Les seventies en Version Originelle
par Adehoum Arbane le 24.04.2009 dans la catégorie A new disque in town Deuxième opus et somptueuse surprise d’un Parisien ayant Big Ben et le Golden Gate Bridge comme horizon musical et chromatique.
Avec ses allures d’étudiant anglais de Cambridge, mèche rebelle, moustache timide et profil ombrageux, qui est vraiment Any Version Of Me ? Patronyme un brin mystérieux dont les multiples possibilités abritent autant de trouvailles, de refrains et de ponts tendus vers un ailleurs mythifié : les seventies mélodieuses. Dans Home Alone, il y a du America, quelques mesures de Graham Nash, des notes de George Harrison, une once de Bill Fay période Maxine’s Parlour, quelques accents discrets de cette Angleterre d’asile d’une pop céleste, archétypale. Mais dans Home Alone, il y a surtout douze bonnes chansons, douze versions d’une personnalité complexe, repliée et qui semble sur la sublime pochette tout en bleu et or cramé, ô ironie du sort, nous tourner le dos comme pour nous inviter à le suivre dans son monde intérieur. Suivons-le un moment, qui ne dure qu’une petite demi-heure, posons un pas juste derrière lui, et tendons l’oreille. Sur nos épaules, le soleil s’allonge comme une « fiancée » (prononcez en anglais, please), les nuages passent comme des histoires vaguement amoureuses. Mais à mesure que les titres s’écoulent à travers arpèges limpides et orgue badin, une certitude pointe le bout de son idée, une conviction même, une thèse, un angle, du bon déclaratif de rock critic sous le charme, donc un peu moins objectif, mais quelque chose de solide. Any Version Of Me est l’incarnation de ces années perdues, 1968-1970, mais plus encore, il est le savant mélange d’influences américaines et britanniques. Prenez par exemple What If There's No Tomorrow ? et Distant Heaven, les morceaux commencent comme du Crosby, Stills, Nash & Young traversé ensuite d’orgue de fêtes foraines tout droit sortis de Sgt Pepper’s. Your Smile reproduit la même logique, piano Van Dyke Parks et guitare Harrisonienne. Any Version Of Me est LA Synthèse, tout simplement, celle dont rêvent beaucoup de songwriters qui taquinent la six cordes pendant les longues soirées d’hiver rêvant à l’accord ultime, au single parfaitement empaqueté, à l’arrangement éternel, certains en sont loin, d’autres arrivent parfois à percevoir un bout d’un début de chanson et on les imagine fanfaronner, exulter de bonheur tout en épluchant les tablatures d’Abbey Road. Et notre dandy cravaté de près, penché sur un noir et blanc pianoté, lui continue de parfaire son art avec une confondante honnêteté, sans fioritures ni flonflon orchestral, étrennant ici un mellotron modeste, ajoutant là une dernière ligne de chœurs, bricolant sur sa console quelque final en forme de gracieuses ritournelles (Time Can Fly). Oui, le temps s’envole et Home Alone s’achève dans une exquise brume londonienne enveloppant les câbles géants du Golden Gate de San Francisco. Pour en prolonger l’expérience, on rêve alors à une sortie vinyle, histoire de sentir une fois de plus ces délicates fragrances cartonnées comme pour faire la nique à cette époque froide du tout numérique qui voit se perdre dans les méandres du conformisme consumériste cet esprit de collectionneur maniaque, comme autant de versions de nous-mêmes.
Any Version Of Me, Home Alone (Autoproduction)
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