Pour paraphraser Lennon lorsqu’il évoquait l’effet qu’il souhaitait obtenir pour Tomorrow Never Knows, le nouvel opus de The Horrors sonne comme le chant du Dalaï Lama en haut de la montagne. Dès Changing The Rain, ces mots empruntés frappent aussitôt l’esprit. Adoubé par Geoff Barrow, le quintet londonien nous revient sous d’autres cieux languides poursuivant sa quête musicale et spirituelle… Je voulais dire droguée. Mais ici, l’absorption possible de psychotropes en tous genres n’enlève rien aux qualités intrinsèques de la musique. Faris Badwan et ses kids ont quitté leurs oripeaux gothiques, qui les ramenaient plus vers Tokyo Hotel que vers Joy Division, pour se métamorphoser en magiciens des temps modernes. En dix morceaux incarnés, ils construisent un rock tridimensionnel entre cold wave, shoegaze et psychédélisme. Rien que ça. Autre équation, Primal Scream meet New Order meet My Bloody Valentine. Loin des froideurs blafardes et sublimes de Primary Colours, les chansons de Skying baignent dans les radiances polyphoniques. Claviers, guitares, batterie, basse et parfois quelques trompettes, tous les instruments se fondent dans un magma spectorien, un mur du son immense, ample, formidablement restitué. L’art du groupe est poussé à son paroxysme dans la plupart des titres même si certains se détachent, porteurs d’une extase sensorielle infinie… Comme ce Dive In lyrique aux échos solaires tournoyant à chaque refrain. A ce propos, la voix de Faris Badwan semble s’être assagie : moins théâtrale que dans l’opus précédent, elle s’est en quelque sorte morrisonisée. Son timbre, voluptueux et clair, sert à merveille des paroles hédonistes. « Under a sky, no one sees, Waiting, watching it happening. Don’t hurry give it time, Things are the way they have to be. Slow down, give it time, Still life, you know I’m listening ». Certes, nous n’avons pas à faire à un orfèvre des mots du calibre d’un Ray Davies ou d’un Randy Newman mais les textes remplissent largement leur office lysergique donnant à Still Life des tournures incantatoires que les synthés cristallins, tout en riff mémorisables, enrobent majestueusement. Autre merveille, Moving Further Away dépassant les huit minutes aux compteurs de l’extase acide et dont l’unique mélodie se développe en montagnes russes soniques. Suivant la même logique que Sea Within A Sea, la chanson serait une sorte de Tomorrow Never Knows des années 2000 rejoué par Yes. Vous imaginez le résultat, progement hallucinant. Juste après la dernière seconde, qui vous laisse exsangue après une reprise dédoublée du thème original, s’en suit Monica Gems dont l’architecture « riff à nu + explosion de claviers et de chœurs + refrain basico-jouissif + final démentiel avec voix en canon » vous renvoient direct dans je ne sais quel trou noir intersidéral. Pour se ressourcer, il fallait rien moins qu’une île irradiée de mer et de soleil comme Santorin où le vin est si bon. Et cette île bien connue pourrait trouver son équivalent musical dans Oceans Burning dont les brûlures océaniques, donc, vous envelopperont à jamais. Oh, bien entendu, entre ces pièces maîtresses, on trouve des petites merveilles comme You Said et son farfisa so geek, I Can See Through You et ses lalalas dark pop, Endless Blue et son entame peace débouchant sur une punk song du meilleur effet, Wild Eyed tout en retenu synthétique. Un trip de cinquante six minutes prouvant la maturité de cette formation hors norme qui d’un album à l’autre, trois au total, revisite l’histoire de la pop music sans jamais sombrer dans la relecture poussive ou l’imitation paresseuse. Quant au Dalaï Lama, il chante là-haut sur la montagne répondant par ses mantras rassurants aux froids sortilèges de Saroumane dans les Deux Tours ou un truc dans ce goût-là. Une chose est sûre, le vénérable doit certainement posséder dans le réduit sombre de sa cellule un exemplaire de Skying de The Horrors.
The Horrors, Skying (XL)
http://www.deezer.com/fr/music/the-horrors/skying-1183073
http://www.youtube.com/watch?v=sJQk0jDZx8o
Commentaires
Il n'y pas de commentaires