Un récital de variété. La chose était nouvelle. Etre à l’affiche de l’Européen, une vraie salle ? Idem pour Charles-Baptiste, jeune érotomane de la chanson dite française lorgnant d’un œil goguenard sur la pop moderne à synthé, basse rondelette et grattes revêches qu’il s’emploie à traduire sur disque. Voilà le décor posé, expression se prêtant d’autant mieux à l’imaginaire « live ». Pour l’heure, point d’instrumentarium gargantuesque sorti de la caverne d’Ali Baba d’un studio mais un unique piano. Noir, étincelant et surtout ciglé des initiales CB avec éclair en guise de trait d’union. Eclair de génie cela va sans dire. Ce soir, la scène lui appartient, la salle aussi. On trépigne en silence. Puis d’un coup, la salle se remplit. Tout ce que Paris compte de hipsters, de rockologues et de journalistes arrive en masse. Pour la messe. On se salue, on papote et on s’assied. L’artiste fait enfin son apparition. Malgré le concept de la soirée, la chaise remplie, c’est une salve d’applaudissements qui accueille le jeune compositeur interprète.
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Lumières. Diffuses. Poudrées. Le récital débute par En route pour l’oscar. Et là, je dis stop in the name of love. Je ne vais pas refaire LA chronique du concert tel que je l’ai vécu. Trop facile. On friserait l’inventaire rébarbatif. Prétentieux. Gavant. Si j’ai sorti ma plus belle plume, c’est tant pour faire honneur au musicien que je suis depuis maintenant cinq ans que pour me livrer à l’introspection. Ces chansons, je les connais depuis leur naissance, d’abord sous la forme d’un texte. Puis d’une démo, enregistrée lo-fi dans l’antre du bonhomme. Enfin, je les ai vues s’épanouir à chaque concert, dans chaque rade, cabaret, caveau, club branché ou tradi. Certaines existent aujourd’hui sur support discographique. Ce soir, Charles-Baptiste les maîtrise à la perfection, jouant parfois avec l’une ou l’autre, ralentissant le rythme, dilatant un pont dans un souffle rauque, douloureux. « Moi, je voudrais mourir sur scène » chantait une certaine Yolanda Gigliotti. Petit détail cocasse, le maître a changé certaines paroles afin de ne pas incommoder son public. Comme les Stones lorsqu’ils passaient au Ed Sullivan Show. Classe ! Les chansons s’enchaînent, entrecoupées d’interludes drolatiques et autres traits d’esprit. Parfois, Charles-Baptiste s’arrête, croise les jambes et se lance alors dans un souvenir de jeunesse. Tout cela semble improvisé, naturel. Certes. Mais tout est pensé : l’anecdote sert d’ouverture à Dans ma chambre d’adolescent, tube potentiel du Ep et du futur album. La salle jubile quand résonnent les premières mesures de Bouge tes hanches. Derrière ce titre, une habile relecture de Do The D-A-N-C-E de Justice. Ô exultation ! Très à l’aise avec son répertoire, Charles-Baptiste a eu l’honnêteté d’abandonner ses vieux titres de jeunesse, oxymore facile, d’où une impression réelle de maturité. Les titres, cohérents dans leur registre, font mouche et pas seulement parce que le public semble acquis d’avance. Première raison, l’alternance entre singles et morceaux plus profonds. Surtout, chaque composition tend vers un aboutissement. Equilibre parfait entre le texte, épuré, poétique et la mélodie comme dans Ils vont me manquer ou le refrain au motif musical très anglais répond parfaitement au minimalisme précieux de certains vers comme « J’aimais bien ton p’tit frère/Pour toutes ses aventures/Au pays des skateurs/Et de quelques drogues dures ». Même topo pour Non négociable à l’étonnante véracité. Comme si la chanson avait toujours existé dans l’inconscient collectif. On aime. On en redemande. Puis, le final ! Aussi rock que celui du clip de November Rain des Guns, l’artiste se délestant dans la ferveur du moment, tel un Slash néo-moderne, de sa veste et de sa cravate sous les cris des groupies en furie. Beaucoup de « i ». Un récital avec rappel, qui dit mieux ? Alors que les mains claquent, notre singer-songwriter revient le temps d’un dernier titre, Je t’attends dans la voiture. Cette variation sur le thème de l’usure du couple séduit par son humour vif, sa tendre cruauté. Peinture acerbe des pièges de la vie bourgeoise. Nouvelle salve. Rideau.
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L’incarnation ultime de cette naissance artistique en live, le maxi édité en tirage limité pour l’occasion. L’artwork aussi accompli que le contenu impressionne, excite, émeut. Charles-Baptiste n’a jamais aussi bien joué, chanté. Il n’a jamais été aussi beau, fringuant sur papier glacé (et en intérieur bourgeois). Et dire que dans la setlist se trouvent les quelques chansons qui constitueront la trame des sentiments inavouables. On vous l’avoue, on piaffe d’impatience.
Setlist :
En route pour l'oscar
Aussi cool que toi
Moi je reste ici
Je ne quitterai pas ma femme pour toi
Non négociable
Ils vont me manquer
Dans ma chambre d'adolescent
Rdv en plein jour
Ça doit être dur (d'être aussi jolie)
On veut des tubes
Bouge tes hanches (Justice cover)
Piquez-moi avant
Ça sert a quoi
C'est cette année
Ce ne sont que des jeunes
J'écoute de tout, j'suis fan de rien
Rappel : Je t’attends dans la voiture
http://www.deezer.com/fr/music/charles-baptiste/premiers-aveux-1553234
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