Et j’ai crié Aline pour qu’ils reviennent. Et ils ont obtempéré. Anciennement Young Michelin, les quatre élégants garçons d’Aline s’apprêtent à publier leur tout premier album après un EP qui a frappé les esprits. Je Bois et puis Je Danse est en passe de devenir tout bonnement LE single de l’année 2012. Revenons à leur Lp, Regarde le ciel. C’est l’un des manifestes de cette nouvelle esthétique que le tout Paris appelle déjà « Variété Alternative ». Quelques-uns l’ont précédé, d’autres suivront, mais celui-là a déjà séduit celles et ceux – les critiques rock – qui ont eu la chance de le recevoir avant sa sortie, prévue en janvier 2013. Parmi eux, nombreux ont usé leur plume en parlant un peu trop benoîtement de pop fraîche, légèrement vintage, aux mélodies cinglantes et aux paroles ciselées. Ce qui n’est pas faux. Certes, il convient de regarder le ciel mais avant tout d’apprendre à écouter Aline pour en comprendre le ressort complexe, la mécanique audacieuse. Il faut du temps et surtout la capacité à effacer de sa mémoire vive les témoignages discographiques gravés depuis plus de quatre décennies. Bref, faire table rase du passé. Car au-delà des qualificatifs de circonstance, des analyses préfabriquées, nous devons nous rendre à l’évidence. Aline est un groupe de garçons à la profonde féminité. Celle-ci se découvre, comme une fleur, dans chacune des douze chansons précieuses qui en constituent la trame. Des morceaux qui parlent d’amour, non, des morceaux entiers d’amours mêlées de tendre mélancolie. Cette manière délicate se ressent dès l’entame du disque, dans le morceau instrumental Les Copains dont la pudeur et la tonalité étonnent. Puis finissent par charmer. Elle se retrouve dès la première vraie chanson, Je Bois et puis Je Danse qui raconte les déboires d’un perdant magnifique – ce pourrait être nous tant le théâtre qui y est décrit sonne juste. L’impression se confirme sur Maudit Garçon, à la mélodie entêtante, puis sur Teen Whistle, les inflexions du chanteur et la flûte juvénile y contribuant grandement. Deux Hirondelles et son refrain accréditent enfin la thèse. Pour aller plus loin sans dévoiler l’ensemble des titres – tous déclinent à merveille ces nuances douces-amères – les garçons d’Aline se mettent à nu et avec eux le fatras confus de leurs émotions. Elle m’oubliera demeure exemplaire de cette mutation. Oui, nos musiciens savent pleurer. Cette chanson ainsi que les autres portent le sceau de ces fameuses langueurs monotones, les tourments d’une vie adolescente se heurtant aux froides réalités de l’âge adulte. Qu’ils évoluent sur des tempos rapides ou qu’ils s’adonnent à la ballade sentimentale, les quatre boys d’Aline évitent à chaque fois le piège si séduisant de la mièvrerie. Ils sont un peu le Velvet avec Nico mais sans Lou Reed. En cela, ils se rapprochent naturellement du quatuor brooklynien Pains Of Being Pure At Heart, troquant habillement le showgaze de ces derniers contre un romantisme aux frontières de la new wave – la combinaison basse/guitare en introduction de Obscène n’est pas sans rappeler le célèbre tube emprunté à la non moins célèbre formation de Crawley pour le sous-titre de ce dithyrambe. Obscène comme si la laideur n’était nullement envisagée. Obscène, déclaration universelle des droits de l’âme. S’il fallait poursuivre la démonstration, nous évoquerions au passage la pochette dont le graphisme, tout en ligne claire, adresse un hommage au trait subtile de Jean-Claude Floch dit Floc’h. L’album s’achève comme il a débuté, sur un instrumental déclinant à nouveau le thème d’ouverture mais avec un arrangement aquatique, presque utérin. Une fois la dernière note suspendue – pour l’éternité, l’album suscitant de la désirabilité – on se prend à fredonner ses airs, ses romances, ses joliesses. Et les guitares, nerveuses, parfois fuzz, n’y feront rien. Aline est à la pop ce que Oscar Wilde fut à la littérature : du goût, de l’esprit et une trouble suavité.
Aline, Regarde Le Ciel (Pias France)
http://alinemusique.wordpress.com/
Je Bois Et Puis Je Danse
Deux Hirondelles
http://www.youtube.com/watch?v=u1rwwMkmzl8&feature=player_embedded
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