Longtemps, la Grande-Bretagne porta fièrement son nom : grande. Sa suprématie était alors totale. Son arme, fourbie avec génie et jeunesse : la pop. L’Amérique, pourtant toute puissante, tremblait devant le talent frondeur des forces vives de la Perfide Albion dont les Beatles incarnaient la toute première division. Certes, la réaction ne se fit pas attendre : la Californie lança en retour des formations prometteuses comme les Doors, Jefferson Airplane, Buffalo Springfield, Spirit, les Byrds et tant d’autres. Mais il était déjà trop tard. Aujourd’hui, l’ordre des choses semble s’être quelque peu inversé. En Angleterre, des icones s’effondrent : pauvre Amy Winehouse passée de vie à trépas, pathétique Pete Doherty dont l’hypothétique reformation des Libertines s’estompe jour après jour. Et surtout. ET SURTOUT. L’Amérique ne joue plus le rôle de faire-valoir. Mieux, le pays de l’oncle Sam arrive à littéralement tirer son épingle du jeu. Ainsi à l’Est que du nouveau, notamment du côté de Brooklyn, prolongement quasi organique de NYC : Grizzly Bear, MGMT, Yeasayer, Vampire Weekend. L’Ouest n’est pas en reste qui voit fleurir de nombreux groupes.
L.A., capitale du nouveau rock.
Dans cette Babel autoroutière, pailletée de glamour, aride mais arrosée de cocktails iridescents, un groupe confirme les espoirs qui avaient été placés en lui : Electric Guest. Emmené par Asa Taccone et Matthew Campton, l’Invité Electrique avait réussi à glisser un pied dans la Porte de la Pop Culture avec un EP résolument tubesque, malgré les huit grosses minutes au compteur de Troubleman. Alors que sort leur premier album, Mondo, il convient de jeter une première pierre dans la marre ondoyante de la rock critique. Avec dix morceaux, dans l’ensemble plutôt courts, et une durée relativement classique de trente huit minutes, Mondo propose un territoire ramassé, cohérent. Premier point. A la différence de Broken Bells ou de Gnarls Barkley, Brian Burton assure le job à la production sans pour autant dénaturer l’identité forte des chansons de Electric Guest. Deuxième point. Cela étant dit, plongeons-nous dans le bain de jouvence pop de ce nouveau Mondo. C’est dans un bégaiement synthétique que débute l’album. Holes figure une forme de prélude, un apéritif siroté sur Venice Beach devant un coucher de soleil orangé, loin, très loin des embouteillages concassés du Stress Contemporain. Quelques notes de piano en guise de trait d’union et Asa Taccone entonne les premières paroles de This Head I Hold. On a beaucoup écrit à l’époque sur cette chanson, figure de proue du EP. Beaucoup de commentateurs l’avaient qualifié de fer de lance du revivalisme soul ambiant… Voire rampant ; on songe tous avec effarement au sordide Ben l’Oncle soul !!! L’équation du morceau semble démentir cette si prompte analyse. Ces trois minutes naviguent entre blue-eyed pop et hip hop crypté, rappelant le Brown Eyed Girl de Van Morrison, mais avec tous les atours de la modernité. Pour déjouer les pronostics, Under The Gun tente de rejouer la partition d’un Michael Jackson disparu avec son refrain aux accents sexy clonant de façon troublante le PYT du king de la pop. Point de pause pour l’auditeur. La basse rondelette de Awake ranime les passions. Loin de son apparent conformisme, le morceau se décline en mélodie à tiroirs et en refrains ascensionnels. Alors que l’entame séduit par son rythme, la suite s’étire dans une sorte d’extase pleine, gorgée de wah-wah, d’arpèges folk et de claviers scintillants. Ces cinq minutes-là ne font qu’annoncer la pièce de résistance de la face B(éate). La première, pour en revenir à elle, s’achève sur Amber, magistrale ballade oscillant entre volupté sur le couplet et futurisme sur le refrain. Les vers extrêmement succins, dénudés, constituent le pivot autour duquel les trames synthétiques tissent des mélopées envoutantes dans un halo de chœurs presque lointain. On retourne symboliquement la galette pour découvrir The Bait. Une fois encore, l’approche de Electric Guest se caractérise par un groove quasi Michaelien. La voix los angélique d’Asa Taccone y est pour beaucoup. Waves retrouve les accents de This Head I Hold bien qu’il se différencie par son orgue forain et son refrain sunshine. Comme s’il fallait paraître volontairement insouciant avant d’afficher un visage empli de gravité. Ce que concrétise le groupe avec Troubleman, chef-d’œuvre de Mondo et véritable disque dans le disque. C’est avec ruse que le couple leaders/producteur ressuscite le prog folk des seventies passées. Il le fait avec d’autant plus de classe qu’il n’en oublie pas, au passage, son sacerdoce pop. A la fois complexe et immédiat, cet homme troublé nous invite à traverser le vrai « monde » de Electric Guest. Epique, la chanson ballote entre passages impétueux et ambiances ombrageuses à la poésie tourmentée. Après ces fulgurances princières, la fin d’album sonne comme une descende d’acide, comme un petit matin brouillé par les bacchanales de la veille. American Daydream par sa mélancolie ouatée et son indolence cool valide cette impression. Malgré la joliesse de son thème, Control clôt le disque de façon un peu trop abrupte là où l’on attendait un final ouvert comme un horizon radieux. Ainsi, on aurait préféré trouver en onzième position le single Jenny, parfait exemple du savoir-faire du groupe et dont les dernières secondes s’abandonnent au rythme pur et robotique de Matthew Campton, deuxième tête pensante de cet album étincelant et actuel dont nous nous sommes saisi le temps d’une écoute aussi religieuse que palpitante.
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