La même année, un combo orienté orientalisme va gentiment bousculer les habitudes et, à travers un titre et 9 morceaux, tendre un pont entre Est et Ouest, Occident et Orient. Les six lascars qui posent débonnaires sur la couverture forment le Butterfield Blues Band et c’est au jeune guitariste Mike Bloomfield d’incarner les fondamentaux : riffs sinueux au doux rappel d’une Inde fantasmée, boucles ondoyantes décollant vers un nirvana rock jusque-là inédit même si beaucoup de formations contemporaines se démarquent déjà du blues traditionnel pour explorer la thématique inusable du voyage intérieur ; les 13th Floor Elevators furent à la base de cette révolution sonore mais ce pan entier de la musique américaine n’est pas l’objet de notre réflexion. Paul Butterfield nous intéresse parce que son interprétation du rock repose sur une vision à la fois respectueuse de ses racines blues et capable en même temps de s’en détacher. Une brèche est alors ouverte, le rock devient ainsi le levier de nouvelles aspirations, mystiques et musicales, le groupe se plaçant dans la démarche conceptuelle d’un John Coltrane totalement métamorphosé en gourou spirituel. Work Song est sans doute l’instant clé du disque où tout bascule, faisant naître un feeling hors du temps et des conventions de l’époque et portant le rock au-delà de ses propres frontières, East to the West donc. Sans doute un des premiers albums à inventer le concept de jam, bien avant Hendrix, bien avant la super session qui devait réunir deux ans plus tard le même Bloomfield avec Al Kooper et Stephen Stills. Mais avant cette rencontre au sommet, le jeune guitariste s'emploie à tisser des bourdons totalement novateurs que beaucoup de formations psychédéliques s’empresseront de répéter, comme Serpent Power de San Francisco avec la longue épopée rock Endless Tunnel. Car au-delà même de la forte empreinte lysergique, nous assistons ici aux prémices d’un rock adulte, moderne. La limpidité de la formule développée par le groupe qui enregistre alors pour Elektra aura sans doute largement inspiré les quatre Doors qui à l’époque répètent leurs démos dans le garage de Ray, en rêvant à l’avenir…
http://www.youtube.com/watch?v=NulCT6ZPXzU
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