Ready To Die serait un album acceptable, voire même exaltant s’il n’était estampillé Iggy & The Stooges. Nos corps bougeraient à la limite de l’hystérie et avec une certaine sincérité si l’opus avait été signé par je ne sais quel combo proto-punk. La sueur aurait enveloppé nos torses, distillant son parfum âcre et son poison suave si la formation avait émergé de NYC, de Brooklyn, de Manchester ou des quartiers miteux de Londres. Beaucoup de « si » qui ne valent pas un « oui » unanime à cette quatrième livraison du fameux groupe de Detroit. Même sans Ron Asheton, hélas disparu en 2009, et avec LE James Williamson qui contribua au son de Raw Power, lui apportant ces couleurs malsaines qui conviennent tant aux Stooges, le résultat déçoit. Et cet album à moitié convaincant de poser la question : même avec un label indé, l’iguane doit-il raccrocher sa peau de lézard tannée par les années et les excès au porte-manteau de la légende Rock ? La précédente livraison avait déjà jeté les bases de cette profonde réflexion nourrie de doute et de circonspection. Mais revenons au disque dans ses moindres détails. Et commençons par les moments désagréables, les défauts évidents, criant même, trait d’humour mis à part. D’abord le choix des chansons. Il se trouve dans cet album des morceaux pas seulement indignes des Stooges – en terme de songwriting si on peut parler ainsi s’agissant des Stooges – et dont la tonalité nous éloigne de l’univers urbain, sexuel et violent auquel le groupe nous avait habitué dans ses premières années. Unfriendly World a quelque chose de sympathique, de mignon mais ces qualificatifs sont-ils attribuables aux Stooges ? Idem pour Beat The Guy dont la production pop renvoie, ô effroi, aux pires moments de la discographie de Bruce Springsteen. Du rock ouvrier, de la pop plouc ; on frémit. Même combat avec The Departed, pas inintéressant en soi, mais qui sonne comme un vieux blues Deep South noyé dans un verre de bourbon alors que les Stooges que nous chérissions sentaient le sang dans la bouche, le sperme et la rouille. Ces titres possèdent une dimension FM non assumée et l’on imagine, à leur écoute, qu’ils ont été directement enregistrés, produits et mixés dans la maison de retraite où Iggy ira un jour faire rôtir sa vieille carcasse. On rêve. Putain, Iggy dans un hospice pour octogénaires dégénérés pogotant avec leurs déambulateurs ????? Passons en revue les quelques atouts. Les compos les plus crédibles au vu des états de service de nos punks chevelus et musculeux restent les quatre premiers auxquelles s’ajoutent le morceau titre, Dd’s et Dirty Deal au nom si bien trouvé. Burn, bien que débraillé, constitue une entame violente, caverneuse et finalement assez originale en comparaison des hits éternels que sont 1969, No Fun, I Wanna Be Your Dog ou Search & Destroy. Iggy y déploie son timbre gothique pour notre plus grand plaisir. La guitare est véloce, la rythmique martelée comme une propagande rock. Pas mal. Sex and Money exhume le saxophone de Steve Mackay et la présence de chœurs féminins ne gâche pas (trop) l’ensemble, de bonne tenue. Job le fait – son job – malgré l’aspect un tantinet cliché des paroles. En effet, Iggy aura du mal à nous faire croire qu’il ne cachetonne pas un peu en sortant un nouveau disque mais bon, l’esprit de révolte étant rare de nos temps, inutile de faire la moue. Ready To Die fonctionne par ses inflexions antiques, Iggy retrouvant presque la voix de ses 27 ans, à l’époque où il gravait Raw Power. Riffs et solo pètent à la tronche, on en a pour son argent. Dd’s et Dirty Deal synthétisent à eux seuls l’esprit d’un certain rock fifties à la fois cool et radical, basique, bien balancé, bref, fait pour danser. Cela tombe bien, le Iggy de touts les jours, en civil et en privé, roule en décapotable à l’ancienne. La chanson la plus notable, le vrai single ?, reste à n’en point douter Gun, simple, efficace et volontiers provoc dans ses paroles, surtout à la lumière des derniers événements américains. Le lobby des fabricants d’arme appréciera. Avec ses chœurs enjoués, la song claque comme un avertissement, une jolie diatribe qui nous rassure sur la dimension punk du groupe, toujours vivace. Et pourtant, ces quelques idées faites sons peuvent-elles faire oublier le reste. Et de boucler sur la première interrogation. Les Stooges ne doivent-ils pas prendre une retraite bien méritée malgré leur courte carrière discographique. Ready To Die. Hé Iggy, et si on te prenait aux mots ?
Iggy & The Stooges, Ready To Die (Fat Possum Records)
http://www.deezer.com/fr/album/6540871
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