Des hauts débats, part IV

par Adehoum Arbane  le 24.04.2012  dans la catégorie Des hauts débats

Faut-il réhabiliter les hippies ?

Ah, les hippies… Plus jeune, je vouais à ces sympathiques chevelus un culte quasi obsessionnel. J’étais ainsi fasciné par leur conception de la société, l’amour libre, le rêve communautaire, le rejet du consumérisme et de la culture officielle. Au fond, ils étaient la jeunesse. L’avenir ! Aujourd’hui, la tribu prophétique aux prunelles ardentes et… aux cheveux filasse, guenilles bariolées, sandales odoriférantes, breloques artisanales et autres bricoles « bio » me débecte. Oui, je dois bien l’avouer, j’ai en horreur leur attirail hétéroclite ! Leurs manières négligées autant que leurs mamelles pendantes. On les retrouve partout, sur les quais à boire de la mauvaise bière en frappant d’épouvantables tam-tams, à la sortie des métros entourés de chiens pouilleux, dans les festivals rock à écluser leur artisanat bas de gamme. Ambassadeurs méphitiques du Psychédélisme depuis l’été de l’amour 1967, les hippies ne mériteraient-ils pas cependant une seconde chance ?

Django Django, hippies 2.0.

Je dis cela, je ne dis rien mais la question se doit d’être posée. En ce milieu d’année 2012, un groupe fait sensation. Ils sont quatre, plutôt proprets, voire stylés. On les croirait échappés d’une soirée VIP à la Gaîté Lyrique. Mais non. Ils ont grandi dans une Art School de Birmingham et sont présentés comme les fils spirituels d’un groupe écossais, conglomérat de hippies débonnaires, The Beta Band. Ils ont pour nom, étrange, Django Django et partagent avec leurs grands frères plus d’un point commun. En effet, nos fringants musiciens cultivent les mêmes postures. Développent les mêmes univers musicaux, à quelques détails près. Et vont jusqu’à adopter un timbre de voix identique. Ce qui les distingue de leurs ancêtres altermondialistes, clochards à flûtiaux, vaut bien plus qu’une réhabilitation ; je veux parler de consécration. Non, je n’ai pas retourné casaque. Je maintiens ce que je dis et je peux même avancer des preuves. Allez, au moins une. Leur premier album éponyme à la pochette vierge de toute citation. D’apparence anodine, il renferme treize titres des plus intéressants. Pas radicalement psychédéliques, ni fondamentalement pop, les chansons de Django Django naviguent dans un entre deux plutôt heureux. Contrairement à d’autres musiciens en tongs, leurs morceaux ne dépassent jamais la barre fatidique des cinq minutes ; point de jam chez nos laborantins poupins. Ainsi ont-il trouvé l’équation musicale parfaite : savant dosage, au cheveu de beatnik près, entre électro sommaire et pop élémentaire. Poussons plus loin l’analyse. Sans bouleverser les saintes règles du songwriting, nos sorciers du son produisent une musique obsédante, sorte d’hypnose dont Waveforms serait le morceau VRP par excellence. Empli de glouglous et autres biiiizzzzzzzzzz chipés à l’électro et la synthpop, le titre provoque en vous, au fur et à mesure de sa progression, une vibration bonne, quasi mathématique. Math pop. Ouais. L’appellation convient à merveille. D’autant que d’autres atouts viennent se greffer. Comme ces voix en chœurs, superposition de tessitures étrangement similaires, mais dédoublées, décalées comme si nous avions à faire à des CSN&Y contemporains. Idem pour Zumm Zumm qui adopte le même principe clé. Un couplet scandé, en boucle, comme s’il était mixé, auquel s’ajoute un refrain cristallin fleurant bon le psychédélisme brit’ avec son clavecin revisité. Certes, la limite de leur exercice tient dans ce sentiment de copier-coller dans leur mode opératoire d’écriture. Défaut qui devient « great » dans la mesure où l’album entier sonne comme une grande messe païenne, une fête éternelle et sensorielle. Happening musical à taille humaine ? On n’en est pas loin. Mélodies métronomiques ? Le clin d’œil se tient, les deux formations partageant le même label en France. Quelques minutes (heures) plus tard, on tombe, béat, sur Love’s Dart dont la guitare aux cordes de « nylon » confère au titre une dimension organique, tribale. Mais fondamentalement occidentale. Là encore, la déclinaison fait la force du morceau. Court, incisif, sériel. Autre particularité et je m’arrête là dans l’autopsie conceptuelle : la production d’une précision folle offre à nos oreilles affamées la possibilité d’isoler et d’écouter chaque son, chaque idée. Une fois le puzzle rassemblé, le matériau n’en apparaît que plus fascinant. Comme ce Silver Rays qui transfigure la finale de ce disque sans vraies chansons, mais profondément actuel, subtilement diamantaire.

Épilogue.

Hâtivement qualifiés de rénovateurs de la pop par une certaine presse paresseuse dans ses analyses, les quatre de Django Django n’en dépoussièrent pas moins son langage. Nous pourrions ainsi parler de transe accessible, raisonnable tant leur musique remue en vous ces passions honteuses pour le chant tête haute et bras levés façon musique de stade. On parlerait presque de disque choral. Et pourquoi pas ?

http://www.deezer.com/fr/music/django-django/django-django-1459292

 

 

 

 


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