The English riviera. Le titre en lui même sonne étrangement. Comme un oxymore. On imagine mal évoquer le terme de riviera, bande de terre s’étirant depuis la côte d’azur jusqu’à la Spieza italienne, à propos de l’Angleterre. L’île balayée par les nuages et les pluies ne se prête guère aux langueurs estivales, l’esprit perdu sous un ciel invariablement bleu. C’est pourtant le titre qu’a choisi Joseph Mount, leader de Metronomy. Installé depuis ses débuts dans la région côtière du Devon, le nouveau groupe a inventé à travers ce dernier album un rêve de Floride déroutant. Comme en atteste la représentation minimaliste, graphique, anonyme de la pochette au palmier. Cette réalité contradictoire s’exprime ici, à chaque minute de l’album, d’autant que les chansons épousent tous les registres de la pop. La logique des contraires s’explique avant tout par un album séduisant mais imparfait. Une unité de production mais autant de directions empruntées comme si le nouveau groupe ne voulait rien oublier dans sa démarche de pondre l’album évident, indiscutablement bon. Un songwriting souvent absent, prenez le cas de The Look qui possède tous les atours de la pop song ultime mais dont la construction progressive délaisse couplets et refrains classiques. Et pourtant. Installée sur sa rampe de lancement, la chanson continue sans vraiment débuter pour nous préparer au solo de synthé dont la beauté, toute en nappes, constitue un point d’orgue sublime. Quelques morceaux nous apparaissent plus clairs comme Everything Goes My Way, chantée par la batteuse Anna Prior, ou le très rock Corinne. A ces chansons formellement simples s’opposent des titres plus ambitieux dont les structures empruntent au jazz, à la pop prog de l’école de Canterburry (Some Written). On y découvre toute la batterie de claviers de Joseph Mount donnant à certaines compositions une dimension solaire et languide. Par goût de la contradiction, le groupe déballe, entre deux, des compos résolument dance (The Bay) mais en conservant cette même exigence mélodique. Ainsi va Love Underlined qui vous emmènera dans les confins de la nuit anglaise aux tessons d’étoiles cabossées. Mais le concept des inverses est poussé plus loin par le groupe, jusque dans ses ultimes retranchements. Ainsi, Metronomy, s’il n’a pas renoncé à son goût pour l’électronique paillarde, semble céder à cette vérité : la pop n’est pas un vague produit de consommation mainstream. Non, la Pop, vous noterez la variante cachée derrière la sournoise répétition, la Pop disais-je incarne par son écriture universelle et intemporelle le langage ultime d’une musique préemptée par la jeunesse. Axiome vérifié depuis plus de quarante ans même si la pop fleureta longtemps avec le rock. Et j’en viens au point essentiel de cette chronique (je reprends la première personne car le moment est grave autant que solennel) : l’électro n’est pas une forme de musique à part entière, un genre indépendant des autres. Si elle se présente ainsi, il s’agit d’une anomalie, d’un phénomène certes global dans sa tendance mais pauvre dans sa réalité propre. La pop, elle, représente une entité complexe, la forme la plus courte de narration chantée et que chacun peut s’approprier. Aucun hasard si des générations succesives fredonnèrent les tubes (comme on les appelle s’agissant de la pop) des Beatles, des Stones ou des Beach Boys. Une pop song c’est un pays, toutes les pop songs d’un album prenant les formes définies d’un continent. L’électro n’est rien en comparaison de tout cela si, à un moment donné, elle ne suit pas à la lettre les sacro saintes règles de la pop music. Elle restera tout juste un produit vaguement chimique, fait pour danser. Vous direz que le rock des premiers âges poursuivait le même but. Faire danser. La pop naissante fut créée pour penser. Peut-on en dire autant de l’électro ? Pour reprendre les mots d’Irmin Schmidt, fondateur du groupe allemand CAN, « L’électronique est pour moi un générateur de sons, un enrichissement des instruments qui existent déjà. (…) Ce n’est pas l’avenir ». Cette synthèse impossible, Metronomy l’a osée. Ils ont su se débarrasser légèrement (autre oxymore) de leurs oripeaux électroniques pour épouser, même de façon inégale, les canons de la pop. Cela nécessitait un certain courage. Cela mérite aujourd’hui notre considération.
Metronomy, The English Reviera (Because)
http://www.deezer.com/fr/music/metronomy/the-english-riviera-936365
Commentaires
Cassette
22.05.2011
Bonne critique de l\'album, et remarque juste concernant les qualités intrinsèques de la pop music.
Si affirmer que la musique électronique (si souvent nommée à la va-vite \'electro\')n\'est pas un genre en soi est vrai, affirmer cependant que ses diverses composantes (techno, deep house, balearic, et j\'en passe) ne puissent l\'être témoigne de leur méconnaissance véritable.
L\'album d\'Apparat \"Walls\" (2007) est un vrai album de musique électronique, pour n\'en citer qu\'un, n\'en déplaise à certains.
Si Metronomy fait toujours de la pop, on ne peut se forcer éternellement à faire entrer tous les albums récents dans des carcans vieillots (pop, rock, soul... on dirait une annonce radio pour RTL).
Votre citation de CAN reste celle d\'un groupe de rock progressif des années 70... peu en rapport avec ce que nous connaissons aujourd\'hui.
Je vous invite dès lors à reconsidérer vos propos et à bien discerner tous les genres existants derrière le faux étendard \"électro\" - qui regroupe plus souvent les mauvaises productions et les pseudo-DJ comme Daft Punk qu\'autre chose.
La vérité musicale est bel est bien plurielle ; la pop (si n\'en n\'existait qu\'une, ce dont je doute fortement) et les musiques électroniques n\'échappent pas à la règle.
Arbane
23.05.2011
Je m\'autorise à maintenir la teneur de mon propos mais j\'y ajouterais un correctif : certes les musiques électroniques sont autant de genres participant à la richesse du corpus musical mais la différence avec la pop ou les musiques dites classiques est nette : tout le monde peut aisément fredonner des airs des Beatles ou de Chopin. On ne peut hélas en dire autant de la techno et des genres cités même s\'ils comptent dans l\'histoire du de la musique.
Dans l\'attente de lire votre réponse.
Arbane
Arbane
24.05.2011
Je m\'autorise à maintenir la teneur de mon propos mais j\'y ajouterais un correctif : certes, les musiques électroniques sont autant de genres participant à la richesse du corpus musical. Mais la différence avec la pop ou les musiques dites classiques est nette : tout le monde peut aisément fredonner des airs des Beatles ou de Chopin. On ne peut hélas en dire autant de la techno et des genres cités ci-dessus même s\'ils comptent dans l\'histoire de la musique.
Dans l\'attente de lire votre réponse.
Arbane
Cassette
06.06.2011
En effet, vous avez raison, et à juste titre : la musique électronique qui nous parvient immédiatement est aujourd\'hui parfois exclusivement \'composée\' pour passer en nightclub, ou, pire, être diffusée à la télévision.
Pour autant, la branche est riche en talents, et quelques compositions sont très habiles, même si - vous l\'avez justement souligné - moins faciles d\'accès.
Je crois que nous avons tout dit, merci d\'avoir su reconsidérer certains de vos propos.
PS : Pour ce qui est des chansons que l\'on peut fredonner, en voici une :
Gui Boratto - Beautiful Life.
Bonne journée.
Cassette