Embellie confirmée pour la conjoncture française ! La pop se relocalise en France de façon durable selon les principaux indicateurs Papapa et autres indices Lalala. Après Alister et Travis Bürki, c’est au tour de Mehdi Zannad de confirmer cette tendance. Ce consortium de songwriters émérites a trouvé le courage d’investir la place musicale française, proposant chacun à sa manière sa propre stratégie : lettrée et barrée avec Alister, poétique et classique selon Bürki, fraîche et immédiate chez Zannad. Premier album, première réussite. Courte. Evidente. Rentabilité maximum ! En seulement vingt neuf petites minutes, notre compositeur emballe dix morceaux et nous avec. Bon, on déconne, on file la métaphore pour se jouer de l’actualité forcément morose, mais Fugue mérite une citation en bonne et due forme. Plusieurs indices, peu boursiers, nourrissent cette intuition. Derrière, la Fugue de Mehdi Zannad se cache en fait Fugu, première incarnation du projet musical de l’artiste. Alors anglophile par culture, Fugu livre à la postérité deux albums aboutis en forme d’hommage. Le premier, Fugu 1, rejouait la partition des symphonies pop dont les Beatles et autres Beach Boys avaient le secret, le deuxième quant à lui, plus seventies, se plaçait tout juste entre Abbey Road et Breakfast In America de Supertramp. Le mec aurait pu trouver plus dégueu comme références. Déjà, avait-il glissé parmi la tracklist plantureuse de sa première livraison une pop song chantée dans la langue de Serge, Au départ, chanson qui frisait l’excellence. Après avoir fait l’english school buissonnière, Fugu décide de revenir, sous son vrai nom, jouer les chanteurs de charme en mode french touche. Et le résultat s’avère plutôt convaincant. Inversée, la démarche ne s’en trouve que plus audacieuse. Quelques allusions montraient déjà l’envie du jeune homme, au-delà des plans de carrière prémâchés par la DRH de la Pop Universelle Incorporated. Prenez Le tableau : « on dit que le peintre est californien, je n’en crois rien, son style est français ; je pense même qu’il habite en province et qu’il est marié à toi ». Dans ces paroles presque innocentes résonne la seule vérité de l’artiste : Mehdi Zannad peint ses chansons au couleur de la pop en se soumettant avec classe et humilité au verbe de son ami cinéaste Serge Bozon, autre mod bien connu. L’alchimie entre les deux garçons s’opèrent immédiatement, mieux, le minimalisme des paroles, leur rythmique fluide, faite de phrases courtes, n’altère en rien le ton anglophile des mélodies. C’est là le deuxième indice, l’autre clé de compréhension de ce disque simple mais à l’évidence euphorisante. Du coup, il évite ainsi le côté bavard que l’on pourrait reprocher habituellement à la chanson française. Comme un vin, l’artiste a su trouver l’équilibre entre les mots et les thèmes musicaux. Non content de pondre des titres à ce point calibrés, Ecoute, Le Peintre, Mehdi Zannad récidive avec Au Revoir et Comment Faire dont la facilité déconcertante les apparente à des tubes potentiels. Tour de force assez jouissif, ces compos-là donnent l’impression d’exister depuis des années comme si nous les connaissions toutes (par chœur ?) depuis longtemps. Au-delà du savoir-faire mélodique de Zannad, les chansons possèdent leur personnalité propre. Et quand il ose aller plus loin, repousser les frontières du temps et glisser dans ces quelques minutes de plus des arrangements fastueux, la formule continue de tourner comme un grand huit de foire baroque. Sur Sarah par exemple où l’inspiration se fait plus sombre, plus dense. Les cuivres admirablement fondus tels des tanins grondent au point de contribuer à la dramaturgie du thème. Quant à Paresse, le morceau semble s’étirer et Zannad de le justifier ainsi, prenant son temps pour chanter, installer les différentes parties et arrangements jusqu’au final, aux grandes manœuvres orchestrales, mais cette fois-ci dans la lumière. Seul petit bémol : on voudrait voir le compositeur pleinement assumer la délicate mission de parolier. Il est vrai que beaucoup, dans la chanson française, délèguent cette tâche à un alter ego écrivain. Un double. On ne saurait que trop conseiller au jeune songwriter de se lancer, comme il le pressent dans Ecoute. Le format des paroles l’y aiderait, c’est certain. Pas besoin de palabrer, de faire dans le poétique ou de singer Gainsbourg. La tonalité, le sens, la fraîcheur, tout est là dans cette Fugue limpide, actuelle, pas si mineure… A dire vrai totalement prometteuse !
Mehdi Zannad, Fugue (Third Side Records)
http://www.deezer.com/fr/#music/mehdi-zannad/fugue-920842
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