Un duo de L.A s’invite avec un premier E.P.
L’histoire du rock regorge d’albums dits de producteur. Sans même aller jusqu’à sortir de sa prison le maniaco-créatif Phil Spector, on peut citer quelques nababs de studio qui réunirent autour d’un projet, le plus souvent conceptuel, un groupe de circonstance. De l’anecdotique (The Mesmerizing Eye produit par Hank Levine et Larry Goldberg en 1967) à la franche réussite (The Smoke de Michael Lloyd et The National Gallery tout deux sortis en 1968), la démarche ô combien iconoclaste ne pouvait que faire école. Retour aux années 2000. Un homme se construit un destin. Brian Burton aka Danger Mouse s’impose aux fils des collaborations comme l’aiguillon artistique de ce nouveau siècle pop. D’abord avec le duo soul Gnarls Barkley. Puis, on le retrouve tous azimuts avec Damon Albarn au sein de Gorillaz et de The Good, The Bad and The Queen, avec Beck, Daniel Luppi ou encore les Black Keys. Dernière exemple d’association alchimique des talents, Broken Bells avec James Mercer, leader des sublimes Shins. De quoi donner le tournis. Peu avare en projets, l’homme décide de produire le premier album d’Electric Guest. Mais attention, il ne s’agit pas là d’un nouveau jouet dans les mains de la souris dangereuse. Asa Taccone et Matthew Campton, les têtes pensantes du groupe, savent écrire des chansons. Mieux, ils leurs donnent un espace où s’épanouir. Et malgré les idées, sons, et autres bidouilleries, Burton s’y plie avec grâce. Le producteur s’est ainsi effacé derrière ses poulains qui, dans l’émancipation créatrice, se révèlent en futur espoir pop de cette nouvelle année 2012.
Un premier EP pour en témoigner.
Quatre chansons sont extraites de leur futur opus, Mondo, qui paraîtra au printemps. Pour l’inaugurer dignement, deux singles au doux parfum d’été ont fait leur apparition sur la toile. This Head I Hold décline religieusement les leçons de la soul américaine sans sombrer dans la tendance rétro. Burton a savamment glissé au milieu des couplets des trouvailles comme cet effet de scratch sur la voix angélique d’Asa Taccone. Déjà, on est séduit. Certes le morceau défile comme une étoile filante dans la nuit noire et rouge d’une Californie dont le ciel et le l’océan ne font qu’un. Le son est ici aquatique. Bleu. Chaud. Solaire. On est bien. Autre pépite tubesque inversant l’ordre établi en commençant par un refrain façon chœurs enfantins, American Daydream. Rien que le nom prend les atours de l’hymne définitif. Sur un tempo plus lent, le groupe distille une ambiance de douce mélancolie et le mix de la voix sur les couplets transcende alors cette impression. Jusque-là, c’est un sans faute. Que personne ne semble vouloir remettre en question à l’écoute de Jenny qui plait par son étourdissante facilité à trousser une pop song aussi naturellement que cela. A ce propos, Courtney Taylor, leader des Dandy Warhols, déclarait dans le docu DIG! « I sneeze and hits come out* ». On en est là. Chose étonnante, dès la deuxième plage, l’auditeur curieux se retrouve face à un objet vaporeux non identifié : Troubleman, composition hypnotique de huit minutes. Car si le les musiciens se sont plu à dilater le temps, ils n’ont pas oublié l’idiome pop. Le morceau se construit autour d’un couplet et d’un refrain répétés à l’envi, jusqu’à l’extase ; rappelez-vous, nous sommes en Californie. L’homme troublé, c’est un peu nous. A l’écoute de ces titres, les sens s’engourdissent progressivement, les paupières tombent et la musique nous emmène alors dans je ne sais quelle rêverie nimbée. Le tour de force dans tout ça est qu’entre temps nous avons déjà oublié Danger Mouse et sa prod’ si identifiable. Certainement un signe qui je l’espère se vérifiera avec l’album. Rendez-vous le 23 avril. L’attente risque d’être aussi longue que Troubleman. C’est dire.
Electric Guest, This Head I Hold EP (Because Music)
http://www.deezer.com/fr/music/electric-guest/this-head-i-hold-1533250
http://www.youtube.com/watch?v=YExPebCDCdo
http://www.youtube.com/watch?v=IBDdnEjGW04&feature=related*J’éternue et les hits sortent
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