Daisy Lambert, album chic & effet choc

par Adehoum Arbane  le 15.04.2013  dans la catégorie A new disque in town

Avec son visage poupin et sa chevelure rouquine habitée, flammèches dorées en pagaille, Daisy Lambert se rapproche étrangement de Van Morrison. Cette ressemblance frappante n’est pas que physique, fort heureusement. Comme l’irlandais fou qui jadis troqua le garage rock époque Them contre une musique plus inspirée, entre folk et jazz sur Astral Weeks, Daisy Lambert assume sur ce premier album des ambitions démesurées. Un grand huit artistique dont on ressort sonné tant l’œuvre étonne par sa maturité. Comme Van Morrison en 1968, Daisy joue son va-tout. Audace et prise de risque maximum : de cette équation il va puiser sa force. Mais contrairement à son illustre pair, Daisy Lambert n’est pas tant un barde qu’un contemporain au dessus des autres. Un touche-à-tout qui, comme il l’avoue dans l’une de ses chansons, a besoin d’aventure. Tout le secret alchimique de son opus, Chic Type, se trouve sans doute synthétisé telle la plus précieuse des drogues dans cette confidence de couplet. L’aventure qu’il entrevoit, moderne en diable, s’accompagne des outils propres aux avant-gardistes, claviers, synthés, appareillage électronique et autre table de mixage que l’on trouve logiquement dans le repli douillet des studios d’enregistrement. La grande aventure sonore commence donc dès les premières secondes où les trompettes mariachis s’entremêlent aux nappes, aux beats, dans un grand coït métallique où la voix trafiquée, vocoderisée, appose sa signature. Elle se terminera quelques trente huit minutes plus tard avec Un Type Comme Moi. Et d’un bout à l’autre du disque, dans l’espace que le musicien ouvre subsiste une sensation, ce que Dali aurait appelé persistance mémorielle. Quand la stimulation prend fin et que l’effet dure, on parle de palinopsie. La musique de Daisy Lambert imprime dans les esprits sa marque, son caractère propre y compris quand elle s’achève. Le sentiment ultime est celui de la mélancolie, de cette pesanteur spectrale qui infuse chaque morceau même quand certains subissent une accélération quasi cardiaque comme L’Aventure et Tes Seins Tes Poignets. Ce qui ne les empêche pas de distiller un doucereux malaise, un reflux de l’exaltation et de la joie vers une forme d’éternité. Certains titres comme Santorin bien sûr rappellent ces paysages languides, fixés dans la chaleur, dôme de moiteur qui pénètre les chairs jusqu’aux os évoquant le plaisir des premiers instants de la vie baignée de lueurs dans leur cathédrale fœtale. D’autres chansons possèdent les fragrances et les délices des beaux poisons, La Femme Fontaine illustrant si magnifiquement cette tradition maldororéenne. Dans ce déluge d’images et de sons, Daisy Lambert se perd parfois. Tes Seins Tes Poignets louche un peu trop ostensiblement vers Gainsbourg même si Lambert a le bon goût d’en ressusciter brillamment la période la moins aimée, les années New York. Ou sur Norma Jean Baker, reprise studieuse, précise, écrite par le maître en 1983 pour son ex Jane Birkin. Toutes ces considérations théoriques, telluriques, rock critiques, ne doivent nous détourner de cette vérité. Dès son premier album, Daisy Lambert sera arrivé à produire son chef-d’œuvre, un classique d’une rare perfection : Ce Soir J’te Sors. Chanson dense, massive, cruelle aussi quand on découvre que la personne au centre du texte et des attentions du narrateur n’est autre qu’un homme, non l’une de ces desperate housewives télévisuelles. Est-ce Daisy lui-même, ce type un peu moins chic en pyjama, main accrochée à son rhum-coca ? N’est-ce pas plutôt l’ami meurtri par je ne sais quelle désillusion amoureuse ? La dureté fait alors place à la tendresse. Musicalement, le geste est plus qu’abouti. Le songwriter ose malaxer les genres, les pétrir entre ses mains de créateur, ainsi va-t-il de l’Italo Disco qu’il réduit et encapsule dans une gélule de prozac. Alors que la chanson semble emprisonnée dans un perpétuel ressac électronique, deux solos viennent briser cet état de sidération, l’un et c’est une trouvaille exécuté avec une guitare acoustique, l’autre superbement électrifié. La chose ne s’était pas vue depuis longtemps et l’on ne peut que s’en féliciter. Il y a dans les choix du musicien une fascination pour l’antique qui ne vient jamais trahir sa volonté de s’inscrire dans le temps présent. Pour tout cela, oui, nous conviendrons que Daisy Lambert est réellement ce chic type que déclare si fièrement la pochette.

Daisy Lambert, Chic Type

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https://itunes.apple.com/gb/album/chic-type/id622568098

 


 


Commentaires

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Andp12

17.04.2013

Je trouve baucoup de justesse dans vos commentaires : j\'y reconnais mises en mots, comme \"exrériorisées\", mes principales sensations lors de l\'écoute de ce premier opus \"Daisyiesque\" (\"lambertin ?\").

Par ailleurs, quel plaisir de lire ces phrases au verbe soutenu mais efficace, coloré mais accessible, dense mais virevoltant... Bref, un petit délice de lecture !

Merci donc...

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