V comme Bohemian Vendetta
par Adehoum Arbane le 30.10.2006 dans la catégorie C'était mieux avant
"La tribu prophétique aux prunelles ardentes
Hier s'est mise en route, emportant ses petits
Sur son dos, ou livrant à leurs fiers appétits
Le trésor toujours prêt des mamelles pendantes."
Charles Baudelaire
Une autre tribu s’est mise en route pour nous emporter vers d’autres nébuleuses. Moins baudelairiennes, mais tout aussi mystérieuses. Ces cinq petites frappes de Long Island, aux yeux dessillés de lunettes noires, livrent à nos fiers appétits les trésors toujours prêts de leurs cerveaux cramés. Jamais un album (unique par ses qualités et par son absence de descendance) n’aura suinté autant le bad trip, le cauchemar lysergique. Sorti en 1968 sur le label Mainstream (qui porte très mal son nom tant il a abrité pendant quelques années le must de la production psyché américaine), Bohemian Vendetta propose un ensemble cohérent de 10 titres glaçants où l’instrumentation et la production réduites à l’essentiel (orgue, guitares, basse, batterie) enrobent magnifiquement des textes empreints de visions acides et colorées.
Il faut dire qu’à Long Island, on boude la sunshine pop made in L.A. On préfère la dissonance, les guitares brouillonnes et les orgues en lame de rasoir. Suicidaires donc. Il y a dans cet opus une sorte de chaos permanent. Les thèmes s’enchaînent à un rythme effrayant, que les tempos soient rapides ou planants. Les voix parfaites déclament ce qu’il faut d’imprécations imbibées comme dans Paradox City.
Deux reprises viennent perturber cet agencement magnifiquement composé. Mais ici, pas de réécriture fastidieuse. House Of The New Rising Sun commence sur un tapis de basse, de fuzz et d’orgue que les percussions affolées viennent alors bousculer. La voix, enregistrée très loin, accentue les effets psyché. La guitare cisaille le morceau de part en part et plus les minutes passent plus le cœur s’emballe dans un tourbillon paroxystique. Hanté. Cet album prend possession de votre âme. Deaf, Dumb And Blind oppose chœurs religieux aux vertiges d’une guitare épileptique. Au bord de la syncope, le corps tout entier se perd dans des dédales impossibles.
On regrettera les choix du label, préférant au sombre Charity Killjoy le plus attendu (mais non moins excellent) Satisfaction. Sans doute pensait-on que cette reprise porterait l’album des Bohemian Vendetta au firmament des productions psychédéliques. Il n'en fut rien, le disque finit dans les bacs à solde. Nous garderons en mémoire les mélopées magiques, la pochette flashante et les poses photographiques sévères des 5 membres d’un combo incarnant jusqu’au bout les âpres tourments du psychédélisme.
The Bohemian Vendetta, same title (Mainstream)
Commentaires
carcamousse
31.10.2006
Bonjour,
J'ai posté également un (long) article sur Bohemian Vendetta, hier au soir sur le forum rock60/70. Mais le forum à “déménagé”, effaçant tout, et il n'y a plus moyen de me reconnecter. J'adore ce groupe. Je suis également l'auteur de l'article sur Flat Earth Society paru sur www.thestrangeexperienceofmusic.com et je profite de cette occasion pour te remercier de ton commentaire. Pourrais-t'on discuter davantage?
Cordialement,
Carcamousse
Arbane
06.11.2006
A ta dispo !
carcamousse
08.11.2006
Comment te joindre!?
Carcamousse