1976. Al Stewart part à l’assaut des charts internationaux avec un tube imparable, le parfois too much – en témoignent ces 6 minutes et quarante secondes pleines de rebondissements et de saxo préfigurant les eighties – mais néanmoins délicieux Year Of The Cat. Parfaite d’un strict point de vue mélodique, la chanson fait mouche. D’autant qu’Al Stewart s’y révèle pleinement. En comparaison du morceau titre, les autres chansons de l’album font pâles figures. Réalité cruelle qui relégua Al Stewart au rang – pourtant convoité – de un one hit wonder. Tel est le constat qui s’impose en apparence. En apparence seulement. En effet, il ne faut pas creuser longtemps dans la généreuse carrière du songwriter pour trouver des motifs de contentement. Le mot est faible. Contrairement à un Cat Stevens dont l’écriture a attendu le nombre des années pour posséder sa pleine maturité, Al Stewart a connu très vite les faveurs de l’inspiration. Et ce dès son premier album Bed-Sitter Images, sorti confidentiellement en 1967 et réédité en 1970. Une compilation parue en 1977 retrace ces premières années d’insouciance pop. Il existe en fait sur le marché du vinyle de collection deux éditions : l’une relativement courte, l’autre moins jusque-boutiste dans sa sélection. Quel que soit le pressage exhumé, une certitude prévaut : en quelques mois seulement Al Stewart se trouve un style, une identité. Improbable synthèse entre la pop antique des Beatles et les historiettes documentées d’un Dylan, la musique qui née sous sa plume fonctionne cependant à merveille. C’est d’ailleurs cet équilibre délicat qui semble régir ces Premières Années vinyliques. Comme sur le simplissime Clifton In The Rain, folk pluvieux et tendre dont les charmes vous emprisonnent. Même impression avec Manuscript qui joue la carte du récit dylanien avec, il est vrai, un certain savoir-faire. Quant au versant pop de Stewart, la séduction est également de mise. Des premières notes – au faste orchestral clairement assumé – de Bed-Sitter Images à la longue suite Love Chronicles, la compilation fait la part belle aux basses roucoulantes et au piano guilleret et l’on succombe sans bouder son plaisir aux refrains facilement mémorisables de You Don’t Even Know, I’m Falling et le très rock Electric Los Angeles Sunset. Pour autant, le jeune songwriter sait ménager les effets de surprise. Ainsi en est-il des morceaux The News From Spain et Life & Life Only. Al Stewart fait preuve sur ces deux chansons relativement longues d’un lyrisme débridé qui parfois étonne mais toujours fascine. Sur le premier, les nouvelles d’Espagne, le musicien ose une inspiration très procolienne avec grand orgue et piano virtuose. Sur Life & Life Only, Stewart laisse pénétrer sa musique d’inflexions graves, à la limite de l’incantation et sort une guitare électrique crissante, bien loin des ambiances pastorales auxquelles il nous avait habitées. Loin d’apparaître comme un péché de jeunesse, The Early Years marquent l’auditeur qui aura pris le temps de les chiner et – enfin, après moult recherches et tractations diverses – de les écouter avec gourmandise, sans à priori. Dommage que ces titres-là n’aient pas été remarqués plus tôt. Certes, The Year Of The Cat mérite amplement son statut de tube universel mais pourquoi en snober les prémices ? Déjà Al Stewart s’affirmait comme un compositeur compétant – certes bien moins inventif que certains de ses contemporains mais d’une indéniable honnêteté – et un chanteur convaincant. Surtout, il sut habillement mélanger les registres sans que le résultat ne tourne à l’indigeste. Enfin, last but not least, la pochette signée Storm Thorgerson enchantera tout collectionneur maniaque qui accorde à ce genre de petits détails une importance égale à la musique délivrée. Gage évident du bon goût de l’artiste qui avait choisi, à l’époque, l’écrin idéal pour la petite quinzaine de bijoux – pas tout à fait diamants – et pourtant éternels.
Al Stewart, The Early Years (Janus Records)
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