Renaissance, baroque'n'roll flamboyant

par Adehoum Arbane  le 05.11.2013  dans la catégorie C'était mieux avant

Avant de devenir un groupe de prog hard crade – il en existe quelques-uns, hélas – Renaissance a très momentanément gravé une musique à la fois baroque et haletante. Délaissant l’instrumentarium classique des formations psychédéliques et progressives anglaises – orgue, synthés, mellotron –, Renaissance joue étonnement la carte de la simplicité. Guitare, piano acoustique, clavecin, basse et batterie constituent le seul horizon de ces musiciens en tension qui transcendent avec des moyens limités des chansons réellement sublimes – l’écriture – et habitées – l’interprétation –, et ce pour le plus grand bonheur de l’auditeur. Renaissance. Un nom qui résume finalement assez bien le parcours de ces élégants anglais. À l’origine, Keith Relf et Jim McCarty officient dans l’un des plus célèbres groupes du British Blues, les Yardbirds, qui a vu éclore en son sein la fine fleur des guitaristes solistes de l’époque : Clapton, Beck, Page. Lassés par les tournées incessantes et une sérieuse baisse de régime en matière d’inspiration – Page quittera d’ailleurs le groupe pour former les New Yardbirds puis Led Zeppelin ! –, Relf et McCarty recrutent un bassiste et un pianiste. Ils sont rejoints par la sœur de Keith au chant et aux chœurs. Ils se mettent à composer leur nouveau matériel qu’ils s’empressent d’enregistrer pour la firme Island, signataire de Traffic. Les chansons se livrent sans autres apparats au travers d’un crossover fulgurant entre blues rock et musique baroque. Ce que le jazzman Jacques Loussier avait réussi à réaliser avec son fameux projet Play Bach. Pourtant, pop et musique classique ne firent pas toujours bon ménage. On se souvient des tentatives de Keith Emerson trop emphatiques, presque contre nature et pour le coup ratées. Renaissance se distingue par son sens de l’économie allié à une réelle et profonde dramaturgie culminant dans les dix minutes du morceau d’ouverture, Kings and Queens. On retrouve la même intensité dans la deuxième pièce du disque intitulée Bullet et dont le titre – annonciateur – atteint dès lors sa cible. Même constat avec Innocence qui dans un registre plus lumineux explore cette même veine. Au milieu, le groupe a eu la judicieuse idée de placer quelques titres plus courts, sans doute pour ménager l’auditeur, chansons qui n’en distillent pas moins un parfum de mystère, une force sans commune mesure. Comment expliquer qu’un disque ait à ce point vu juste ? Précisons d’abord et pour les néophytes que Renaissance fait partie de la première génération des groupes dits progressifs qui firent, à l’instar de King Crimson, Caravan, Soft Machine ou Family, la jonction entre les sixties lysergiques et les seventies symphoniques. En 1969, le regard de ces musiciens paraissait neuf, le succès, l’argent, les concerts dans les stades n’avaient pas encore falsifié l’esprit avant-gardiste de leurs aspirations. Pour Renaissance, l’horizon était dégagé, clair, pas encore chargé des nuages – friqués drogués – du star-system. La deuxième raison tient sans doute au parcours de Relf et de McCarty. Honnêtes musiciens de blues, ils n’ont pas évolué dans les mêmes cercles que leurs contemporains virtuoses. Pas de Art School dans leur cv, pas de maîtrise purement technique de leurs instruments. Mais à la place, une approche plus modeste, modelée en fonction de leurs aptitudes, forcément moindres, d’où une liberté plus grande et un enthousiasme qui se ressent notamment à l’écoute du refrain – jubilatoire – de Kings and Queens. Au fond, le premier line-up de Renaissance s’apparente à l’ordre Franciscains pour qui la pauvreté représentait un acte spirituel profond. Arte Povera. Si les morceaux fonctionnent c’est parce qu’ils ne se sont jamais réellement coupés de leurs racines : le rock. Ils l’ont discrètement enluminé de nuances Bachiennes tout en évitant – et c’est heureux – la parodie facile, donc vulgaire. Durant la première moitié des années 70, Relf sera l’homme des multiples renaissances et des sombres prophéties. D’abord au sein du groupe Armageddon, délivrant un hard rock véloce et mélodique concentré dans un unique album datant de 1975, son dernier à vrai dire. L’homme nous quittera le 14 mai 1976 alors qu’il préparait l’ultime retour de Renaissance sous le patronyme ombrageux d’Illusion. Qui renaitra en 1977 sans lui. Le roi avait, pour l’heure, rejoint d’autres cieux tout aussi vastes que les cinq titres ici racontés… 

Renaissance, self-titled (Elektra)

180725_1_f.jpg

http://www.youtube.com/watch?v=qLQgFZ-5Ul8

 

 

 

 


Commentaires

Il n'y pas de commentaires

Envoyez un commentaire


Top