The Besnard Lakes

par Adehoum Arbane  le 19.03.2013  dans la catégorie A new disque in town

Du bruit qui n’a pas oublié de penser.  

Le petit monde de l’indie pop – à guitares revêches – est en émoi. Vingt deux ans après Loveless, My Bloody Valentine sort un nouvel opus. L’un de ces brûlots d’apparence révolutionnaire que des hipsters mal rasés commenteront jusqu’à plus soif. Une fois l’écoute achevée, on se dit que la bien-pensance, cette maladie du nouveau siècle, a fini par pénétrer les cercles jadis épargnés de la critique rock. Que raconter de cette ultime livraison ? Musique qui se singularise d’emblée par une molle apathie, bloc sonore morne, minéral duquel on a du mal à extraire la moindre émotion tangible, palpable. Comme si la paresse avait présidé à la création de l’œuvre, la troisième en vingt cinq ans de carrière (!!!). Figé dans une torpeur malsaine, on est hélas bien loin de la vigueur juvénile des premiers singles Sunny Sundae Smile, Paint A Rainbow ou Kiss The Eclipse. Le constat est flagrant sur le morceau d’ouverture, She Found Now, et sur l’insipide Who Sees You sonnant presque faux ; la platine est-elle mal réglée, on se le demande. Dans l’ensemble, la laideur le dispute à la stupeur. L’incompréhension. Loveless tout en nonchalance ne semblait pas sous assistance respiratoire. Comment en est-on arrivé là ? Au même moment, un quatuor de Montréal, The Besnard Lakes, annonce la sortie prochaine d’un nouvel album nanti d’un single (?) séduisant. Un goût partagé par les tronçons électriques et autres arpèges abrasifs rapproche naturellement les deux formations. Pour le reste, tout les différencie. Les Besnard Lakes débutent leur carrière en 2003 par un premier volume pénétrant quoiqu’imparfait. Patients, travailleurs, ils bûchent pendant quatre ans sur une suite qui prendra corps sous les traits dépeints d’un cheval noir et fier, superbe et plein d’allant, à l’image de leur musique. Deuxième galop d’essai, The Besnard Lakes Are The Dark Horse est un succès surtout critique, la musique du groupe n’étant pas vraiment faite pour les charts. Chœurs éthérées, guitares étirées, un axiome fort peu en accord avec les us et coutumes du star-system le plus indigent. Trois ans plus tard, ils reviennent à la charge avec The Besnard Lakes Are The Roaring Night, pièce maîtresse plus équilibrée exploitant cependant une formule depuis éprouvée. Until In Excess, Imperceptible UFO poursuit dans cette veine tout en l’amendant subtilement. Ce troisième volet de leurs aventures électriques ne déçoit nullement même s’il retrouve les habits mélodiques des précédents opus. Une fois écrites, ces constations paraissent bien anodines. Quel monde sépare Until In Excess de M B V ? Tout. Et tout d’abord, l’histoire du groupe. Car derrière le collectif il y a le couple Jace Lasek-Olga Goreas. Au-delà de leur relation, faite d’intimité, il y a la rencontre, la convergence parfaite des voix qui n’est pas sans rappeler celles de Crosby, Stills & Nash ; même osmose, même magie. Puis il y a la musique à proprement parler, les chansons malgré un format inhabituel pour les radios et leur inamovible corolaire, le consommateur. Pour être plus précis, on trouve ici une structure répondant à sa propre logique. Un observateur l’a récemment souligné, The Besnard Lakes s’apparente à du My Bloody Valentine enfin audible. Écouter Until In Excess, Imperceptible UFO, c’est comme contempler chaque jour la même aurore mais avec cinquante nuances de rouge, de bleu et d’or. Il règne sur ce disque une impression quasi abstraite, solaire, languide. Il commence de manière peu conventionnelle par deux chansons rêveuses qui s’imbriquent naturellement comme si l’une était le prolongement de l’autre. Ô surprise, And Her Eyes Were Painted Gold finit en en doo-wop céleste. C’est avec People Of The Sticks que l’album démarre réellement et ce choix, pour saugrenu qu’il soit, paye indiscutablement. Vient The Spectre, avec ce titre le groupe offre un autre visage, plus pop encore. Avec ses claviers langoureux, ce fantôme-là s’affiche au grand jour. Sans trop le dire – et c’est heureux –, il renvoie aux Beach Boys du début des seventies qui, à travers des titres comme Leaving This Town, ajoutaient à leur bréviaire une certaine fluidité toute californienne pleine de piano et d’orgue scintillants. Placé sous le signe du mid-tempo, en témoignent At Midnight et Catalina, le disque révèle cependant des moments de bravoure. Ainsi, Colour Yr Lights In fascine par le contraste saisissant entre les architectures vocales complexes du couplet et l’approche incisive, ascendante du refrain qu’on jugerait écrit pour les stades. Pas vraiment conçu comme une chanson classique, Alamogordo remplit pourtant sa fonction avec son final épique et grandiose – un peu trop drogué peut-être ? – pour s’achever dans un silence presque monacale. À l’arrivée, Until In Excess, Imperceptible UFO s’annonce comme une œuvre ressemblante donc cohérente mais par certains aspects différente, plus apaisée peut-être. De façon très littérale, vous entendrez chanter les anges ! À quelques milliers de pieds plus bas, My Bloody « Hell » Valentine n’a pas quitté le plancher des vaches.

Until In Excess, Imperceptible UFO (Jagjaguwar)

4_2_Besnard-Lakes1.jpg

http://www.youtube.com/watch?v=42DpROriEYI

 

 


 


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