de l’ordinateur pour déconstruire. Comme sur Plein Soleil, un morceau qui n’a ni couplet ni refrain – ce ne sont que des thèmes – ou même Elisa Chiou. Elisa Chiou c’est le premier morceau qui a créé un déclic de composition définissant le style De La Jolie Musique. Sans Elisa Chiou il n’y aurait jamais eu de titres comme Plein Soleil, comme Lila bien qu’il y ait des couplets-refrains dessus. Il n’y aurait jamais eu ces cassures de temps, de tempo.
Shebam : De la pochette aux photos de presse, on te voit souvent avec un éléphant en plastique que je retrouve ici (rires). Pourquoi ? Raconte-nous son histoire ?
Erwann Corré : Euh, j’aimerais bien faire des petites broches. Si un jour vous trouvez des petits éléphants en plastique comme ça.
Shebam : Ça serait classe.
Erwann Corré : J’adorerais faire des petites broches oranges. Pourquoi ? Je ne sais pas. Enfin, si je sais. Parce qu’au départ – mais cela ne vient pas de là bien que ce soit une version du projet – je voulais que la pochette laisse la libre inspiration à chaque personne qui la regarde. Par exemple, prenons The Last Unicorn : l’éléphant c’est un peu la dernière licorne qui part dans la mer. C’était aussi la réponse à tous les « animaux » qui ont constitué le collectif et qu’on ne retrouve pas automatiquement, même s’il reste plein de gens. C’était aussi pour montrer la fin, non pas du collectif De La Jolie Musique, mais celle de Mémoire Tropicale. L’éléphant qui part au lointain. Alors pourquoi l’éléphant orange ? C’est parce que je trouve ça super pop. C’est censé être un animal énorme et gris et là il est petit et orange ! C’est un jouet allemand, on peut en trouver partout. Je voyais bien un éléphant où l’on jouerait autour comme dans un trip chamanique. Ça aurait été trop gros. Moi j’adore celui-là, il a pile la taille qu’il faut. Surtout quand on l’a aux pieds.
Shebam : Il est transportable en plus.
Erwann Corré : Oui, on peut le trimballer facilement. Je n’aime pas trop l’idée du totem mais…
Shebam : C’en est un.
Erwann Corré : Maintenant c’en est un. Tu peux vachement bien le diriger. De plus l’orange répond au gris ainsi qu’à la pochette du disque : un coucher de soleil. Après l’éléphant en lui-même… Parce que…
Shebam : Peut-être parce qu’il a une mémoire d’éléphant tout simplement (rires) ?
Erwann Corré : Complétement. C’est un bel animal je trouve. On m’a confié que c’était une divinité !
Shebam : L’album trouve un équilibre radieux, inattendu, entre morceaux légers, décalés et titres plus pénétrants. D’où ma question : où se situe Erwann Corré ?
Erwann Corré : Ça regroupe tout en fait. Bien que les morceaux soient assez différents, je n’ai pas l’impression que le propos le soit. Je me situe là où est le disque. Le prochain album sera plus cohérent dans son ensemble. Plus uni. Et puis là, c’était un premier disque : j’avais aussi envie de faire découvrir plein d’univers. Mais pour moi c’est la même chose. De toute façon, je n’ai jamais trop compris le principe de jazz, de hip hop, de funk.
Shebam : La pop c’est un tout…
Erwann Corré : Même pas. Je trouve que dans le disque il y a des couleurs différentes mais tout est assez lié, par les textes notamment. Chaque texte renvoie quasiment à l’autre. J’aime bien écouter Roedelius puis j’aime bien mettre Petite Fille Princesse des Rita Mitsouko parce que pour moi c’est pareil. La batterie est pensée comme une idée qu’aurait pu avoir Roedelius. Puis une fois que j’ai mis Petite Fille Princesse, cette batterie me fait penser à Jay-Z, donc je vais mettre Jay-Z. Après je passerai Crosby, Stills & Nash ou un petit Byrds.
Shebam : On n’est pas musicien par hasard. On née (presque) musicien. D’où vient ta vocation ? Quel fut l’élément déclencheur, le jour où tout a basculé ?
Erwann Corré : J’ai grandi dans une famille de musiciens. Si j’avais été élevé dans une famille de tennismen peut-être aurais-je été… Je ne sais pas… J’ai fait beaucoup de dessin aussi. Ce sont en fait les amis qui m’ont initié à la musique. Pas automatiquement mais c’est grâce à eux que j’ai demandé à mon père de m’apprendre à jouer de la musique. Mes potes ont nourri mes découvertes. Moi plus jeune, je n’étais pas trop fan de musique. Enfin plus jeune, genre à six ou huit ans. C’est plutôt au collège que mes potes me demandaient si je connaissais les Beatles. « Ben non ! » Enfin tu ne peux pas le dire, sinon tu passes pour un gros connard. « Si, si je connais ! » Puis au final tu te dis que les mecs connaissent ça, pas toi. Et toute la journée tu entends, je ne sais pas, les Residents sauf que tu ne t’y intéresses pas. C’est logique. Et toi, tes parents ? Je pense que cela influe énormément. C’est aussi un bon moyen de raconter des histoires tout simplement, d’amener des univers. Si j’avais pu faire du cinéma, j’aurais peut-être été acteur.
Shebam : Existe-t-il un groupe que tu écoutais plus jeune, dans ta chambre d’adolescent, et qui aujourd’hui te fasse un peu honte ?
Erwann Corré : Regg’Lyss, le truc surgi de nulle part (rires). Regg’Lyss, ça existe ça non ? C’est un groupe français. Des trucs comme 4 Non Blondes, Regg’Lyss, toutes ces choses-là qu’on écoutait. Non ça ne vous dit rien ? À un moment, j’ai eu un peu honte de Nirvana. Alors que j’étais juste complétement fou de ce groupe. L’Unplugged de Nirvana, ça a été un déclic total. Et après, t’as cette période où tu dis que Nirvana c’est nul, que l’Unplugged fait chier. Et puis au final, non c’est super bien. Lenny Kravitz, tu te dis que c’est nul.
Shebam : C’est marrant parce que j’écoutais Mama Said ce matin. Et je me suis fait la réflexion suivante : c’est un album que j’ai mis du temps à acheter parce que je le concevais comme un pur produit marketing. Et en fait quand tu écoutes le disque, il y a des putains de chansons, c’est super bien produit.
Erwann : Super compos, c’est super bien fait !
Shebam : Et je pense que c’est relativement sincère comme musique. C’est chouette. Tu écoutes ça, tu dis « Ouah ! » : tu as des frissons quoi.
Erwann : Moi je l’ai vu plein de fois, Kravitz, notamment à Bercy. Quand il a fait son album avec Vanessa Paradis, on était comme des fous. Je me souviens. On était allé la voir en concert, c’était génial. Tu sais il y a Regg’Lyss… Nan mais je dis ça, ça ne compte pas comme Nirvana.
Laura, l’attachée de presse : C’est un groupe de reggae languedocien !!! C’est possible ça ?
Erwann : Il y avait un tube qu’on écoutait en boucle. Nan mais moi j’étais petit… C’était quoi ce titre ?
Laura : « Mets de l’huile ».
Erwann : « Mets de l’huile » !
Shebam : Ah oui c’est ça, je connais ça, pas le nom du groupe.
Erwann : Et 4 Non Blondes ça faisait « I say hey hey hey… »
Shebam : Mais ouiiii… « What’s going on ? ».
Erwann : Et il y avait un autre truc qui m’a amené à Beck inconsciemment [le disque tourne encore – NDLR]. Je ne sais plus, Gold quelque chose ou Goldfish. Ouais mais plutôt Kravitz, ça regroupe tout : les Beatles, Hendrix…
Shebam : Led Zep…
Erwann : Led Zep c’est de la bombe. Faut passer par là. Tous les groupes que j’écoutais quand j’étais petit, des trucs vraiment ouf qui sont arrivés et revenus plus tard, sont le fruit de mes découvertes : il a fallu que je me fasse ma propre éducation musicale. Tout le monde dit ça. En écoutant donc les trucs du moment. Moi, c’était Kravitz. Pour après te dire qu’à la maison tu avais tous les disques des Stones, tous les Hendrix. Moi je n’écoutais pas ça parce que cela ne venait pas de moi. Mellow Gold, c’est mon père. Une fois il est arrivé avec Mellow Gold. Il m’a dit « Tiens, j’écoute ça en ce moment ». Et puis j’ai fait « ouah, ok, chantmé ! ». S’il ne m’avait pas dit ça, je n’aurais jamais découvert Beck. Mais j’étais suffisamment intelligent pour être à l’écoute, en partage. Pas pour dire « ouais mais j’en ai rien à foutre ».
Shebam : Blague à part, malgré les influences que l’on pressent dans ta musique, celle-ci fait montre d’une singularité propre, d’une cohérence et d’une originalité qui la différencient de la production nationale. Est-ce volontaire ou naturel ?
Erwann Corré : Ben, pffff… Merci ! C’est super gentil une question comme ça. Bah tu as vu, j’ai mis dix ans pour le sortir, ce disque ! Le truc, c’est qu’à la base je ne suis pas un super musicien. Mon but est d’avoir des histoires à raconter, pas tant de bien jouer. Ce qui me piège parfois. Et heureusement parce que si j’étais un très bon musicien, tout ce que j’ai ingurgité, je le referais sans les erreurs que m’amène justement cette absence de technique. C’est cette touche qui rend les compositions un peu plus personnelles. Pour la musique j’entends. J’ai beaucoup travaillé pour pouvoir amener quelque chose que j’estimais être nouveau par rapport – c’est super prétentieux – à ce que je n’entendais pas en France lorsque j’ai démarré dans la musique. Mais c’est aussi grâce à des mecs comme Dionysos, Benjamin Biolay, Tellier. Quand Tellier a sorti Politics, c’était dingue ! Je voulais faire ça depuis longtemps. Je ne pouvais pas, je n’avais pas les moyens techniques. Mais je le fantasmais, cet album ! Tous ces apports-là combinés avec cette envie de le réaliser en français a fait que c’est resté très personnel tout en étant assez référencé. C’est vrai que lorsque je suis en répét’ ou en studio, mes musiciens pètent parfois un câble parce que je suis là « Ouais t’as fait ça à la manière d’untel. On va faire ça, je l’ai piqué à machin ». Et quand je le fais, ils m’objectent que ça ne ressemble pas du tout. Et moi je dis « mais attends, mais si, je l’ai piqué ce matin… ». « Mais non ça n’a rien à voir mais cela amène quelque chose de nouveau ». Tu laisses à tout le monde une marge de manœuvre. Comme avec François-Xavier qui joue énormément avec moi et qui, lui, est un super musicien. Ben merci quoi ! Même pour l’écriture, j’ai piqué des trucs à un tas de gens. Sauf que comme je suis complètement dyslexique, je comprends après. On va reprendre Le Beau Bizarre de Christophe avec François-Xavier pour un copain. Ça commence par « dans ce dancing sans danseur ». Je n’ai jamais compris ce qu’il avait dit. Maintenant que je le lis, je me dis « ah putain c’est ça ». « Dans ce dancing sans danseur », c’est complètement fou comme phrase. Moi je me disais, il veut faire un jeu de mots, c’est du javanais. Gainsbourg, je le capte de la même manière. Ça arrive comme ça aussi. Après je relis ses textes. C’est ce qui m’a permis de m’inspirer inconsciemment d’eux sans que cela n’apparaisse trop comme du copier-coller. Dans Elisa Chiou « Converse aux pieds conserve quand même » c’est de la dyslexie totale. Je voulais dire Converse et pas conserve. Ça ne serait jamais arrivé si je n’avais pas fait cette erreur. Donc tout cela amène une touche personnelle qui ne relève pas de la copie.
Shebam : Donc la musique, c’est des heureux hasards d’une certaine manière.
Erwann Corré : Ouais carrément. La musique ça n’est que cela. Soit tu acceptes, soit tu mens en disant que c’était prévu depuis le départ. Sauf que cela fait partie d’un processus de travail de base. Soit tu n’acceptes pas et cela part à la poubelle.
[Le disque de Beck vient de s’achever en grand final. Silence, nouvel espace pour la discussion – NDLR]
Shebam : Avec quel artiste défunt aurais-tu aimé partager une scène ?
Erwann Corré : OUAH ! Hum… Euh… Je ne sais pas. Parce que je l’aime bien, parce que je me sentirais bien avec lui ?
Shebam : Oui.
Erwann Corré : Hum… Je pense à Jacno parce que c’est un artiste s’exprimant en français et qu’il y a plein de choses dans sa musique que j’aime beaucoup. Peut-être avec Harold Ramis (rires).
Shebam : Ça aurait pu donner un résultat assez étonnant (rires) !
Erwann Corré : Un truc de fou ! Avec Jacno, non ? En fait avec aucun artiste défunt. C’est ça ma réponse.
Shebam : D’accord…
Erwann Corré : Je ne le connais pas.
Shebam : Quelle île déserte emporterais-tu dans un disque ?
Erwann Corré : Quelle île déserte j’emporterais dans un disque ???
Shebam : Oui, et pas le contraire. Ça aussi, c’est une question dyslexique.
Laura : Elle est géniale, cette question !
Erwann Corré : On The Beach de Neil Young (rires). Quelle île déserte j’emporterais dans un disque ?
Shebam : C’est une question assez ouverte. Toute réponse sera validée, publiée, à peine corrigée.
Erwann Corré : Attends…
Laura : J’adore cette question !
Erwann Corré : Ouais c’est fou. (Long silence). Du sucre de canne.
Shebam : C’est vrai qu’on peut faire une petit île avec un petit tas de sucre. On inverse les rôles. Pose-moi une question ?
Erwann Corré : Ouah, ouah, ouah, ok… (Long silence 2). Je peux t’en poser plusieurs ?
Shebam : Oui, bien sûr.
Erwann Corré : C’est cool. Quel concert es-tu allé voir récemment ?
Shebam : Mon dernier concert ? Qu’est-ce que c’était ? Ça fait longtemps. Ça fait une éternité que je ne suis pas allé à un concert. Bah je pense que c’était De La Jolie Musique.
Erwann Corré : Le concert du Motel ?
Shebam : Ouais, parce que je n’y suis pas retourné. Nan c’était De La Jolie Musique et avant ça devait être… Motorama au festival Les Aventuriers. Et c’était vraiment bien. Ils sont assez chouettes sur scène.
Erwann Corré : Je ne connais pas bien.
Laura : C’est génial, Motorama.
Shebam : C’est peut-être un peu froid au début mais quand on rentre dans l’album, c’est très aérien. Et sur scène c’est marrant parce qu’au début quand ils commencent un morceau, c’est assez pop. Comme sur l’album. Et puis il y a des moments où ils pètent les plombs et ça devient quasi punk. Il y a une énergie comme s’ils faisaient une crise d’épilepsie tous en même temps. Le Festival des Aventuriers c’est à Fontenay-sous-Bois, genre des petites salles des fêtes, des MJC. C’est un peu improbable. Du coup, il une espèce de proximité, tu as l’impression d’être avec eux. C’était vraiment intéressant.
Erwann Corré : C’est toujours les concerts où tu es proche des musiciens, quand ils sont à fond et qu’ils donnent beaucoup, qui font parfois flipper.
Shebam : C’est clair !
Erwann Corré : J’avais vu plusieurs de concerts de Dionysos lorsqu’ils étaient encore un petit groupe et Mathias Malzieu, c’est un fou furieux.
Shebam : J’imagine.
Erwann Corré : Des concerts dans des pièces comme ça, tu vois. Tu ne savais jamais ce qu’il allait se passer. Je me souviens qu’il avait fait toute une chanson sur le dos d’un gars en lui tapant dessus. Et le mec était mort de rire. Et toi, tu fais de la musique à côté ?
Shebam : Pas du tout !
Erwann Corré : D’accord.
Shebam : Pas du tout ! Aurais-je aimé ? Peut-être. Mais je pense que j’aurais été un pitoyable musicien. Ou pas.
Erwann Corré : Ben ouais. Tu aurais amené une différence.
Shebam : Il y a une époque où je me suis posé la question. Quand tu te demandes si tu veux être musicien, tu penses à l’instrument dont tu aimerais jouer. Tu ne te dis pas « tiens je vais écrire des chansons, faire des albums ». Le commencement c’est de savoir jouer d’un instrument. Et à un moment, un peu sur le ton de la boutade ou par bravade, je m’étais dit que j’apprendrais bien la flûte traversière. Parce que c’est un très bel instrument qui n’est pas forcément rock par définition mais qu’on trouve quand même dans plein de groupes pop. Je m’étais dit que la flûte traversière me plairait.
Erwann Corré : Super ingrat comme instrument.
Shebam : Ouais je pense que cela doit être assez dur, assez technique.
Erwann Corré : Ouais. C’est magnifique. Moi j’adore ça. J’adore tout ce qui est instruments à vent. Et t’as jamais…
Shebam : Non, j’ai renoncé. C’est resté un vœu pieux. Ce n’est même pas un vœu pieux. C’est resté au stade de la blague. Et là je pourrais très bien essayer mais, pfff… Je pense que ce serait non pas une perte de temps parce que cela pourrait être amusant de prendre des cours.
Erwann Corré : Pour toi, quoi !
Shebam : Si une fois – je peux en parler maintenant – j’ai eu une espèce de velléité d’écrire des paroles. C’était un exercice en anglais alors que je ne parle pas très très bien la langue. J’avais écrit un texte avec un copain qui lui se débrouillait mieux que moi. C’était pour Dorian Pimpernel.
Erwann Corré : Ah ouais ?
Shebam : J’avais rencontré Johan Girard [le leader du groupe – NDLR] comme ça, chez lui. Ce n’était même pas pour une interview. Je voulais écrire une chronique. Il m’avait filé son EP. Et il m’avait dit « ah ouais tiens si ça t’intéresse ». J’avais d’abord été un peu flatté et puis je m’étais dit pourquoi pas. Et il n’avait pas trop donné suite. Je pense que le résultat n’avait pas dû être très concluant. D’abord parce que je ne sais pas très bien parler ni écrire en anglais. Donc voilà.
Erwann Corré : C’est ça qui est chaud. Le choix de l’anglais…
Shebam : Exactement. Aujourd’hui, je comprends mieux pourquoi. Et même en français, j’ai fait ça pour un ami musicien amateur qui fait des concerts de temps à autres, par plaisir, pour ses amis, sa famille. C’est plutôt sympa parce qu’il arrive à se produire dans des jolies salles. Il joue au piano accompagné d’un ami au chant. Et il m’a demandé un texte, ce que j’ai fait…
Erwann Corré : Qui était en anglais ?
Shebam : Non en français !
Erwann Corré : Et alors, comment c’était ?
Shebam : C’était intéressant. C’est une expérience qui m’a plu. Mais je ne me dis pas que je vais devenir parolier.
Erwann Corré : Tu as écrit un texte, tu l’as, c’est sympa.
Shebam : J’ai écrit des poèmes magnifiques quand j’étais adolescent que j’ai brûlé après. J’essaye d’être modestement rock critique. Après pour le reste, on verra (rires) !
Erwann Corré : C’est déjà un gros travail !
Shebam : Et plaisant !
Erwann Corré : Écrire un texte c’est compliqué. Et tes Vans [Erwann évoque mes Vans Blue Parrot flambant neuves – NDLR], je peux les trouver quelque part ?
Shebam : Je les ai achetées sur un site en ligne qui s’appelle <BIIIIIIIIIIIPPP>.fr. C’est une boutique française. Je les cherchais depuis longtemps.
Erwann Corré : Ce modèle-là ?
Shebam : Oui. Je n’arrivais pas à trouver ma pointure. J’ai eu de la chance, je suis tombé dessus. Malheureusement je sais que dans quelques mois elles seront…
Erwann Corré : Non, non, fais attention !
Shebam : Je les use assez vite.
Erwann Corré : Moi j’en ai quelques unes que j’ai également usées mais c’est là qu’elles sont sympa à porter. Laura tu veux un truc à boire ?
Laura : Dans 5 minutes vous allez parler skate (rires) !
Shebam : C’est marrant je n’ai jamais fait de skate. C’est comme la flûte.
Laura : Les Vans c’est des chaussures de skateurs.
Shebam : On rêve tous à un moment d’être skateur. Parce que c’est cool et en même temps un peu rebelle.
Erwann Corré : Et sinon, quelle est ta lecture de la pochette du disque ?
Shebam : Je dirais… C’est un coucher de soleil donc on pense à la fin d’une journée, donc à la fin d’un cycle. Et en même c’est l’horizon. Et l’horizon c’est par définition l’avenir. Ce premier disque clot certainement un chapitre de ta vie mais en ouvre automatiquement un autre. Et comme tu parlais peut-être d’un futur deuxième album, tu as sans doute des idées qui se promènent dans ton esprit. Et je vois ça comme ça : un horizon libre et enfin dégagé où tu vas pouvoir t’exprimer et continuer à produire des disques. Sortir un disque c’est quand même en soi un vrai accomplissement. Ce n’est pas évident même.
Erwann Corré : Hum, hum…
Shebam : Et puis moi c’est le titre qui m’a fasciné : Mémoire Tropicale. Cela fait surgir plein d’images. Cinématographiques, musicales. Dans ma chronique je parlais des films de Werner Herzog. Ce côté sauvage. Cela me fait penser à cet écrivain anglais, merde, comment il s’appelle. Il a écrit un livre d’aventure… C’est horrible, ça va m’obséder. Son roman a inspiré Apocalypse Now. Cela raconte l’histoire d’un jeune homme qui remonte un fleuve africain. Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad ! C’est un peu la même idée : entrer comme ça dans des territoires reculés, interdits, à peine foulés par le pied de l’homme. C’est à la fois extrêmement exaltant et en même temps angoissant. Dans une espèce de climat moite, de touffeur, ce côté mystique de la jungle quoi. Comme dans La forêt des Mannes de Grangé, une enquête au fin fond de la forêt équatoriale.
Erwann Corré : C’est marrant que tu parles d’Herzog…
Shebam : Oui, c’est comme avec Aguirre. La musique est signée Popol Vuh, un groupe allemand. Et c’est hyper synthétique, planant, une musique très moderne plaquée sur des images de conquistadors qui progressent comme ça dans la jungle à coups d’épée.
Erwann Corré : C’est fou ça…
Shebam : C’est à la fois un film très lent – tu as l’impression qu’il ne se passe pas grand chose – mais en même temps très prenant. L’album m’a vraiment fait penser à ça, entre autres. Cela m’a fait aussi songer à l’île de Santorin en Grèce et à la Sicile.
Erwann Corré : … J’avais bossé à un moment avec un ami plasticien. Et pour l’une de ses performances on avait trimballé une énorme maquette du bateau de Fitzcarraldo dans une camionnette. Il y avait tout un concept derrière. Je ne me souviens plus de l’histoire mais je crois que son oncle avait vu à l’époque le bateau passer de l’autre côté de la colline.
Shebam : Voilà, c’est un titre très évocateur. Et Mémoire Tropicale ça renvoie un peu aussi au passé, à un truc ancien, antique. Même par rapport à nous, à notre culture, notre histoire franco-française, à quelque de chose de lointain, d’un peu interdit. L’époque où la France rayonnait dans le monde entier. On se dit maintenant que c’est horrible mais il y avait ce truc fascinant, comme les voyages de Napoléon rapportant les trésors d’Egypte. Il y a ce côté un peu hypnotique du titre. Et c’est vrai que la pochette avec ce soleil couchant languide, ce petit éléphant qu’on voit, qu’on ne voit pas, comme une ombre, le tout perdu dans un carré noir et en plus en vinyle !!!
Erwann Corré : Au départ il y avait une maquette, un CD que je n’ai plus d’ailleurs et qui a amené à ce disque. Cela s’appelait Safari !
La boucle est donc bouclée, pensais-je certainement comme Erwann, au moment même où il avait livré cette ultime anecdote. Une interview fleuve comme le fleuve Congo, longue, étirée, repoussant les frontières de l’inconnu, peut-être même sans fin sinon la nôtre. Je repartais dans la nuit pas vraiment noire, plutôt bleue, une nuit pop, comme celles de Santorin ou de la Sicile, de ces nuits chaudes qui vous enveloppent d’une gaze légèrement humide. Quelques confidences et autres mélodies dans mes poches. Je n’étais plus avec Erwann Corré et pourtant, j’étais bien. J’avais importé sur bande magnétique quelques parcelles de son cerveau musical.
De La Jolie Musique, Mémoire Tropicale (Sauvage Records)
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