The Flaming Lips, into the mystic

par Adehoum Arbane  le 20.11.2006  dans la catégorie A new disque in town


15h05

J'étais mollement étendu dans l'herbe docile par un bel après-midi de septembre. Le ciel était haut, plein, vide. Mes yeux parcouraient quelques lignes de Schopenhauer. Ma tête tout entière plongeait dans la prairie nacrée et dans les tréfonds orgiaques de sa pensée.

15h25

J’étais à l’image de ce dandy cool qui arpente le verbe acerbe de Ray Davies dans Sunny Afternoon. Tout se prêtait à cette comparaison. La quiétude de l’azur rond, sans aucun oiseau pour troubler son silence. Il n’y avait que cet avion au loin qui dessinait un sillon ouaté pour me rappeler au bon souvenir de la civilisation. Une brindille était coincée entre mes lèvres. Je la mâchonnais, suçotant la sève vitale à mon organisme.

15h26

Une musique ondoyante et lactée embrassait mon cerveau en disponibilité.

15h27

A moment in time comme disent les anglais et les rires enjoués des enfants tintaient dans le lointain.

15h28

Un bruit vint perturber l’ordre établi de cette si radieuse journée. Des cris perdus entre les buildings érigeant leur masse imposante au-dessus des arbres séculaires. Des hurlements même. Puis un tremblement sourd fit vaciller le tapis du sol. A l’orée de la ville, une ombre énorme apparut,  jetant tout son poids sur le bitume.

15h29

Le colosse n’était point de Rhodes et avait tout d’un monstre échappé de ces vieux films japonais de science-fiction. Mon regard fut frappé de constater à quel point l’ignoble incarnation de notre terreur collective avait pris l’apparence précise d’un Bouddha rose et rondouillard. Derrière ce sourire béat, comme figé, se cachait le noir dessein d’un plan de destruction à l’échelle planétaire. La créature géante irradiait et sa mystique de pacotille annihilait toute volonté de résistance. Les minuscules victimes tombaient alors dans une forme de léthargie irrésistible et finissaient écrasées sous les semelles du prophète bibendum. Ses bras boudinés écartaient les arbres et les gratte-ciel comme s’il s’agissait de simples roseaux. Ses mouvements étaient d’une lenteur telle qu’elle faisait oublier son impressionnante progression. Le géant chauve aux lobes distendus par ses immenses boucles en or massif transformait la ville en un vaste champ de ruines post-apocalyptique.

15h35

Ou comment je devais entrer en guerre contre la mystique.
Mon sang ne fit qu’un tour, mes jambes aussi. Je me précipitais dans mon vaisseau spatial appelé « Lèvres Volantes » et décollais dans un vrombissement impressionnant, prompt à arracher l’Oklahoma tout entier. A l’intérieur du cockpit, j’actionnais des kilomètres de boutons et de voyants. Je réglais en fait le plan de bataille. Il me suffit d’un seul geste pour lui envoyer une décharge de neutrons, vaporeux comme des lignes suaves de mellotron. Le Bouddha joufflu fit mine de se gratter comme sous le coup d’une légère démangeaison. Qu’à cela ne tiennent, mes canons vidèrent sur le monstre mystique tout ce qu’ils avaient de laser. En vain, la masse en mouvement semblait invulnérable. Il fallait passer à une tout autre tactique. Je tirai une manette qui déclancha alors la mutation de « Lèvres Volantes » en un robot surpuissant. À mesure que les modules s’assemblaient, le fier androïde  prenait forme sous les yeux des habitants microscopiques. Une fois déployée, « Lèvres Volantes » imposa d’emblée la silhouette rebondie de Jane Mansfield, seins dressés dans un sursaut de taule. Complètement nu, le robot n’en paraissait que plus aérodynamique, fendant l’air vif du jour. Robotique Jane propulsa au sol le Bouddha adipeux d’un violent uppercut. Il s’en suivit une lutte âpre entre les deux titans. Les coups pleuvaient, éventrant le ciel et les nuages. Chaque attaque déclenchait des éclairs électriques, des traînées de couleurs qui, pareilles aux aplats nerveux des comic-strips, s’étendaient dans le cadre délimité de l’horizon. Avant de lui asséner le coup de grâce et de l’envoyer définitivement au tapis (volant), les doigts du robot crachèrent des missiles lysergiques. Le bienheureux bonhomme chancela un moment. Robotique Jane bomba alors le torse et ses deux seins mitraillèrent le Bouddha boudiné d’une salve nourrie de voix lactée.

16h00

La masse rose et informe s’écroula dans un ultime tremblement de terre. Le corps bouffi par les coups répétés avait pris soin de s’aligner dans la perspective tracée par l’avenue, encadré par des bras de réverbères. L’heure était au triomphe et comme dans les films des Monty Pythons, des clairons et des grandes orgues sortirent des nuages, carillonnant au loin l’hymne choral de la victoire. La mystique venait de mordre la poussière et ses politiciens avec. Robotique Jane s’élança dans l’immensité silencieuse du ciel comme une flèche étincelante, regagnant sa base secrète, sur je ne sais quelle planète de la galaxie.   


The Flaming Lips, At war with the mystics (Warner Bros)

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http://www.deezer.com/fr/album/90831

 

 


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