L'Amérique au panthéon rock #12

par Adehoum Arbane  le 13.01.2009  dans la catégorie Récits & affabulations

1969. Premier cri sonique des Stooges mais avant, revenons à l’année 2009, près de 40 ans après. Non, à l’année 2008. Fin décembre, j’avais projeté de publier un papier sur Canned Heat dans le cadre de mon dossier sur le panthéon du rock américain. Un petit contretemps m’a forcé à publier ma note mardi dernier, 6 janvier 2009, en place de l’article sur le premier opus des Stooges que vous lisez aujourd’hui. Quelques minutes plus tard, j’apprenais la mort tragique de Ron Asheton, mythique guitariste de la formation de Detroit. Noir signe du destin. Une semaine s’est écoulée et je ne peux me départir d’une certaine émotion en entamant ce sujet, tant les riffs construits par Ron Asheton ont posé, sans doute malgré eux, des jalons indéniables dans l’histoire du rock. Les Stooges ont commencé ainsi, avec férocité, violence, loin du bonheur universel proposé en couleurs par la mouvance hippie. Cette nouvelle lecture musicale lancée dès les premières secondes de 1969 a tout bouleversé. Iggy Pop fit le reste avec sa voix de crooner halluciné : 1969 ok, war across the USA. La guerre mec. Ironie du sort, à l’heure où beaucoup de guitar heros s’engouffrent dans de longues jams intellectuelles, Ron ne se veut pas virtuose. Il ne l’est pas. De ses limites, il impose un style que les petits braillards du punk déclineront la décennie suivante. Ici, pas de songwriting, de récits de vie compactés sur deux minutes et trente secondes, mais des brûlots, des chansons pour danser, pour oublier ce que l’existence apporte de souffrance, rappelons le terreau des Stooges : la cité industrielle de Detroit, son cauchemar urbain permanent bien loin des plages de Venice Beach. John Cale est aux manettes et l’on sent l’influence de l’ex-velvet sur We Will Fall. Mais à chaque fois, le gang de James Osterberg en revient aux fondamentaux, un son métal, rugueux, gorgé de fuzz et qui semble avoir été gravé dans l’urgence. Mais le génie des Stooges n’est pas là. Comme leurs frères d’arme du MC5, le son « Stooges » s’est fondamentalement détaché de toute référence blues ou rock’n’roll et a même réussi le tour de force d’éviter la tentation psychédélique. Musique presque acculturée, le rock qu’ils fondent dans les forges de Detroit se veut le prolongement direct du garage punk des Count Five ou des Sonics. No Fun, I Wanna Be Your Dog ou Real Cool Time sont des classiques immédiats, du rock hard qui n’est pas le hard rock maniéré des concurrents anglais comme Led Zeppelin, Deep Purple et Black Sabbath, pas plus qu’il ne répond à Steppenwolf ou Grand Funk Railroad. Les Stooges sont neufs, vierges, investis. Ils sont l’incarnation du mythe rock, 4 albums seulement, un destin en marge des codes cockés du star-system, fric, limousines, putes de luxe, et la capacité à susciter des vocations : Lester Bangs fut ainsi le premier écrivain rock, au sens premier du terme, pas un simple journaliste... Et leur plus ardent promoteur. Dernier détail frappant : la collusion entre le leader des Stooges et celui des Doors. Même maison de disque (Elektra), même photographe sur leur premier album (Joel Brodsky), même couleur et même sens de la composition du shoot, même admiration commune pour Sinatra, même tentation exhibitionniste (les bites sortant à chaque concert), même thématique dans le choix des surnoms (Iguane versus roi lézard) et enfin même conception artistique (que des morceaux courts, hormis une chanson-épopée). Qu’ajouter de plus. L’année d’après, ils iront plus loin. Jusqu’à L.A. 

La semaine prochaine : Monster de Steppenwolf

http://www.youtube.com/watch?v=vH6iDPhUjWs

 

 

 

 


Commentaires

Il n'y pas de commentaires

Envoyez un commentaire


Top