Comment je fabriquais le parfait petit baladeur à la pomme 20 gigas sans sélection à la noix.
La marque à la pomme a envahi notre existence, s’invitant même jusque dans notre plus profonde intimité. Tous ses produits se baladent dans nos poches, sacs à main, besaces, quand ils ne quittent pas littéralement notre main. Fugace moment de lucidité au moment où je m’apprête à perfectionner l’une de ces diaboliques machines. Perfectionner. Comme le mot sonne juste. Non, il ne s’agit pas de l’un de ces téléphones aux applications illimitées mais de cette mirifique invention qui relégua rapidos notre bon vieux baladeur CD dans les oubliettes du consumérisme occidental. Il faut bien avouer que l’objet représente une révolution réelle dans nos vies de musicologues de merde. Dans ma prime jeunesse, lorsque je m’apprêtais à rejoindre mon lieu de villégiature habituel, j’emportais dans mes valises mon walkman et une boîte de chaussures dans laquelle je sélectionnais les quelques disques compacts qui allaient m’accompagner deux mois durant. Une seule boîte pouvait faire le voyage. Il fallait imaginer le sacrifice que je consentais à faire : ne choisir qu’une petite vingtaine d’albums. Quelques années plus tard, avec la démocratisation de l’ordinateur, je me mis à graver des compilations pointues et partais en voyage avec plus de musique qu’il n’en fallait pour contenter un apprenti rockeur en devenir. Imaginez ce qui arriva quand le baladeur numérique fit sa si remarquable entrée. Avec le giga comme unité de mesure, les possibilités étaient quasi exponentielles ! 8, 12 puis 20 gigas octets mes amis ! J’avais atteint un large potentiel de stockage musical mais me restait une tâche essentielle à accomplir. 20 gigas, c’était Byzance mais d’une certaine manière limité. Lorsque l’on possède comme moi une culture rock plus que conséquente et les centaines de CD et vinyles qui vont généralement avec, on fait preuve alors de prudence. Je commençais donc le long et patient travail de sélection. Et comme vous le savez tous, choisir c’est se priver, aussi redoublais-je d’attention pour n’en conserver que la substantifique moelle. De nombreux obstacles se présentaient à moi que je surmontais un à un. Je me faisais un point d’honneur à répertorier dans les entrailles de mon appareil digital la mémoire vive du rock sixties, les essentiels comme on dit souvent. Mais peut-on parler d’essentiels à l’endroit des glorieuses années 60/70 ??? Pour bien faire, je renonçais partiellement à mon sacro saint culte de l’album pour lui préférer le best of, certes imparfait mais horriblement efficace. Grâce à ce choix, je conviais dans ma playlist Les Byrds, Creedence, Dylan, Lovin’ Spoonful, Yardbirds, Seeds, Who et autres Mamas & Papas. Pour les albums, je m’en remettais aux chefs-d’œuvre : Rock Bottom de Wyatt, Killer d’Alice Cooper, les deux premiers et le dernier Doors, Axis Bold As Love de Jimi (ok, les deux autres auraient pu intégrer le ban). Seuls les Beatles eurent le privilège de voir figurer toute leur discographie et en plusieurs versions de surcroît : réédition mono, stéréo, et version vinyle avec les craquements de la bonne vieille galette le tout en format mp3 !!! L’obsession était telle que je me devais d’y ajouter les nouveaux noms de l’indie rock des années 00. Là aussi, le boulot relevait de l’exploit tant il fallait couper, élaguer : ce qui ne m’empêchait pas de conserver les trois Shins, les deux derniers Besnard Lakes, trois des meilleurs disques des Coral et l’œuvre entière de Syd Matters. J’en oublie au passage, oh, il ne s’agit là que de citations : tous les autres attendent d’être écoutés demain et tous les autres jours que le dieu du rock fera. Putain, j’en devenais complètement dingue ! En plus de remplir la bestiole jusqu’à la garde, rien à voir avec Christine, je m’attaquais à une nouvelle mission toute aussi compulsive, voire fondamentalement psychopathique. Si je ne pouvais pas décemment foutre les décennies 60 et 70, les quelques groupes acceptables des 80s, les bruyantes années 90 et les 10 premières années du nouveau siècle, je devais en prélever l’esprit au sens strict à travers… LES SINGLES !!! L’histoire du rock avait débuté avec ces petites choses délicieusement calibrées, follement passionnantes, faites de couplets et de refrains, de romances chantées en seulement deux minutes et trente secondes !!! Cet audacieux parti-pris allait de plus me permettre de synthétiser tous les genres, soul, funk, jazz, pop, power pop, rock, hard, glam, électro. Ainsi, j’arrivais à faire cohabiter Smokey Robinson et les larmes de son clown avec le pyromane Arthur Brown. Je confrontais aussi les romantiques Smiths et leur mirifique tube There Is A Light That Never Goes Out aux rutilants rockeurs de Mott The Hoople. Et puis, dans ma profonde mansuétude, je sauvais au passage de l’oubli les only one hit’s bands. Ces seconds couteaux du rock représentaient une confrérie nombreuse. Leurs œuvres, quand ils arrivaient à en produire une, étaient la plupart du temps sans âme, insignifiantes mais à force de persévérance, ils avaient pondu LE tube légendaire : je veux parler de Friday On My Mind des fugaces Easybeats, du sublime Pictures Of Matchstick Men des horribles Status Quo, de Happy Togteher des gentils Turtles, de Apache des merveilleux Shadows, de Micheal Angelo des éphémères 23rd Tunroff, de No Milk Today des proprets Herman’s Hermits, de Sunny du trop longtemps ignoré Bobby Hebb ou encore de Venus des Shocking Blue. Sans omettre de traiter avec diligence la catégorie « chefs-d’œuvre pointus et confidentiels » dont les Pete Dello, Billy Nicholls, Duncan Browne, Harry Nilsson, Twice As Much, West Coast Pop Art Experimental Band formaient le bataillon serré. Le disque culte avait aussi su trouver sa place, ainsi célébrais-je tout aussi dignement Pet Sounds (également en versions mono et stéréo), In The Court Of The Crimson King, Odessey & Oracle, Tago Mago, Bitches Brew, Close To The Edge, In-A-Gadda-Da-Vida, Ram, La Devanture des Ivresses, Astral Weeks, le fameux et mythique The VU & Nico, S.F. Sorrow, Pacific Ocean Blue, Harvest, Hot Rats. Je frisais la quasi perfection méthodique et absolue ! J’étais un dieu doré. Là, je déconne à pleins tubes (AHAHAHAHAH) mais la playlist définitive commençait à prendre forme. Oh, bien entendu, les nouveautés n’étaient pas en reste. Je consentais à donner leur chance à de jeunes formations en retenant une ou deux chansons comme avec les petits français d’Austerlitz et leur si efficace hit Walking Into The Fire. A l’écoute de l’intro de clavier, je ne pouvais me résoudre à les exclure arbitrairement. Ils méritaient d’être là, tout contre moi, dans ma poche ou entre mes mains. Ces espoirs-là, j’en comptais quelques uns : Pendentif, Alexandre Chatelard, Mehdi Zannad, Charles-Baptiste, Travis Bürki parmi quelques anciens comme Air et le Sexy Boys ou Phoenix et leur hommage pop à Liszt. Ils côtoyaient les Kinks, Small Faces, Pink Floyd, Velvet, Otis, Janis, Donovan, Supremes, Beach Boys, Deep Purple, Led Zep, Marvin Gaye et autres figures mythiques. Pour cela, je tranchais dans le vif, ne conservais que le meilleur, le top du top, l’élite planétaire de la pop. Dans une logique jusqu’au-boutiste, j’allais même chercher les pochettes des vinyles originaux sur Flickr ! Et après des mois de labeurs, de larmes versées (adieu, groupes psyché inconnus mais géniaux à mon sens), je triomphais enfin ! Mon iP… Baladeur de marque fruitière contenait la quintessence du Genre. Bravissimo ! Alléluia ! Cooooool ! J’en pleurais de bonheur, assis sur le canapé de l’universalisme libéral. Alors qu’un rayon de soleil presque divin caressait mon visage hilare, ma femme me lança machinalement un « chéri, à table ». C’est parfois con une obsession.
Épilogue.
Le métro bringuebale son corps métallique dans un murmure qui passerait pour agréable si je n’étais pressé entre un bonhomme mal endimanché et une aisselle déjà odoriférante. Mon bras paralysé essaye de se soustraire à son état et je sens ma main retirer de ma poche mon graal à moi. Mon pouce glisse sur l’écran, touche un artiste, on hurle à mon oreille. Mais pas contre moi. C’est aussi cela le rock. Méchamment vociférant mais jamais méchant. Et là, il n’y a que le meilleur. La chanson en question ? Il s’agit du morceau que ma femme et moi avons en commun et qui nous met dans des transports, sans mauvais jeu de mots, des plus érotiques, I Wanna Be Your Dog des Stooges et en deux versions : celle d’origine et le tout premier mix proposé à l’époque par John Cale. Le meilleur n’interdit pas la folie.
http://www.deezer.com/fr/#music/playlist/perfect-ipod-extrait-61748625
The Agency, Air, Alice Cooper, Alister, America, Amon Düül II, The Animals, Any Version Of Me, Arcade Fire, P.P. Arnold, Brian Auger & The Trinity, Austerlitz, Avi Buffalo, Badly Drawn Boy, The Band, Syd Barrett, The Beach Boys, The Beatles, Belle & Sebastian, The Besnard Lakes, Black Rebel Motorcycle Club, Black Sabbath, David Bowie, The Box Tops, The Brian Jonestown Massacre, Marc Brierley, Broadcast, Broken Bells, Arthur Brown, Duncan Browne, Tim Buckley, Buffalo Springfield, Eric Burdon & The Animals, Travis Bürki, Kate Bush, The Butterfield Blues Band, The Byrds, Can, Canned Heat, Captain Beefheart & His Magic Band, Caravan, Chagrin d’Amour, Château Marmont, Alexandre Chatelard, Joe Cocker, Cocoanut Groove, Leonard Cohen, Cold Sun, John Coltrane, The Coral, Country Joe & The Fish, Cream, Creedence Clearwater Revival, Crosby, Stills & Nash + & Young, John Cunningham, The Dandy Warhols, Miles Davis, Brian Davison, Deep Purple, Pete Dello & Friends, Depeche Mode, Derek & The Dominos, Devo, The Divine Comedy, Dog Is Dead, Donovan, The Doors, Dorian Pimpernel, Nick Drake, The Dukes Of Stratopshear, Bob Dylan, The Easybeats, Eldia, The Electric Prunes, Bill Fay, The Fiery Furnaces, The Flaming Lips, Fleet Foxes, Arnaud Fleurent-Didier, The Flying Burrito Brothers, The Flying Lizards, The Four Tops, Aretha Franklin, Serge Gainsbourg, Marvin Gaye, Genesis, Roger Glover, Gnarls Barkley, The Go! Team, Grandaddy, Grateful Dead, The Gris Gris, Grizzly Bear, The Guess Who, George Harrison, Murray Head, Bobby Hebb, Dashiell Hedayat, The Jimi Hendrix Experience, Herman’s Hermits, The Horrors, Incredible String Band, Interpol, Iron Butterfly, Janis Joplin, Jefferson Airplane, Jet, Jethro Tull, Joy Division, Alain Kan, Katerine, King Crimson, The Kingsbury Manx, The Kinks, Lenny Kravitz, LCD Soundsystem, Led Zeppelin, The Left Banke, John Lennon, Local Natives, Love, The Lovin’ Spoonful, Magma, The Mamas & The Papas, Manfred Mann, Martin Circus, The Masters Apprentices, Matching Mole, John Mayall & The Bluesbreakers, Mazzy Star, MC5, Paul McCartney, McDonald & Giles, Scott McKenzie, Don McLean, Melmoth, Metronomy, MGMT, The Monkees, Montage, Moody Blues, Ennio Morricone, Van Morrison, Mott The Hoople, The Move, Fred Neil, Neutral Milk Hotel, Billy Nicholls, Nico, Harry Nilsson, October Country, Andrew Oldham Orchestra, One Ring Zero, Pendentif, Phoenix, Wilson Pickett, Pink Floyd, Police, Michel Polnareff, Iggy Pop, The Postal Service, The Pretty Things, Alan Price Set, Princeton, Procol Harum, Queens Of Stone Age, Jay Reatard, Otis Redding, Lou Reed, Martha Reeves & The Vandellas, The Remains, The Righteous Brothers, Smokey Robinson & The Miracles, Kenny Rogers & The First Edition, The Rolling Stones, The Ronettes, The Runaways, Sagittarius, Santana, The Seeds, The Shadows, The Shins, Shocking Blue, Simon & Garfunkel, Nancy Sinatra, Small Faces, Elliott Smith, The Smiths, Soft Machine, Sonic Youth, Sonny & Cher, Sourya, Spirit, Dusty Springfield, The Status Quo, Steppenwolf, Cat Stevens, Alan Stivell, The Stooges, Strawberry Alarm Clock, Sufjan Stevens, Supertramp, The Supremes, Sweet Smoke, Syd Matters, T. Rex, Tame Impala, Television Personalities, The Third Bardo, The Keith Tippett Group, Traffic, Tudor Lodge, Ike & Tina Turner, The Turtles, Twice As Much, Van Der Graaf Generator, Vanilla Fudge, The Velvet Underground, Peter Von Poehl, The Warlocks, Warpaint, West Coast Pop Art Experimental Band, The Who, Dennis Wilson, Brian Wilson, Amy Winehouse, Robert Wyatt, Xu Xu Fang, Yacht, The Yardbirds, Yes, Neil Young, The Youngbloods, Mehdi Zannad, Frank Zappa, The Zombies, 10cc, The 13th Floors Elevators, The 23rd Turnoff.
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